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Juno7

La pièce d’identité, un élément essentiel face au mouvement « Bwa Kale »

Nov. 22, 2024, midnight

Depuis l’émergence du mouvement Bwa Kale dans plusieurs quartiers de la capitale haïtienne, une pièce d’identité est devenue un élément essentiel pour circuler librement. Dans des zones comme Canapé-Vert, Christ-Roi et certains secteurs de Delmas et Pétion-Ville, la population exige désormais que chaque personne puisse s’identifier sous peine de subir des actes de violence.Le Bwa Kale symbolise la colère de communautés excédées par la montée en puissance des gangs criminels. Il s’agit d’une forme de justice populaire visant à éliminer les individus perçus comme des bandits. Ceux qui sont capturés, souvent sans procès, sont brûlés vifs, un acte qui témoigne du ras-le-bol général face à l’incapacité des autorités à assurer la sécurité des citoyens.Depuis ses débuts à Canapé-Vert, ce mouvement a pris une ampleur. Si certains voient dans cette initiative une réponse à la violence endémique, d’autres déplorent certaines dérives, notamment l’exécution de certaines personnes qui ne peuvent prouver leur identité faute de pièce d’identité valide.Conscients des risques d’erreurs tragiques, certains groupes de citoyens ont instauré des méthodes de vérification alternatives. Des inconnus sont interrogés, priés d’appeler un proche ou soumis à d’autres moyens pour confirmer leur identité. Ces précautions, bien que rudimentaires, ont permis de sauver plusieurs vies. Cependant, elles restent insuffisantes face au mouvement Bwa Kale, qui repose souvent sur des jugements hâtifs basés sur l’apparence ou la simple suspicion.Des stéréotypes émergent, ajoutant une dimension encore plus inquiétante à ce phénomène. Certains avancent qu’être « laid », porter des dreadlocks ou avoir des vêtements sales peut suffire pour être ciblé. Une réalité qui pousse de nombreuses personnes à limiter leurs déplacements par crainte d’être injustement prises pour des bandits.Cette situation met en lumière un problème structurel : l’accès limité à des documents d’identité en Haïti. L’Office National d’Identification (ONI), chargé de délivrer les cartes d’identification nationales, est régulièrement critiqué pour son dysfonctionnement. La lenteur administrative et l’insécurité générale compliquent l’obtention de ces documents essentiels.À cela s’ajoute la crise humanitaire provoquée par les gangs : de nombreuses personnes ont perdu leurs papiers en fuyant leur domicile. Sans carte d’identité, passeport ou permis de conduire, elles deviennent vulnérables face aux représailles populaires.Face à ce climat de tension, ceux qui ne possèdent pas de pièce d’identité choisissent souvent de rester chez eux, réduisant au maximum leurs déplacements. Pour d’autres, le Bwa Kale est une réponse nécessaire, bien que brutale, à une situation d’urgence où les institutions de  se montrent incapables de protéger les citoyens.En attendant des réformes structurelles pour renforcer l’accès à l’identification nationale et restaurer l’autorité de l’État, le Bwa Kale continue de faire son chemin parmi une population déjà éprouvée par une insécurité généralisée.Ce phénomène met en lumière une question importante : comment un peuple abandonné à lui-même peut-il équilibrer la quête de justice avec le respect des droits humains ?