Le Nouvelliste
Merci Wébert Lahens !
Feb. 4, 2021, midnight
Le professeur Wébert Lahens, collaborateur du journal Le Nouvelliste jusqu’à récemment, est décédé le mardi 2 février 2021 à 7h30 du soir au Massachusetts General Hospital à Boston à l’âge de 71 ans (28 novembre 1949- 2 février 2021). Il était souffrant ces deux dernières années, ce qui l’avait poussé à rejoindre sa famille à Boston en février 2020. Il était marié depuis 40 ans avec Micheline V. Lahens de qui il eut trois enfants. Des complications aux poumons et aux reins étaient venues empirer sa situation. Pour ne rien arranger, il allait contracter la Covid-19 au dernier trimestre de l’année 2020 alors qu’il était diabétique et hypertendu depuis quelque temps. Bien avant de se rendre aux États-Unis, il avait comme une crise d’hypertension qui avait sévèrement affecté ses cordes vocales. Quand je l'ai appelé le 28 novembre 2020 le jour de son anniversaire, il ne pouvait pas vraiment me parler clairement, bien qu’il possédait toutes ses facultés cognitives. Il allait être hospitalisé quelques jours après, à la fin du mois de décembre, et ses chances de survie diminuaient de jour en jour, surtout en cette période de pandémie qui occasionne le débordement des hôpitaux américains. Wébert Lahens a étudié la psychologie à la Faculté d'ethnologie d’octobre 1979 à juillet 1983. Il a étudié le journalisme à l’Institut international de journalisme, à Berlin Ouest dans la République fédérale d’Allemagne, de février à juin 1981. De mars à juin 1985, il a également étudié au Centre de formation et de perfectionnement des journalistes, CFPJ, à Paris, en France. Il avait travaillé comme rédacteur à la Chambre des députés (mai 1978 à juin 1981), comme professeur de communication à la Faculté des sciences humaines (de janvier à août 1987), à l’Université de Port-au-Prince (d'octobre 1994 à août 2004) et à l’Université Quisqueya à partir d’octobre 2001. Il a été directeur des Affaires consulaires au ministère des Affaires étrangères de février 1980 à juin 1985. Le départ de Wébert Lahens laisse un grand vide dans la presse culturelle haïtienne. Wébert Lahens a fait une longue carrière de journaliste culturel au journal Le Nouvelliste qu’il portait particulièrement dans son cœur. Il avait une grande affinité pour la peinture. Il pouvait vous faire un cours sur l’histoire de l’art en général et sur l’art haïtien en particulier. C’était l’une de ses passions. Il m’avait donné rendez-vous pour m’apprendre à lire, interpréter, analyser et critiquer les tableaux. « Gran nèg, c’est une question de culture générale », me lançait-il sans ménagement mais avec le sourire. Un rendez-vous raté pour l’éternité, malheureusement. L’autre véritable passion de Wébert Lahens était le journalisme. Il était un vrai passionné de l’écriture de presse. Sa problématique de prédilection : « Comment écrire pour être lu?» Il a donné plusieurs séminaires de formation autour de cette thématique. Il a formé plusieurs générations de journalistes œuvrant aujourd’hui dans plusieurs médias. C’est justement à travers l’un de ces séminaires que j’allais rencontrer Wébert Lahens. À l’été 2003, Le Nouvelliste, en collaboration avec le centre de formation courte et de créativité dont il était le PDG, organisait le concours : «Voulez-vous devenir journalistes? » auquel j’allais participer par simple curiosité. Durant ce séminaire de formation de 45 heures, Wébert Lahens nous présentait tous les genres journalistiques et les participants devaient présenter un texte sur chacun de ces genres. Il évaluait chaque texte minutieusement afin de noter chaque participant. Le Dr en sociologie Franck Séguy et moi en étions sortis lauréats ex-aequo. Mais la formation continuait chez Wébert Lahens. Sa bibliothèque et sa compétence étaient toujours à notre disposition. « À ma mort, je n’emporterai rien avec moi. Je veux tout partager avec vous », nous disait-il. Effectivement, il prenait plaisir à partager avec nous toutes ses nouvelles découvertes, ses nouveaux ouvrages et nous insufflait même de nouvelles idées de projet. Je lui dois d’ailleurs l’essentiel de mon parcours dans la presse. Il est venu chez moi en 2004 pour m’annoncer que le journal Le Matin allait rouvrir et qu’il m’avait déjà proposé à un des nouveaux responsables. À dire vrai, je n’avais nulle intention de faire une quelconque carrière dans la presse. Il m’avait convaincu que j’en avais le potentiel et que je ne devais pas prendre son conseil à la légère. À mon début au journal Le Matin, il prenait le temps et le plaisir de commenter mes articles avec moi. Sur mon tout premier, il m’avait dit que j’avais bien appliqué les techniques de reportage. Il continuait à me donner des feed-back jusqu’à ce qu’un jour il me dise : « Tu es devenu maître maintenant, tu n’as plus besoin de mes commentaires.» Mais en discutant avec Wébert, on trouvera toujours quelque chose à améliorer dans un article de presse. Pour lui, l’art de bien écrire est un atout primordial sur le marché du travail, voire dans la vie de tous les jours. C’est pourquoi il donnait des séminaires sur la correspondance administrative où il constatait des lacunes graves au sein des administrations publique et privée. Dans ce domaine également, il a fait des disciples car Wébert était très connu et apprécié au sein de plusieurs grandes institutions haïtiennes. L’autre passion de Wébert Lahens était le protocole. Pour lui, s’habiller avec élégance, bien se comporter ou se distinguer en toute circonstance étaient aussi un art. Il a d’ailleurs travaillé durant des années au ministère des Affaires étrangères avec des grands noms du protocole en Haïti. Il animait également des séminaires dans ce domaine et dans beaucoup d’autres comme l’archivage et l’assistance administrative, pour ne citer que ceux-là. L’École de la beauté qu’il a créée était une synthèse de toutes ces expériences et compétences, même si l’accent était plutôt mis sur la peinture et la littérature. Il avait toujours un nouveau peintre à présenter au grand public ou un grand nom de la peinture à faire découvrir aux plus jeunes qu'il voulait faire découvrir les bienfaits de la lecture. En ce sens, le P’tit Nouvelliste l’intéressait tout particulièrement. Fort heureusement, sa fille Marie Stella hérite de cette passion pour la peinture. Peintre elle-même, elle rêve de réaliser une exposition de ses tableaux. Nous pratiquions également l’art oratoire à Toastmaster International. Malgré son expérience, il restait très humble et prêt à apprendre de tout le monde. Wébert et moi étions devenus amis comme s’il n’y avait aucune différence d’âge. On parlait de tout et de rien. Nos discussions ne se terminaient pas. Ses conseils vont me manquer. Ses exhortations à toujours mettre la barre plus haut également. Il était un maniaque de l’excellence dans tout ce qu’il pratiquait. Pour lui, chaque mot et chaque verbe d’un article devraient être choisis avec minutie. Il disait clairement qu’à partir de trois fautes dans un article, il ne lirait plus l’auteur. Mais il était d’avis que tout le monde peut s’améliorer si on fait l’effort nécessaire. C’est pourquoi il était toujours disposé à aider. Pour toutes ces qualités et tout ton support, Wébert, MERCI. À ta femme Micheline V. Lahens, à tes enfants : Wébert Junior, Angela et Marie Stella, à ton frère Jean Guy Lahens, ton petit-fils Valens Angel Vaval, tes amis et tes collègues, je souhaite mes condoléances émues. Puisse ton âme se reposer en paix !