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Le Nouvelliste

Décès de l’ingénieur Lionel Henriquez: Le Nouvelliste perd un ami, le pays un expert

April 27, 2020, midnight

Le Nouvelliste salue le départ de l’ingénieur Lionel Henriquez homme vertical, grand amoureux d’Haïti. Depuis 1995, Lionel Henriquez a été parmi les rares experts en transport à publier des textes dans Le Nouvelliste. Toujours à la Une du journal. A la Une parce que ses textes, des recherches pointues, avaient la clarté du professeur généreux en partage pour se faire comprendre et cet indéfinissable attrait du citoyen inquiet désireux d’alerter sur les problématiques de son secteur d’études. Lionel a été toute sa vie un ingénieur, un chercheur et un pédagogue. Jusqu’à ses derniers mois, il travaillait ses textes et faisait des promesses au journal. Nos pages vont rester vides de ses idées. L’ingénieur Henriquez, longiligne, reconnaissable par sa haute taille et par sa crinière blanche, était intarissable sur ses péripéties avec les militaires suspicieux devant toute recherche scientifique au temps où les Forces Armées d’Haïti vous convoquaient aux Casernes Dessalines devant la fameuse Commission d’enquête, chargée de la police politique, pour vous faire expliquer pourquoi la largeur et la longueur des routes vous intéressent. Lionel était aussi cet expert senior qui se désolait de la bêtise des derniers responsables publics qu’il a eu à rencontrer. Il se faisait un sang d’encre quand il les voyait accepter toute proposition du premier consultant étranger venu avec un projet ou une solution après avoir lu tout ce qu’il pouvait sur Haïti la veille de la réunion. Nos irresponsables nationaux acquiesçaient pas parce qu’ils étaient d’accord avec le consultant mais parce qu’ils n’avaient pas le niveau ni pour comprendre ni pour contester quoi que ce soit, se désolait-il   Lionel était de cette génération qui réfléchissait encore et qui étaient de niveau international avec des publications dans les revues étrangères et une réelle connaissance de l’histoire des institutions, des hommes et des mesures dans un pays où l’écrit et la nécessité de la continuité sortent lentement de nos pratiques. Pour ses secteurs d’activités, depuis plus de cinquante ans, Lionel était l’équivalent des Archives nationales à lui tout seul.  Ces jours-ci, Lionel Henriquez serait à l’affut de la décision des autorités sur le prix de l’essence, lui qui dénonçait le beurre que se font les compagnies pétrolières indûment parce que l’État haïtien n’a plus les cadres de qualité pour les contrer ni pour les contenir. Il serait aussi dans l’attente de la fixation des prix des courses de transport public. Des années que l’ingénieur se demandait comment a-t-on pu confier cette tâche technique et économique au ministère des Affaires sociales et du Travail qui n’est absolument pas équipé pour effectuer ce calcul. Le prix des courses relève de l’économie du transport et le transport relève du ministère des Travaux publics, transports et Communications, répétait-il tout le temps. Il avait la même aversion pour un autre glissement : le service de la circulation qui avait préempté la règlementation de la circulation au lieu de rester à sa place qui consiste à appliquer des lois et mesures écrites par les spécialistes en transports. Que les motocyclettes ne soient toujours pas reconnues comme des éléments majeurs de l’offre de transport de passager en Haïti, rentre selon lui dans le cadre de la cécité des hommes en arme en matière de circulation et de transport. Ce n’est pas de leur ressort, disait-il. Lionel Henriquez disparaît à la veille de l’ouverture de la 10e édition du Sommet International de la Finance et de la 5e édition de la Fintech. Il aurait été attentif aux débats, lui qui s’enrichissait de tout ce que les autres disciplines pouvaient lui apporter. Je l’imagine sourire dans sa moustache, heureux que l’on réfléchisse encore dans ce pays sur les problèmes de ses habitants. Et qu’on y pense encore que l’avenir c’est demain. Au revoir ingénieur Henriquez. Frantz Duval