Le Nouvelliste
L’urgentologue Dimitri Henrys préconise la sensibilisation à cause de nos faiblesses structurelles
March 25, 2020, midnight
« Dans le meilleur des scénarios, le Covid-19 devrait toucher 1% de la population haïtienne, soit 100 000 personnes, si on considère que nous sommes 10 millions d’habitants. Selon les statistiques disponibles dans les pays déjà touchés par le Covid-19, 80% des personnes infectées développeront une forme légère, 15%, soit 15 000 personnes, présenteront des cas sévères qui auront besoin d’être admis en salle des urgences. Les autres 5% développeront des cas critiques », selon l’urgentologue Dimitri Henrys. Dans l’état des choses, a-t-il fait savoir, Haïti n’a pas la capacité ni en termes d’espaces ni en termes de spécialistes en matière d’urgence pour accueillir les 15 000 personnes qui présenteront des cas sévères. Pour les 5 000 personnes qui seront dans la catégorie des cas critiques, la situation est encore pire. « Ces malades auront besoin d’être placés sous ventilation artificielle à cause de leur incapacité à respirer. A côté de leurs poumons, plusieurs autres organes pourraient être affectés par le virus », précise le médecin, faisant remarquer qu’il existerait en Haïti actuellement seulement 124 lits de soins pour les cas critiques. Dimitri Henrys estime que, dans l’état actuel des choses, nous ne pouvons pas faire face à cette réalité. Même si les autorités décidaient d’acheter dix mille ventilateurs aujourd’hui, le problème ne serait toujours pas résolu, selon l’urgentologue. « Il faut tout un système incluant les ventilateurs, l’espace, le matériel, les spécialistes pour fournir des soins critiques », soutient Dimitri Henrys. Il a expliqué sur Magik 9 mercredi qu’ « il n’existe pas beaucoup d’urgentologues et d'urgentistes en Haïti ». Par rapport à ce constat, le docteur Dimitri Henrys pense que nous devons faire le « maximum de sensibilisation pour casser la chaîne de transmission du virus ». Le peu de cas enregistrés jusqu’à date ne doit pas être une raison pour minimiser la maladie. « Nous sommes dans la phase d’illusion. La désillusion nous frappera très rapidement », dit-il en prenant l’exemple de l’Italie et des États-Unis qui sont passés respectivement de 21 cas à 59 138 cas et de 16 cas à 32 536 patients du 21 février au 22 mars. « On doit faire très attention », conseille-t-il, en insistant sur la nécessité de la sensibilisation. Sa position serait que les autorités appliquent le confinement. Mais naturellement, le médecin est conscient que l'État n’a pas les moyens de subvenir aux besoins des gens confinés. Dimitri Henrys a aussi appelé à une meilleure gestion « des faibles ressources humaines » dont dispose le pays. Plusieurs collègues médecins lui ont confié qu’ils n’ont pas le sentiment que des efforts sont en train d’être consentis par les autorités pour leur fournir du matériel de protection personnelle, c’est-à-dire des masques spécifiques, des gants, des blouses, des surblouses et des bonnets.