Le Nouvelliste
Décès de l’ancien sénateur Serge Gilles
Feb. 3, 2021, midnight
En convalescence depuis le mois de décembre dernier, l’ancien sénateur Serge Gilles, figure de la gauche au cours des dernières décennies, a rendu l’âme lundi soir à l’hôpital du Canapé-Vert. Les réactions pleuvent après le départ de l’ancien candidat à la présidence sous la bannière de la Fusion des sociaux-démocrates en 2006. Sur Magik9, Edmonde Supplice Beauzile, actuelle dirigeante de la Fusion, a salué avec beaucoup d’émotion le départ d’un mentor. « Il a été le grand conseiller spécial du parti. C’est mon père spirituel. Mon père politique. C’est lui qui a orienté ma vie politique », a confié l'ex-parlementaire. Edmonde Supplice Beauzile campe Serge Gilles comme un leader qui a marqué le paysage politique des dernières décennies. « C’est un modèle. Il n’a pas fait de l’argent le mobile de ses actions. Sa seule motivation était la transformation du pays. Très tôt dans sa vie, il a été exilé en France. Les autorités de la dictature des Duvalier ayant refusé de lui accorder un passeport pour revenir au bercail après ses études en France, il s’est rendu à Cuba pour combattre aux côtés de Che Guevara et Fidel Castro afin d’obtenir la libération du peuple cubain. En rentrant en Haïti, il a laissé la lutte armée pour se consacrer à la social-démocratie », a-t-elle rappellé, décrivant l’ancien sénateur Gilles, comme un proche du peuple, très attentif et indulgent. Le président Jovenel Moïse et le Premier ministre Joseph Jouthe ont réagi à l’annonce du décès de Serge Gilles. « Haïti a perdu une grande figure politique qui a consacré sa vie à la cause de la démocratie. Serge Gilles était un rassembleur, un homme de grande générosité. Puissions-nous continuer d’être inspirés par sa sagesse, son engagement, pour rendre notre nation meilleure et plus juste », a écrit Jovenel Moïse sur Twitter. « C'est avec émoi que j'ai appris le décès de Serge Gilles : une des grandes figures politiques de la gauche et du socialisme en Haïti. Une autre immense perte pour le pays! Mes condoléances émues à sa famille et aux membres de la Fusion des sociaux-démocrates », a réagi Joseph Jouthe sur son compte Twitter. L’ancien Premier ministre Évans Paul, contacté par le journal, a dit apprendre avec beaucoup de tristesse la nouvelle du décès de Serge Gilles. « Je savais qu’il était malade mais j’espérais qu’il allait s’en sortir pour continuer à nous accompagner dans la bataille difficile que nous menons depuis longtemps », a déclaré Evans Paul. Pour lui, c’est une référence qui vient de partir. « C’est une référence du vivre-ensemble. Il nous a laissé beaucoup d’enseignements. J’ai pu tirer beaucoup de bénéfices à ses côtés, en termes d’expérience, de partage, de savoir... J’invite les jeunes à découvrir cet homme à travers son ouvrage. Il a consacré sa vie à la lutte pour la démocratie en Haïti », a rappelé Évans Paul. Évans Paul a plus loin souligné que son histoire avec Serge Gilles remonte au début des années 80. « Quand j’étais homme de théâtre, c’est lui qui m’avait invité en France pour interpréter la pièce Debafre. C’était en 1984. On était toujours en contact durant les périodes difficiles de la dictature. De la France étant, il était un support pour une autre Haïti. Il s'est chargé de mobiliser l’opinion publique internationale quand quelqu’un d’entre nous était emprisonné ou était victime d’une quelconque exaction du régime. En plus de son engagement, j’ai beaucoup appris de sa sagesse, de son sens du compromis », a-t-il poursuivi. Pour sa part, dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux, Pradel Henriquez, le ministre de la Culture et de la Communication, souligne que le défunt fut une fierté pour le Plateau central, son département d’origine, et pour la classe politique. « Il était un intellectuel pointu et vertical tout en étant toujours ouvert et prêt au compromis. Il rejetait par contre toutes les voies conduisant aux compromissions afin de toujours rester fier de son intégrité. Le ministère de la Culture et de la Communication, tout en présentant ses condoléances à sa famille, à ses proches, à ses camarades de combat, à son parti, rend hommage à l’homme de conviction que fut Serge Gilles », peut-on lire dans le communiqué. Quoique ayant été informé de son état de santé ces derniers jours, Louis Gérald Gilles a confié que la nouvelle a provoqué chez lui une énorme tristesse. « C’est une personne dotée d’une grande sagesse. On se considérait comme parents en dépit du fait que nous venons chacun d’un département différent. Il m’appelait son petit cousin. Je lui disais souvent qu’il était le patriarche de la famille Gilles. La nouvelle m'a plongé dans une grande tristesse », a-t-il fait savoir. De l’avis de Louis Gérald Gilles, Haïti a besoin de leaders à l’instar de Serge Gilles, capables de transcender et de travailler pour sortir le pays de ce marasme politique et social.« De lui, je retiens un homme éminemment élégant. Il était doté d’une grande sagesse patriotique. C’était un homme de compromis », s'est-il souvenu. La Ligue alternative pour le progrès et l'émancipation haïtienne (LAPEH) a publié un message de sympathie et de condoléances concernant la mort de Serge Gilles et de celle du sociologue et ancien ministre Anthony Barbier. «Ces deux militants socialistes ont combattu toute leur vie afin de voir triompher la démocratie. On a perdu deux pionniers. Ils seront toujours dans nos cœurs. Les services qu'ils ont rendus à la nation ne seront jamais oubliés», a écrit Anacacis Jean Hector, coordonnateur général de LAPEH.