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Le Nouvelliste

Le 164e chancelier haïtien

March 9, 2020, midnight

Dr. Claude Joseph prend les rênes du ministère des Affaires étrangères et devient le 164e chancelier haïtien. De tous temps, la chancellerie haïtienne est l’une des postes les plus convoitées du gouvernement. Plusieurs raisons expliquent l’importance de ce poste. Les relations internationales dominent l’histoire et la culture d’Haïti depuis l’arrivée de Christophe Colomb sur cette terre. Après l’indépendance, c’est le Département des Affaires extérieures qui est porteur du principe consistant à offrir une « image avantageuse » d’Haïti. A cet effet, la formule qui veut que la diplomatie soit la « chasse-gardée » du président de la République n’est pas nouvelle dans l’histoire d’Haïti. Le poste de ministre des Affaires étrangères d’Haïti est institué au royaume du Nord, dans un édit du roi Henry Christophe, en octobre 1811. Dans la République de l’Ouest, la mention ‘Affaires extérieures’ ou ‘Politique extérieure apparaît dans les annales administratives dès mars 1807. Cependant, c’est au cours de la première session législative de 1817 que le sénat établit le département des Affaires extérieures au sein de l’administration publique et attribue sa gestion au président de la République. De fait, les premiers chefs d’État deviennent les premiers diplomates en chef de la nation, définissant et conduisant leur politique extérieure. Cependant, certains fonctionnaires laissent leurs empreintes dans les annales comme, même par moment, de véritables chefs de la diplomatie haïtienne au cours de la période fondatrice. Dans le royaume du Nord, le baron de Vastey (Jean-Louis Vastey), conseiller écouté qui représente le roi Henry Ier auprès de plusieurs dignitaires internationaux, est souvent considéré comme le véritable moteur de la diplomatie haïtienne sous l’administration du roi Christophe. Des historiens ajoutent aussi à la liste des titulaires des Affaires extérieures du royaume du Nord le duc de Morin, Charles Victor Rouanez, et le comte de Limonade, François Julien Prévost. A Port-au-Prince, Joseph Balthazar Inginac, un cadre supérieur de l’administration sous Dessalines, sert les présidents Pétion et Boyer comme envoyé spécial, négociateur principal et interlocuteur direct à l’international à plusieurs occasions. Par ailleurs, durant la période où Haïti n’a pas de représentations permanentes à l’extérieur, son approche diplomatique est mise en application par les envoyés spéciaux. Cette fonction de représentation directe et mandatée des chefs d’État haïtiens auprès de dignitaires étrangers est occupée tant par des Haïtiens que par des étrangers. Parmi les quelques noms qui marquent les annales de diplomatie de la jeune nation haïtienne, on retrouve les Anglais William Wilberforce et Thomas Clarkson, envoyés spéciaux de Christophe auprès de l’Angleterre et de la Russie ; Théodat Trichet, envoyé du président Pétion auprès de la Grande Bretagne et de la France ; le général français Jacques Boyé et les sénateurs haïtiens Victor Prosper Rouanez, Louis-Auguste Daumec, Jean-Louis Larose, Marie-Élisabeth Eustache Frémont, envoyés auprès de la France, par le président Boyer, dans des missions séparées ; et Desrivières Chanlatte, envoyé de Boyer auprès de la Colombie, qui, devant le refus de la Colombie d’établir des relations diplomatiques avec Haïti, se permet la déshonorable attitude d’exiger le versement d’une rétribution monétaire des aides de Pétion à Bolivar. C’est à partir de 1843, sous le gouvernement de Charles Rivière Hérard, qui succède à Jean Pierre Boyer, que le poste de ministre des Affaires extérieures ou secrétaire aux Affaires extérieures est clairement attribué. Le titulaire est le général Louis-Philippe Guerrier qui occupe en même le portefeuille de la Guerre et de la Marine. Pendant le 19e siècle, le ministre des Affaires étrangères est souvent, parallèlement, titulaire d’un autre ministère.  Il y a eu 163 changements au sommet de la diplomatie haïtienne en 177 ans (1843-2030). C’est donc le signe d’un poste très instable parce que très convoité. Pendant le siècle 1850-1950, les Affaires étrangères sont le domaine réservé de l’élite intellectuelle. Les plus grandes figures de l’intelligentsia occupent un poste dans les missions haïtiennes à l’extérieur. Et une très grande majorité d’intellectuels accède au poste de secrétaire d’État ou ministre des Affaires étrangères d’Haïti. Il faut préciser qu’il n’y a pas 164 nouveaux chanceliers au cours des 163 changements dans la diplomatie haïtienne parce que certaines personnalités occupent le poste plus d’une fois. Louis Borno prend la tête du Département des Affaires extérieures à quatre reprises. Alexis Dupuy, Liautaud Ethéard, Lysius Félicité Salomon, Cadet Jérémie, Horace Pauléus Sannon et Hérard Abraham dirigent, chacun, les Affaires extérieures du pays à trois reprises. Il y a seulement trois femmes au tableau des chanceliers haïtiens. La première femme à diriger de la diplomatie haïtienne est Marie-Denise Fabien Jean-Louis, en 1991. Certaines personnalités dirigent le Département - autre nom histotique du MAE - pendant un temps très court. C'est le cas de Jean-Baptiste Symphor Linstant Pradines qui est ministre pendant seulement six jours. D’autres, par contre, résistent aux différents changements de gouvernement ou de remaniements ministériels. C'est le cas de René Chalmers qui occupe le poste secrétaire d’État aux Affaires extérieures  pendant dix ans. Le Dr. Claude Joseph, 42 ans, est l’un des trois plus jeunes chanceliers haïtiens. Il rejoint Laurent Salvador Lamothe qui accède au poste en 2011 à l’âge de 39 ans et Raymond Moyse qui devient chancelier en 1959 à l’âge de 32 ans.