Le Nouvelliste
Le cœur de Ghetto Biennale et l’atelier de l’artiste Guyodo victimes d'un incendie
March 2, 2020, midnight
Pas moins de 2 000 œuvres de l’artiste Guyodo n'ont résisté aux assauts d'un feu qui s'est propagé à la grand-rue à l'aube du 1er mars 2020. « Il était environ 2 heures du matin quand le feu a éclaté. J'ignore l'origine de l’incendie, mais je ne crois pas qu'il ait été provoqué dans le dessein de me nuire», confie cet artiste spécialisé dans la récupération, qui estime avoir perdu l’essentiel de son imposante collection. Tout en évoquant la piste d’un accident, il note toutefois que la zone devient de plus en plus un champ de bataille entre les gens de Baz Pilat et ceux du Village-de-Dieu. Des affrontements armés qui se soldent plusieurs fois par des dommages collatéraux, selon lui. C'est une perte colossale pour l'art contemporain puisque certaines de ces pièces sont connues en dehors d'Haïti. « Il y a celles qui ont été exposées au Grand Palais entre 2014 et 2015 dans le cadre de l’exposition «Haïti, deux siècles de création artistique», déplore Guyodo. Il évoque d’autres pièces qui ont été exposées à Liverpool, au Museum de Brooklyn, à Genève et Bruxelles. Seules deux pièces auraient été épargnées par des flammes, selon l'artiste. Ses œuvres et celles de son disciple Papada ont aussi été emportées par le feu. C’est pratiquement tout son atelier baptisé « Atelye timoun klere » qui a été détruit. Guyodo ne souhaite pas toutefois sombrer dans la haine. M pèdi tout bagay, men m vivan toujou», déclare-t-il. « Je ne réclame pas de la pitié, mais du partenariat pour continuer à aider des jeunes à se frayer un chemin dans l'art, à ne pas se laisser limiter par des conditions qui leur seraient comme quoi imposées à la naissance.» Pour Guyodo, ces accidents doivent être prévisibles quand on vit comme lui dans un ghetto, dans un pays du tiers-monde. « Depi menm yè swa a, gason m, mwen mete pantalon m nan tay mwen poum rekòmanse travay », conclut-il pour témoigner de sa vitalité en dépit de la rude épreuve qui vient de frapper le creuset le plus créatif de l’art haïtien de ces dernières années, là où se tient régulièrement la célèbre exposition « Ghetto Biennale » de la grand-rue au boulevard Jean-Jacques Dessalines.