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Le Nouvelliste

Coronavirus : il y a de quoi s'inquiéter

April 6, 2020, midnight

Jusqu’ici Haïti, en dépit de tous ses problèmes structurels, s'en sort apparemment bien face à la pandémie decoronavirus. 24 cas positifs en trois semaines, dont un décès, le score est encore en notre faveur dans ce match du petit David face au géant Goliath. Même si le pays, contrairement à notre voisin immédiat, la République dominicaine, tient mieux tête au Covid-19, faut-il crier victoire ? Absolument pas. On a observé, depuis la présence de la maladie sur notre sol, des scènes qui nous laissent croire que le pire est devant nous. Il y a deux semaines, l’État semblait avoir le contrôle de la situation. Depuis le week-end écoulé, c’est tout le contraire. Alors que les autorités prêchent la distanciation sociale et interdisent tout rassemblement de plus de 10 personnes comme des mesures de prévention contre la pandémie, vendredi dernier, il y a eu une manifestation pour exiger la libération de l’animateur de radio, Luckner Désir, dit Louko, brièvement interpellé par les forces de l’ordre. Parallèlement, de longues files d’attente sont constatées devant des institutions publiques comme les bureaux de l’Office national d’identification ou encore les succursales des banques commerciales – qui fonctionnent seulement trois heures les jours ouvrables - . D'un autre côté, les marchés publics et les transports en commun continuent de fonctionner comme à l’ordinaire. Il semble que le pays perd la bataille de la distanciation sociale prêchée à tout bout de champ. Ou du moins, pour être juste, on respecte la distanciation sociale à l’intérieur des institutions, mais on se fout de ce qui se fait dans la rue. Quelle belle stratégie de lutte contre le coronavirus ! Le gouvernement avait, dans son train de mesures contre le corona, annoncé la distribution de kits alimentaires aux plus vulnérables de la population. Tant bien que mal, les autorités respectent cette promesse. Sauf que les autorités ne tiennent pas la promesse, peut-être pas totalement, d’apporter les kits chez les gens pour les empêcher de se déplacer pour éviter la propagation du Covid-19. Sur les photos ou vidéos de distributions des kits partagées sur les réseaux sociaux, on voit des foules s'agglutiner comme des sardines. On pourrait relever mille et une failles dans la mise en application des mesures adoptées dans la phase 2 contre la pandémie. Cependant, ce qui mérite d’être souligné à l’encre forte, c’est l’incapacité des autorités à faire croire à une bonne partie de la population en la présence de la maladie sur notre sol. Nous savions déjà que l’État était trop faible pour imposer sa volonté et sa vérité à la population. L’État haïtien n’a pas non plus les moyens de faire des largesses – comme les pays riches -  aux citoyens pour les porter à adhérer à son plan de lutte contre le corona. L’État n’a non plus le monopole de la violence pour l’imposer. Ce qui restait à nos dirigeants pour gagner cette bataille c’était la communication. Les réactions provoquées dimanche par le communiqué annonçant le premier décès du coronavirus montre que le courant ne passe pas encore entre les autorités et une bonne partie de la population. Il est un secret de Polichinelle que le pays ne dispose ni de ressources humaines ni de ressources matérielles suffisantes pour faire face à la pandémie. Si le gouvernement échoue à faire respecter les consignes de prévention, il ne nous reste qu’à donner raison à ceux qui prient le bon Dieu pour nous épargner du pire.