Le Nouvelliste
GRAHN : ambitieux projet de la diaspora, construction d’une Haïti nouvelle (2)
June 17, 2020, midnight
Un pays se construit. C’est un cycle qui se réalise en plusieurs étapes. Le Groupe de recherche et d’action pour une nouvelle Haïti (GRANH) veut y contribuer, à partir de résultats d’études scientifiques. Cependant, l’élément clé pour dessiner cette nouvelle Haïti est l’Haïtien lui-même. Il sera porteur du changement quand il l’aura internalisé. Un pays se bâtit, d’abord, dans la tête de ses citoyens. C’est la conscience collective qui métamorphosera le désespoir en rêves qui aboutiront en une vision commune. De nouvelles approches collaboratives seront introduites pour créer une nouvelle réalité. GRAHN vise à développer de nouvelles grappes de compétence à partir des éléments les plus fragiles de la société mais garants du futur du pays : les jeunes de milieux défavorisés. En Haïti, l’éducation de qualité est réservée à une minorité privilégiée. Ce déterminisme repousse l’horizon de millions d’Haïtiens, en dehors des 27 500 kilomètres carrés. Car la seule perspective à ce désarroi semble l’exil. Nous les reverrons quelques années, plus tard, brillants de mille feux sur un podium, recevant honneur et mérite dans leur société d’accueil, pour leur génie. Le Pôle d’innovation du grand Nord (PIGRAN) reflète l’ambition d’une Haïti équitable et unifiée. Lancé en 2016, il prône une société haïtienne plus équitable. La construction d’un centre moderne pour la petite enfance (le plus grand d’Haïti) prouve que la jeunesse est le centre des priorités. Cela devrait d’ailleurs être l’enjeu, à part entière de la société. S’intéresser à notre avenir, à nos enfants… quel que soit leur rang social. Ce pôle d’innovation repose sur le secteur de l’éducation et se développe du préscolaire aux écoles de formation professionnelle et technique ou vers l’ISTEAH grâce à son dispositif de formation en ligne. Samuel Pierre a eu le génie de se servir de la sensibilité des Haïtiens de l’extérieur, également d’étrangers acquis à la cause d’Haïti afin de mettre sur pied ce projet. PIGRAN, une initiative du GRAHN, est financé par 150 citoyens haïtiens de l’intérieur et de la diaspora. C’est la symbiose, le « Tèt ansanm » si souvent glorifié mais rarement appliqué. PIGRAN est un projet pilote porteur d’espoir, le visa haïtien pour la mobilité sociale. L’éducation est la clé de la réussite. « La tête d’Haïti est à recréer car c’est un pays qui a été décapité », disons qu’Haïti a la tête ailleurs. Et cela se poursuit. « Selon les chiffres de la Banque mondiale, 83% des Haïtiens qui ont une formation post-secondaire vivent à l’étranger ». Ces propos de Samuel Pierre, au micro du journaliste Michel Desautels de radio Canada, rappellent l’urgence d’une suppléance des cerveaux de la diaspora et la formation sur place de jeunes cadres, pour aider les 17%. Ce projet a donc été créé « dans le but de lutter contre la pauvreté et de produire de la richesse, afin de la redistribuer, et réduire la misère », ajoute Samuel Pierre, car faut-il bien motiver les Haïtiens à rester au pays pour le développer. La création de 20 000 emplois directs, générés par 50 PME, issues d’un incubateur d’entreprises complète donc la stratégie. Chers compatriotes, le clivage Haïtiens diaspora/Haïtiens de l’intérieur d’Haïti est absurde, autant que peuvent l’être les discriminations Noirs/mulâtres, paysans/citadins et toutes les multiples divisions qui nous atomisent et nous réduisent à l’insignifiance. Nous avons besoin de dialogue et d’implication entre les nantis économiques et intellectuels. GRAHN réussit son œuvre, en grande partie grâce au bénévolat et une gestion efficace et efficiente de l’argent. L’ISTEAH et PIGRAN ont été construits avec un million et demi de dollars chacun sur un terrain offert gracieusement par l’Etat haïtien et la contribution volontaire de techniciens et professionnels. C’est un projet sérieux en phase et au service de la population, loin de Port-au-Prince, et du glouton départemental de l’Ouest tout en répondant à l’exigence constitutionnelle de décentralisation et profitant du réseau universitaire préexistant et l’existence d’infrastructures, tel un aéroport international au Cap-Haïtien. Les jeunes ruraux ont le droit à l’aspiration sociale. Depuis 1804, les pannes de la société haïtienne se trouvent dans les inégalités et les injustices entre la ville et la campagne et l'absence totale de prise en charge de la jeunesse rurale. La principale ressource d’Haïti est sa jeunesse. Les élites locales (universitaires, économiques et politiques) et l’État haïtien n’ont jamais tenu compte de cette jeunesse qui est abandonnée à son sort. La diaspora haïtienne est un levier indispensable mais incompris et sous- utilisé. L’avenir d’Haïti repose sur les forces vives non corrompues, la jeunesse et la diaspora. La parfaite combinaison de ces trois vecteurs impulsera les énergies nécessaires pour parachever l’œuvre de nos ancêtres : construire un pays.