Le Nouvelliste
Le nouveau droit des sûretés (3)
June 17, 2020, midnight
Nous clôturons ici la présentation du nouveau droit des sûretés avec l’étude sommaire des nouveautés en matière de sûretés immobilières et de privilèges. Quelques lignes seront consacrées au droit de rétention. I.- LES SÛRETÉS IMMOBILIÈRES Les sûretés immobilières n’ont pas subi de modification de fond mais pour obéir à la logique de la réforme, elles sont désormais rassemblées dans la même loi no 33 du code civil dont le titre est par voie de conséquence modifié. Le régime des hypothèques demeure inchangé, car dans son état actuel il établit un équilibre entre les parties avec d’une part, la satisfaction des droits des créanciers par le mécanisme de la voie parée et d’autre part, la protection des débiteurs par la prohibition de l’hypothèque conventionnelle d’immeubles futurs. Les problèmes rencontrés actuellement relatifs à la publicité des droits réels sont davantage du ressort de mesures administratives que de réforme législative. Les dispositions régissant l’antichrèse sont transférées du chapitre II de la loi no 32 du code civil au chapitre XI de la loi no 33 du même code. Elles ne subissent que deux légères modifications. La première est l’adjonction dans le code civil lui-même de la définition de l’antichrèse (art. 1970-1 c.civ.). La seconde est la légalisation d’une solution jurisprudentielle d’après laquelle le créancier antichrésiste, usufruitier de l’immeuble, peut accomplir les actes d’administration comme donner l’immeuble à bail, même au débiteur (art. 1970-2 c.civ.). Contrairement à ce qui est innové en matière de sûretés mobilières, et dans un souci de protection du débiteur et de son patrimoine immobilier, la prohibition du pacte commissoire est maintenue en matière d’antichrèse (art. 1970-5 c.civ.). II.- LE DROIT DE RÉTENTION La pratique et la jurisprudence ont depuis longtemps légitimé cette espèce particulière de garantie sur la base de l’exception d’inexécution. Le débiteur de l’obligation de livraison retient la chose de son débiteur tant que l’obligation corrélative n’est pas exécutée par l’autre partie (p. ex. paiement de la réparation, paiement de l’achat). Cette pratique reçoit une consécration légale par la création d’un article 1859-1 dans le chapitre premier de la loi no 33 du code civil. Toutefois, il est précisé que les droits du rétenteur s’effacent devant ceux du créancier gagiste (art. 1844 c.civ.), du bénéficiaire d’une clause de réserve de propriété (art. 1858-19 c.civ.) et du créancier privilégié (art. 1862,1868, 1869 c.civ.). VI.- LES PRIVILÈGES Une clarification s’imposait en matière de privilèges, particulièrement de privilèges mobiliers. Rappelons que le privilège est un droit que la qualité de la créance donne à un créancier d’être préféré aux autres créanciers, même hypothécaires (art. 1862 c.civ.). Le code civil dans la section première du chapitre II de la loi no 33 du code civil énumère les privilèges généraux sur les meubles (art. 1868 c.civ.), les privilèges particuliers sur les meubles (art. 1869 c.civ.). Mais l’ordre entre les privilèges généraux, entre les privilèges particuliers, de même qu’entre privilèges généraux et particuliers n’a jamais été établi clairement par la loi, donnant lieu à des interprétations divergentes et à des décisions jurisprudentielles fluctuantes. Il était donc nécessaire de classer les privilèges une fois pour toutes. C’est la raison pour laquelle est ajoutée à la section traitant des privilèges mobiliers une troisième sous-section consacrée à la fixation des règles de conflit de ces privilèges. Tout d’abord elle établit la primauté des privilèges particuliers sur les privilèges généraux (art. 1869-1 c.civ.). Elle classe ensuite les privilèges généraux et particuliers dans l’ordre de leur énumération (art. 1869-2, 1869-3 c.civ.). Elle règle le conflit entre conservateurs ou vendeurs du même meuble (art. 1869-3 al. 2 c.civ.). Elle établit enfin une subrogation légale du créancier privilégié sur l’indemnité d’assurance du meuble perdu ou disparu. En conclusion, le nouveau droit des sûretés place notre pays dans la voie de la modernité économique et juridique. En adoptant des mécanismes connus de l’ensemble des États de la région, il contribuera à l’attraction des investissements que nous appelons de nos vœux. Encore faut-il que les autres conditions de sécurité de l’investissement soient remplies pour que les textes publiés atteignent leur objectif.