Le Nouvelliste
Deuxième semaine de grève au sanatorium, le MSPP fait la sourde oreille, les tuberculeux en difficulté
Sept. 15, 2020, midnight
A la salle de "physio femme 2" au sanatorium, Anyama, âgée de 18 ans, est au bout de sa souffrance. Sur l’un des lits abimés de cette salle, elle est en grande difficulté. Elle est atteinte d’une inflammation de la plèvre (membrane recouvrant les poumons), le pyothorax. Entre les deux feuillets de sa plèvre, il y a un liquide purulent qui lui cause des douleurs aiguës au niveau du thorax et de la poitrine. « On devait placer un drain thoracique pour elle, mais à cause de la grève des médecins résidents, on n’a pas pu le faire », a expliqué un médecin interrogé par le journal, le lundi 14 septembre. Anyama n’est pas la seule hospitalisée au Sanatorium, unique centre pneumologique du pays, se trouvant dans cette situation. Il y a beaucoup de patients qui attendent un simple geste médical pour aller mieux. Dans la salle de pneumologie pour Homme, huit patients dont un adolescent de corpulence frêle n’arrêtent pas de tousser. Ils nécessitent des suivis médicaux. Depuis la grève illimitée lancée le jeudi 10 septembre par les médecins résidents, tout ou presque tout est dysfonctionnel. Les médecins réclament 12 mois de frais mensuels non versés. De cette situation, les patients en pâtissent tandis que les autorités sanitaires font la sourde oreille. « Après 5 jours d’arrêt de travail, on n’a aucune nouvelle du ministère de la Santé publique et de la Population. Aucune note positive », a assuré le Dr Anderson Jean-Baptiste, porte-parole des résidents. Très acide, le résident 2 n’y est pas allé avec le dos de la cuillère pour fustiger le comportement des autorités sanitaires. « Elles sont animées de mauvaise foi. L’état de santé des patients en Haïti, leur souffrance n’intéresse pas nos autorités. La menace d’arrêt de travail des médecins, dans n’importe quel pays, soulève de grandes préoccupations. Chez nous, ça ne fait ni chaud ni froid. Parce que la santé n’intéresse personne. Nos autorités peuvent voyager pour aller se faire soigner ailleurs », a lâché le résident 2. Le directeur médical du sanatorium, rencontré à l’hôpital, a qualifié de justes les revendications des médecins qui conditionnent la levée de la grève à la satisfaction de leurs revendications. « Ils ont une année sans frais mensuels. Je comprends leurs revendications mais pas pour la grève. Il fallait voir les responsables avant d’entamer la grève », a réagi le Dr Ardouin Esther Louis Charles, directeur médical du sanatorium de Port-au-Prince, qui dit avoir été mis au courant du mouvement de protestation des médecins. « Nous avons entamé des démarches auprès du ministère de la Santé publique, mais malheureusement elles n’ont jamais abouti », a ajouté le médecin qui était au four et au moulin. Si le directeur médical du Sanatorium et les médecins résidents ne sont pas sur la même longueur d’onde concernant la grève, ils s’entendent toutefois sur le fait que la santé est le cadet des soucis de responsables sanitaires du pays. Le Dr Louis Charles a profité de l’occasion pour faire comprendre que l’unique centre de pneumologie du pays est dépassé. « Nous n’avons pas assez de matériels et d’instruments pour le faire fonctionner comme un centre pneumologique, le seul que nous disposons en Haïti », a-t-il fait savoir, soulignant attendre avec impatience la concrétisation des promesses de la ministre de la Santé qui lui a informé d'une commande déjà placée de matériel destiné au Sanatorium. Outre les matériels, le sanatorium a besoin de quelques médecins spécialistes. « Nous avons un gros problème en médecine interne. Depuis la mort de notre cardiologue, cela fait un an, nous n’avons pas d’interniste. Il nous faut au minimum deux », a souligné le Dr Louis Charles, indiquant que la qualité de la médecine n’intéresse guère les dirigeants de ce pays. Le Nouvelliste a tenté vainement de contacter la ministre de la Santé publique et de la Population, le Dr Marie Greta Roy Clément. *Anyama est un nom d'emprunt