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Le Nouvelliste

La justice paralysée pour un temps indéterminé

Oct. 14, 2019, midnight

Avec la poursuite des mouvements de revendications au cours de ce mois d’octobre et les nombreux dossiers en attente depuis l’année écoulée, la justice haïtienne manquera encore à ses rendez-vous. Cette année ce ne sont pas les grèves initiées par les avocats et les juges qui sont mises en cause mais le climat délétère du pays et les magistrats assis qui refusent de venir travailler dans ces conditions.  « Cette année judiciaire est ratée », estime Me Jean Wilner Morin, président de l'Association nationale des magistrats haïtiens (ANAMAH). L’incertitude qui règne sur un « retour à la normale » dans le pays, la quantité de dossiers cumulés à traiter, la reprise manquée des activités judiciaires sont parmi les raisons qui expliquent le pessimisme du magistrat. « Si les contestations persistent la situation sera envenimée et on frôlera une catastrophe », a-t-il prévenu tout en mettant l’accent sur l’impossibilité pour les gens d’avoir droit à la justice dans le pays. La paralysie de la justice pour un temps indéterminé est symptomatique de l’arrêt observé de gré ou de force dans plusieurs secteurs d’activité notamment les services publics. Le président de l’ANAMAH a dit comprendre que les magistrats dans tout le pays restent chez eux : « Les juges sont dans la précarité. Ils n’ont pas reçu leurs indemnités de salaires ni les frais depuis deux mois en raison des déficits de recette de la DGI ». Il a aussi expliqué l’absence des juges par le fait qu’ils s’estiment privés de tout.  Les conséquences identifiées par Me Jean Wilner Morin pointent davantage vers la violation des droits fondamentaux des personnes arrêtées au cours des manifestations ou durant cette période de contestation. Il rappelle que la police ne peut libérer quiconque sans que la personne ne soit entendue par un juge. Ce qui aura pour effet d’augmenter la surpopulation carcérale avec des gens en détention préventive prolongée. Car les juges d’instruction qui sont réduits du fait que le mandat de certains n’a pas été renouvelé, auront plus de dossiers à traiter dans un temps plus court. Dans le pays, les institutions qui offrent le service public de la justice sont encore fermées cette semaine. Le palais de Justice de Port-au-Prince, qui loge la Cour d’appel et son parquet ainsi le tribunal de première instance et son parquet, est la juridiction qui traite environ 60% des dossiers de la république. Située au Bicentenaire, où les bandits de Village-de-Dieu font parler leur loi, son fonctionnement est à la merci des malfrats qui veulent normaliser l’insécurité en défiant les forces de l’ordre.