Le Nouvelliste
Des interprétations légitimes, plausibles…
May 22, 2020, midnight
Un enregistrement audio - largement publié dans les réseaux sociaux, et même commenté dans des médias traditionnels - a relaté des propos insultants, insolents, hasardeux, impudents qu’aurait tenus un haut dignitaire de l’État, lors d’une réunion dans le Plateau Central, brossant les traits caractéristiques d’Haïti, pareils à ceux d’un cadavre vivant, abandonné à lui-même ; lequel s’effondrerait, très longtemps, si une valse de vautours ne le maintenait artificiellement ou virtuellement encore debout. Ces propos d’un soi-disant officiel, très loin de nous révulser, au Rassemblement des démocrates, nationaux, progressistes (RDNP), nous donnent, en revanche, la force, l’énergie, la détermination de mener le noble combat de la libération irréversible de « Notre Pays » du joug des « bandits légaux », des gangs armés, des corrompus et corrupteurs. En disant : « Notre Pays », nous faisons appel à vous, citoyennes et citoyens de bonne foi, de bon commerce, Guerriers de lumière, Magistratures morales, en réserve de la République, qui - face à une telle infamie, à une si grande profanation - doivent vaincre leurs appréhension, hésitation et peur, prendre les décisions patriotiques nécessaires, en vue d’adopter une nouvelle organisation politique et d’assurer une nouvelle gestion de la patrie commune. Nous vous appelons, vivement, ceux qui croient en la survie d’une Haïti digne et régénérée à se rassembler - non en éléments sans liaison, sans liens, sans ancrage, sans communauté de destin, d’intérêts. Vous, les nombreux tièdes, désespérés, déçus, pourtant restés viscéralement patriotes, il vous faut enfin dépasser le stade de la juxtaposition quantitative pour atteindre une organisation qualitative, articulée, devant cette nécessité de maintenir l’intégrité de l’État d’Haïti. Il semble s’écrire, par des fossoyeurs malhabiles, la chronique de l’effondrement annoncé du pays de l’Empereur Dessalines, après son lâche et crapuleux assassinat. Il semble dit très clairement que tout n’est qu’artifice, que les pirouettes de ceux se trouvant, malheureusement, au chevet du malade ne sont pas pour le sortir du stade critique, voire lui rendre une certaine santé. Il semble clair que ce sont là, les ultimes gesticulations avant le dépècement final. Il semble clair que tout est très loin d’être clair, en cette période de détresse causée par la propagation mondiale de la pandémie Covid-19, donnant lieu à toutes les spéculations, inquiétudes et incertitudes. Même des pays mieux organisés et structurés tentent de conjurer le mauvais sort, pour qu’ils ne soient devenus des proies tentantes, qu’ils ne soient le dindon d’une quelconque farce, qu’ils ne soient pris de cours, lors d’une possible et éventuelle curée. Tant les enjeux, dans la perspective de l’après-Covid-19, paraissent considérables, tant les appétits des supergrands peuvent être aiguisés cyniquement. De telles déclarations d’un responsable d’un État déjà fragile peuvent être sujettes à des interprétations apparemment folles, insensées, caricaturales, par contre légitimes, plausibles, axées sur certains réflexes et considérations d’ordre sociohistorique. Pour nous du RDNP, c’est toute la substance du pays, de la société, qui fond à vue d’œil, rongée par l’incurie croissante, l’impéritie avérée, la putréfaction graduelle de l’État, chaque jour, plus tragique, plus calamiteuse. Ajouté aux écarts de langage, de comportements, aux scandales à répétition, aux failles protocolaires, aux manquements à l’éthique de responsabilité. Tout est désormais banalisé, débilité, sali, terni, profané, corrompu, vilipendé ; les institutions, les fonctions jusqu’aux symboles et aux patrimoines matériels et immatériels de l’État. Quel boulet encore, plus avilissant, plus déshonorant, doit frapper l’édifice déjà vermoulu de l’État pour que s’éveille la conscience collective, pour que vous - citoyennes et citoyens conscients, représentant les forces vives et saines de la société - exprimiez votre colère et votre indignation de la dégénérescence du pays ? Il faut reconnaitre qu’une armée d’esclaves va-nu-pieds a eu l’honneur, la vaillance de créer l’État d’Haïti, sans avoir le temps de forger la Nation haïtienne. Mais, après plus de deux cents ans d’existence, ne nous revenait-il pas, à nous autres de construire cette Nation qui doit fructifier, enrichir, ennoblir, pérenniser cet État ? Il y a un État-Nation haïtien à créer afin de tempérer les rébellions grandissantes, les velléités bellicistes, de satisfaire les justes et légitimes revendications d’une meilleure répartition et gestion des maigres ressources nationales, de favoriser la cohésion sociale, voire, de stopper cette rupture d’équilibre au sein de la société haïtienne... En même temps que nous apprenons difficilement à faire des gestes-barrières pour nous protéger contre la propagation du coronavirus, nous devons déjà nous préparer à changer de mentalité, d’attitude, de comportement pour adapter le pays à la nouvelle orientation, que va prendre le monde, qui s’annonce périlleuse, compliquée, pour la survie et l’organisation politique des États faibles. Ce ne doit être pas le combat des défaitistes, qui pourraient s’accommoder du maintien du système esclavagiste, mais celui de Guerriers de lumière, de Magistratures morales, tirés de leur torpeur, de leur apathie. Ensemble, ensemble, ensemble, jusqu’à la victoire finale. Met men, pran desten nou an men. Eric Jean-Baptiste Secrétaire général du RDNP