Le Nouvelliste
Carnaval, bandits, violence, kidnapping
Jan. 23, 2020, midnight
Le gouvernement, qui liquide encore les affaires courantes, a décidé de lancer, sans crier gare, la période pré carnavalesque, sans se soucier de l’inquiétante question sécuritaire générale du pays. Alors que, généralement, cette période de réjouissances populaires charrie des vagues de violence, et, dans les moments de grande tension politique, des poussées de polémique clanique et/ou partisane. Ce premier dimanche a, bizarrement, coïncidé avec un affrontement sanglant et meurtrier, de plusieurs gangs armés qui établissent, depuis longtemps déjà, leur quartier général à l’entrée qui mène vers cinq départements du pays. Les dirigeants actuels du pays peuvent trouver le prétexte de la participation d’une couche de la population haïtienne pour légitimer leur cynisme, comme s’il répondait à un besoin de défoulement dont on ne saurait priver des citoyennes et citoyens, après des mois d’enfermement dans un pays lock. A titre, d’exemple, ils ont mobilisé un dispositif imposant d’agents des forces de la police nationale au Champ-de-Mars, principal lieu d’exercice pré carnavalesque, pour apporter un minimum de sécurité aux participants. Au même moment où ces gangs armés s’affrontaient rageusement, poussant des familles de Cité l’Éternel, de Cité de Dieu, de Bicentenaire, de Martissant…, à la rue et à se réfugier n’importe où pour échapper à la mort. À la mort banale, violente, que redoutent tant les usagers de la nationale # 2, particulièrement, les habitants de la commune de Carrefour - limitrophe de ce repère de «bandits légaux» armés - contraints d’emprunter ce tronçon de tous les malheurs, quotidiennement. Que dire des paisibles familles, habitant les fiefs de ces gangs armés, à qui ces derniers refusent, systématiquement, le droit, même, de changer de quartier, parce qu’ils servent de chair à canon ou de boucliers humains. Une situation qui, malheureusement, n’émeut pas trop les responsables des organisations de défense de droits humains du pays ! Nous, du rassemblement des démocrates, nationaux, progressistes (RDNP), voulons éviter toute équivoque sur l’opportunité d’organiser annuellement les festivités carnavalesques, au même titre que le «rara», les fêtes champêtres, patronales… Ce sont, pour nous, des faits culturels, des manifestations qui marquent notre singularité de peuple afro descendant et qui s’imposent, dans notre réalité, comme des objectivités sociales, partie intégrale de notre identité à sauvegarder et à valoriser. Dans ce cas particulier, notre préoccupation se situe à un autre niveau de responsabilité. Celle qui incombe aux dirigeants actuels et qui devrait les interpeller, au plus haut point : la sécurité complète des lieux du théâtre, mais, surtout, celle des participants jusque sur le chemin du retour dans leur foyer. Quand ces conditions minimales ne sont pas remplies, nous, du RDNP, ne pouvons nous empêcher de penser que le souci des dividendes ou satisfécits politiques prime sur la tenue réelle, objective, de la manifestation. Il semble s’agir de donner, à une population désœuvrée, insouciante et fêtarde, le simple prétexte d’une distraction gratuite pour mieux la détourner de sa misère quotidienne, de ses pressantes revendications, de ses légitimes aspirations. Nous serions enclins à penser autrement, si et seulement si les dirigeants actuels étaient aussi prompts au devoir quand il est question de respecter des échéances nationales, constitutionnelles, telle l’organisation régulière et périodique des élections, telle la mise en place d’institutions dont le conseil constitutionnel. Quand il est surtout question de satisfaire des besoins primaires, essentiels, tels la fourniture du courant électrique, la connexion à un réseau d’adduction en eau potable… Et pour rester dans la ligne de notre principale préoccupation… Les dirigeants actuels devraient expliquer pourquoi ils restent très étrangers, indifférents, sinon, insensibles, à la réalité des gangs armés ! Si la volonté de démanteler les gangs armés était pareille à celle d’organiser ce carnaval, peut-être que cette situation d’insécurité, inquiétante, stressante, angoissante, ne serait, aujourd’hui, qu’un douloureux et vieux souvenir, vite gommé de la mémoire. Pire encore, les «bandits légaux», ces jours-ci, remettent en marche l’industrie crapuleuse, lucrative, du kidnapping. Quelle est la politique des autorités de l’État en matière de sécurité, les mêmes qui ont concerté pour planifier, réaliser la saison carnavalesque ? Notre conviction de démocrates-chrétiens nous interdit d’exploiter la misère, l’ignorance, le mal être d’une population à des fins politiciennes, plutôt, elle nous commande le strict respect de la dignité de la personne humaine, en toute occasion et en toute circonstance, au prix de tous les sacrifices… Et c’est ainsi que nous nous engageons toujours dans la défense du bien public, jusqu’à en faire, dans nos prises de position, dans nos actions politiques, dans l’élaboration de nos politiques publiques, une folle passion. Cette attitude doit devenir contagieuse, une endémie majeure animant tous les citoyennes et citoyens de bonne volonté et de bon commerce, dans cette mission démocratique, patriotique, de changer le cours de l’histoire politique du pays, de «Changer la vie en Haïti». Ensemble, ensemble, ensemble, jusqu’à la victoire finale. Met men, pran desten nou an men. Eric Jean Baptiste Secrétaire Général RDNP