Le Nouvelliste
«En situation de crise la politique saisit le droit», dixit Guichard Doré pour expliquer ce qui se passe sur le plan constitutionnel
Sept. 23, 2020, midnight
Ceux qui ont toujours rêvé d’avoir des dirigeants respectueux de la Constitution ont eu leur lot de douleurs cette semaine. Après la mise en place d’un Conseil électoral provisioire à qui le chef de l’État a confié la mission d’organiser un référendum en vue de doter le pays d’une nouvelle Constitution, les membres de ce conseil ont reçu investiture mardi au Palais national sans avoir prêté serment devant la Cour de cassation. Pour toutes ces violations de la Constitution, le conseiller spécial du président de la République a une explication. « Nous sommes en situation de crise politique. En crise, avance Guichard Doré, le droit est saisi par la politique. On utilise la politique pour résoudre les problèmes, retourner à la normalité et appliquer le droit ». « Aujourd’hui, nous n’appliquons pas la Constitution. On lutte pour rester le plus proche d’elle », reconnait le conseiller qui cite l’absence du Parlement pour corroborer sa thèse. « C’est une anomalie démocratique », ajoute-t-il sans mentionner le fait que les élections n’aient pas été organisées à temps par le chef de l’État dont il est le conseiller pour renouveler le mandat des députés et de vingt sénateurs. Guichard Doré affirme que « si l'on appliquait le droit dans une situation, on n'y arriverait pas ». « Le droit est insuffisant en période de crise », martèle-t-il. M. Doré. Selon lui, toute la société devrait comprendre que tous les efforts actuels de l’équipe au pouvoir est en train de déployer ont pour but de revenir à la normalité. Parce qu’on est dans une situation de crise, le président, en tant qu’homme politique, selon Guichard Doré, a un pouvoir de crise qu’il peut utiliser pour permettre au pays de revenir à la normalité. Il fait savoir que le chef de l’État, par son « intelligence » et sa « compréhension », est en train d’utiliser ce pouvoir pour permettre aux institutions publiques de retrouver leurs lettres de noblesse. Sur la mission d’organiser un référendum assignée au nouveau Conseil électoral provisoire en violation à la Constitution, Guichard Doré souligne qu’il ne s’agit pas de modifier la Constitution mais de doter plutôt le pays d’une nouvelle Constitution. « Aucun texte, aucun document, aucune norme ne peut empêcher le peuple haïtien de se doter d’une nouvelle Constitution. C’est un droit imprescriptible et inaliénable », soutient le conseiller spécial de Jovenel Moïse. Le président Jovenel Moïse est très critiqué pour avoir décidé d’avancer sur le chemin de la nouvelle Constitution sans un minimum de consensus avec les différents secteurs de la société. « Le président n’a pas à consulter les groupes qui défendent des intérêts particuliers mais le souverain, c’est-à-dire le peuple», selon l’analyse de Guichard Doré. Il pense que ç’aurait été irresponsable de la part de Jovenel Moïse de quitter le pouvoir sans doter le pays d’une nouvelle Constitution capable de le rendre plus gouvernable. Guichard Doré se félicite de l’enclenchement d’une dynamique historique de changement, de progrès, de paix et de responsabilité et à laquelle il invite les hommes honnêtes et sérieux à prendre part. « Le président de la République n'a d'autres pouvoirs que ceux que lui attribue la Constitution », stipule l’article 150 de la Constitution. « Il est là également pour assurer le bonheur au niveau de la société », précise Guichard Doré. Le président est là pour appliquer la Constitution mais il est avant tout un homme politique, a poursuivi le conseiller spécial du chef de l’État. La prestation du CEP devant la Cour de cassation est juste une tradition Quand le président de la République a décidé d’investir les membres du Conseil électoral provisoire en dépit du fait que la Cour de cassation n’avait pas reçu leur prestation de serment, il n’a violé aucune disposition constitutionnelle, selon Guichard. La prestation de serment des membres du Conseil électoral provisoire devant la Cour de cassation n'est qu'une tradition, déclare Guichard Doré qui précise que cela n’est écrit nulle part dans la Constitution. L’article 194-2 qu’on a toujours évoqué pour souligner la nécessité des membres du CEP de prêter serment devant les juges de la Cour de cassation avant leur installation parle de Conseil électoral permanent, fait remarquer Guichard Doré. Si tous les conseils électoraux provisoires qui se sont succédé ont toujours posé ce geste, ce n’est que « parce qu’on a toujours tendance à incorporer dans note façon de faire certaines erreurs une fois répétées », fait savoir Guichard Doré.