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Le Nouvelliste

Dans les marchés publics, les femmes font leurs besoins dans des seaux et des sachets

Dec. 21, 2020, midnight

Les cris des détaillants qui préfèrent parcourir le marché de bout en bout en vue d’augmenter leur chance de vente viennent se joindre aux conversations très animées des marchands qui s’installent à l’intérieur du marché. Ici, les éclats de rire se mêlent aux accès de colère et forment un foyer de vie très mouvementé. Nous sommes au marché Salomon. Ce lundi 21 décembre, les femmes sont nombreuses à venir mener leurs activités commerciales dans ces lieux. Devant son tréteau où sont arrangées toutes sortes de produits maraichers, Andréa* nous raconte son supplice quand elle doit y faire ses besoins. « Chaque jour, j'emporte un seau en venant au marché. C’est ce récipient que j’utilise pour faire mes besoins. En fin de journée, je le déverse dans un canal », témoigne cette femme assise sur une petite chaise en paille placée devant son petit commerce. Andréa fréquente le marché Salomon depuis 1946. Selon elle, les conditions sanitaires se détériorent de plus en plus au marché. S’il existe des toilettes, celles-ci sont totalement impraticables. La porte en tôle de cet espace qu’on considère comme la douche est démontée depuis quelque temps, nous confient les marchands. Dès qu’on s’en approche, l’odeur exécrable qui s’y dégage donne une idée de l’état du bloc. Même l’entrée est déjà incommode. « Il n’y a aucune intimité. Parfois on est à l’intérieur, d’autres gens ouvrent la porte. Même si l’on n’ouvre pas la porte, on peut entrevoir ce qui se passe à l’intérieur », déplore Paulette, qui fréquente ce marché depuis plus de 40 ans. Comme Andréa, Paulette dézingue les autorités étatiques qui ne pensent pas à la santé de toutes ces femmes qui passent quasiment tout leur temps à ce marché. Au marché Hyppolite, la situation n'est pas différente. Selon les utilisateurs du marché interviewés, des toilettes sont installées dans deux points du marché. Nous étions près de l’un de ces blocs quand une femme en est sortie. Elle doit faire appel à l’un des hommes qui gèrent l’espace pour lui apporter un seau rempli d’eau car la chasse des WC sont dysfonctionnels. Un fût en plastique rempli d’eau est disponible à cet effet. « Je suis gênée d'entrer ici pour faire mes besoins. Mais je ne pouvais plus tenir », lâche la jeune femme, qui s’empresse d’aller retrouver son commerce. Non loin du marché Hyppolite, le marché dénommé « Top polino » présente un tableau plus sombre. S’il faut uriner, comme les autres, quelques femmes de ce marché disent utiliser également un seau. Mais quand il faut faire la grosse commission, elles ont recours à des sachets ou des assiettes en styrofoam, couramment appelées « emboîtées » dans le pays. « Nous n’avons pas le choix. Avant de sortir, je fais mes besoins chez moi et je prie pour que je puisse tenir jusqu’à mon retour à la maison. Mais on ne peut pas passer une journée sans uriner », témoigne une femme devant son commerce de vêtements. Pour se soulager, elles se cachent derrière leurs tréteaux à l’abri de certains regards, pas tous. « Parfois des hommes font des commentaires désobligeants sur nous en voyant notre corps ; certains appellent leurs amis pour rigoler en nous tournant en dérision », ajoute une autre femme qui vend également des vêtements pour femmes à ce marché. Notre visite au marché La Coupe de Pétion-Ville nous a permis d’observer la même situation. Ce marché toujours débordé de gens est dépourvu d’espaces commodes pour faire ses besoins. Nul besoin de mentionner le marché de la Croix-des-bossales qui est le plus souvent impraticable et qui porte toutes les marques de la condition exécrable des marchés publics du pays. Nous avons tenté de joindre les comités des marchés visités, mais leurs bureaux n’avaient personne pour nous recevoir.