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Le Nouvelliste

« Il est de l’obligation de l’État de protéger la vie et la sécurité de tous les Haïtiens », affirme Helen La Lime

July 7, 2020, midnight

Le Nouvelliste :  Il y a eu ces derniers mois des affrontements entre gangs armés dans différents quartiers populaires, dont Pont Rouge, Fort Dimanche, Cité Soleil, Cité Plus, les avenues Bolosse qui ont provoqué des pertes en vie humaine, matérielles et des déplacements de population dans un mutisme total du BINUH ! Comment expliquer ce silence ? Helen La Lime : Pour chacun des cas de violence et pertes en vie humaine, le BINUH et la MINUJUSTH avant lui se sont engagés. D’abord, pour les incidents de Bel-Air ou La Saline avec la publication de deux rapports documentant la manière dont les incidents se sont déroulés et les responsabilités ; et recommandant des actions que les autorités nationales doivent prendre pour protéger la population. Il est de l’obligation de l’État de protéger la vie et la sécurité de tous les Haïtiens. De plus, les rapports successifs du secrétaire général sur le BINUH de février et de juin 2020 tirent sans équivoque la sonnette d’alarme sur la situation des droits de l’homme en Haïti. Nous agissons également de manière plus directe, à travers une communication constante avec la police, le gouvernement et les autorités judiciaires pour leur rappeler leur obligation de protéger, et travaillons avec la société civile et l’OPC pour promouvoir l’accès des Haïtiens à leurs droits. Afin que les autorités puissent lutter de manière plus efficace contre la violence des gangs opérant dans les quartiers défavorisés de Port-au-Prince ainsi que dans le reste du pays et prévenir de nouvelles pertes en vie humaine, le BINUH fournit un appui à la CNDDR et à l’unité de police communautaire de la PNH. Il est important que la police nationale devienne plus efficace et jouisse du soutien sans faille de toutes les composantes de la société haïtienne afin de remplir ses missions régaliennes de protection de biens et de personnes sur toute l’étendue du territoire national. L.N: Avez-vous exprimé des préoccupations auprès du gouvernement haïtien pour dénoncer les massacres ou pour réclamer des poursuites contre les auteurs ? Si oui, quels résultats avez-vous obtenus ? H.L.L: Nous l’avons fait par le passé, nous le faisons actuellement et continuerons à le faire. La protection de la vie humaine est au cœur des valeurs des Nations unies. Chaque abus des droits de l’homme est documenté et rapporté. Si vous reprenez le dernier rapport du secrétaire général sur la situation en Haïti, vous remarquerez qu’il y est, sans équivoque, souligné et regretté le manque d’avancée judiciaire dans les cas tristement emblématiques de La Saline, Grand-Ravine et Bel-Air. La lutte contre l’impunité est essentielle pour les victimes, ainsi que leurs droits à la justice et aux réparations. Elle est également une condition sine qua non pour briser le cycle de la violence. Les observations de ce même rapport insistent sur la nécessité pour les autorités haïtiennes de tout mettre en œuvre afin qu'elles remplissent leur obligation de protéger le droit à la sécurité, à la vie et à l’intégrité physique des citoyennes et des citoyens. L.N: Le coronavirus, la crise économique, l’insécurité, l'aggravation de l'insécurité alimentaire font craindre le pire en Haïti. Quid des efforts du système des Nations unies pour aider Haïti à être sûr et stable ? H.L.L: La pandémie de Covid-19 est malheureusement venue s’ajouter à une situation déjà dramatique pour une majorité de la population. La crise socio-économique de l’année de 2019 a eu pour résultat de presque multiplier par deux le nombre de personnes ayant besoin d’aide humanitaire dans le pays (de 2,6 millions en 2019 à 5,1 millions en 2020). Les Nations unies apportent un appui multiforme à la réponse à la crise de la Covid-19 en soutenant la réponse sanitaire nationale, la coordination de la réponse humanitaire et la préparation d'une réponse socio-économique. Ainsi, sous le leadership de l’OMS/OPS, nous travaillons en étroite collaboration avec la Commission multisectorielle de gestion de la pandémie de Covid-19 et le ministère de la Santé publique et de la Population pour appuyer et renforcer les capacités nationales et locales. Les agences des Nations unies participent aux différents groupes de travail mis en place et apportent un soutien important aux structures de soins et plateau technique pour la prise en charge des cas, à la communication pour le changement de comportement et la mobilisation des communautés, au plan national intégré pour l'achat et la distribution de matériels et équipements, et à la surveillance épidémiologique. Au-delà de la crise sanitaire que traverse le pays, le système des Nations unies, à travers ses 19 agences, fonds et programmes œuvrant en Haïti, fournit un appui technique et programmatique dans des domaines aussi divers que la bonne gouvernance, l’État de droit, les services sociaux de base, l’égalité de genre, la protection de l’environnement, la migration, ou encore l’emploi décent. Pour ce faire, il travaille étroitement avec le gouvernement, les institutions nationales et locales, les organisations de la société civile, les ONG et le secteur privé. Notre action ne se cantonne pas à l’apport d’une aide ponctuelle, mais s’inscrit dans le cadre d’un effort plus ambitieux d’appui à des transformations structurelles afin d’accompagner Haïti sur la voie d’un développement plus juste et réellement durable. Par exemple, en matière de sécurité alimentaire, les Nations unies fournissent un appui technique aux institutions de l'État et aux agriculteurs afin d'accroître la qualité et le rendement de la filière agricole, un secteur prioritaire de l’économie haïtienne dont la production doit contribuer à combattre la crise alimentaire. Nous collaborons également étroitement avec l'industrie textile, l’une des principales sources de devises et d’emplois pour le pays. L’ONU soutient notamment l'accroissement de la compétitivité de ce secteur et œuvre à l'amélioration des conditions de travail dans les usines. Dans les quartiers défavorisés, nous travaillons avec les institutions étatiques, les autorités locales, le secteur privé et les particuliers pour que les femmes et les jeunes aient des perspectives d'emplois décents et puissent acquérir une indépendance économique, au travers entre autres de la création d’associations d'épargne et de crédit ainsi que l'élaboration de plans d'affaires permettant la création effective d'emplois.