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Le Nouvelliste

Merci et méfiez-vous

April 13, 2020, midnight

J’ai suivi avec beaucoup d’attention les propos de prise de fonction du docteur Pape. La tâche qui incombe à cette équipe dont il a la codirection avec le docteur Adrien est énorme. Il y a de réconfortant que contrairement au discours facile qui innocente les comportements sociaux (pratiques individuelles et de classe) en clamant des âneries du genre « nous sommes tous coupables », il existe dans ce pays des gens qui ne sont pas connus pour leurs crimes (de sang, de corruption, de vampirisme social) mais qui ont acquis une réputation d’excellence dans leurs domaines d’activités. Les exemples existent dans toutes les sphères d’activité. La bande Martelly/Moïse/PHTK, trop occupée à accumuler d’autres biens est au niveau zéro quant à son capital confiance. Heureusement, tout le monde n’est pas comme elle. En écoutant les propos du docteur Pape, des inquiétudes me sont venues qui ne portent pas sur ce qu’il dit ni sur les intentions de l’entité qu’il codirige. Elles portent plutôt sur cette question de confiance et sur la dimension politique, particulièrement sur le comportement et le déficit de confiance des acteurs politiques avec lesquels, hélas, il est appelé à collaborer. Des questions : quel est/sera le niveau réel d’autonomie de cette entité en ce qui a trait aux dépenses (choix et contrôle) ? Quelle influence aura cette entité sur des décisions qui sont de l’ordre du politique, même si elles portent sur des questions de santé publique, par exemple, cette entité peut-elle obtenir du pouvoir qu’il arrête la farce macabre des défilés pour cette carte Dermalog ? Le docteur Pape dit que le temps n’est pas à la politique mais à l’union. Je l’entends. Dans l’exercice de la mission qu’il a acceptée, comment pourrait-il dire autre chose ? Le temps ne devrait pas être à la politique. Mais, hélas, il l’est. « Je suis préoccupé par l’hypocrisie de certaines personnalités politiques qui disent vouloir faire face à la crise, qui parlent de la faim dans le monde, et qui, pendant qu’elles en parlent, fabriquent des armes. » Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le pape François. Au-delà du clin d’œil à l’ancien élève de Saint-Martial initié à l’humanisme chrétien, il reste que les politiques font de la politique. Toujours. Et la politique qu’ils font peut aller dans un sens opposé au bien public. Dans notre histoire récente, le PHTK a donné tant de preuves que le bien public n’est pas sa priorité. Un virus ne va pas tuer l’autre. Il faudra donc y faire face. Ce n’est pas qu’en ces temps difficiles la priorité porte vers le combat légitime contre Moïse/PHTK. La priorité est en effet de sauver des vies. Mais qui gaspille l’argent de l’État ? Qui continue la mascarade Dermalog ? Qui engage les fonds publics dans des pratiques de propagande ? Qui pose des actes arbitraires contre la population ? Qui fait de la politique avec notre santé ? (Je veux croire que cette partie du discours s’adresse d’abord au pouvoir.) Et surtout, on voit aujourd’hui l’étendue du crime perpétré par Martelly/Moïse/PHTK contre ce pays. Ils ont tant pris ailleurs qu’ils ont ruiné toute confiance de la population dans le pouvoir politique. Le peuple est convaincu que cette bande n’est pas là pour le servir mais pour se servir et se servir de lui. Pour le peuple dans sa majorité, le bonjour de ce pouvoir ne saurait être la vérité. Les gens n’obéissent pas aux consignes, les gens doutent. Martelly/Moïse/PHTK se mettraient soudain à leur vouloir du bien ? Ça ne semble pas dans leur nature. Et ce doute va entraîner des morts. Voilà, à côté de la rapacité avérée de ceux pour qui toute source d’enrichissement est la bienvenue, une difficulté à laquelle la commission dirigée par les docteurs Pape et Adrien devra faire face. Pour y faire face, pour protéger la population, il leur faudra renforcer le capital confiance de leur commission. Transparence totale. Communication non infériorisante avec le peuple, ne pas lui donner qu’on parle à quelqu’un d’autre, au-dessus de sa tête. Capacité de forcer le pouvoir à cesser de gaspiller et de faire de la propagande… Penser cela, c’est déjà faire de la politique. Dans le bon sens du terme. Si, avec de tels partenaires obligés, la commission ne pense pas (à) cette difficulté politique, il y a le risque qu’elle se noie – ce que nous ne souhaitons pas pour le pays, mais aussi pour des techniciens et des chercheurs qui ont accepté de servir leur pays – dans la « politique du PHTK ». Ce sera pour cette commission un devoir citoyen, donc politique, de faire acte de pouvoir (gestion, propositions, influence) pour agir et convaincre. Lui dire donc merci et… méfiez-vous.