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Le Nouvelliste

Face au délire autoritaire, l’urgence d’un front du refus

July 20, 2020, midnight

« À qui veut l’entendre, ils ne peuvent pas prendre le pouvoir entre nos mains !» Et pourquoi pas ? « Je n’ai d’ennemis que ceux de la nation ». Ou encore : « Je suis le drapeau haïtien, un et indivisible ». Ou, dans le registre menaçant : « Si yon nonm konprann pou w bat kò w, m ap fè b… pase nan paswa ». On aurait tort de croire que le délire autoritaire n’est jamais que délire. La seule activité réelle de Jovenel Moïse aujourd’hui consiste à tenter de se donner les moyens de son délire. Il lui reste deux complices sur le plan international, les États-Unis et madame La Lime (l’OEA n’est jamais que le chien de son maître). À l’interne, il a des hommes armés, une partie d’une police nationale macoutisée et des bandits. Il a aussi des « cadres » mais on constate des désistements, des embarras, des atermoiements. C’est encore beaucoup. Jovenel Moïse va conduire ce pays à l’escalade dans la violence et l’ingouvernabilité. Fort des atouts et alliés mentionnés plus haut, il va tenter le forcing pour s’imposer, imposer de fausses élections. Mais en forçant, il mettra ses derniers partenaires de l’international dans l’embarras. Auront-ils les moyens de légitimer la répression, les morts que cette tentative provoquera ? Et les armes et les mercenaires dont il dispose suffiront-ils à faire taire le mécontentement ? Et il y aura sans doute d’autres fuites dans son camp, d’autres scandales et des scissions. Sa seule chance ne pourrait venir que de l’incapacité haïtienne de constituer un front du refus. Ce qu’Haïti doit faire entendre au monde, c’est l’ampleur de la répression et de la dérive autoritaire, l’impossibilité de produire du consensus avec Jovenel Moïse au pouvoir : impossibilité donc d’élections avec lui. Le temps est court. Le sien, car chaque jour qui passe lui rend les choses plus difficiles et augmente le mécontentement. Chaque fois qu’il prend la parole, le délire autoritaire monte en volume. Chaque fois qu’il nomme ou révoque, décrète, il s’enferme dans l’incohérence institutionnelle et la cooptation. Chaque jour qu’il reste au pouvoir, les conditions d’existence de la population empirent et ravivent son mécontentement. Le nôtre aussi est court. Pour ceux qui souffrent le plus de la pauvreté et de la répression. Pour la république elle-même qui patauge dans un bourbier, pérennise le pourrissement. Il n’y a pas d’issue avec Jovenel Moïse, mais ce « sans-issue » risque de devenir notre permanence. Alors il faut que la majorité, dans toutes ses représentations civiles et politiques, professionnellles, confessionnelles, fasse entendre son refus. Jovenel Moïse multiplie les déclarations et les actes de guerre contre le pays. Un personnage tient un rôle clé : le chef de (faut-il encore l’appeler ainsi ?) la police. En toute modestie, exerçant mon droit de citoyen, je lui avais posé une question sur la nature des forces qu’il commande. Il n’a pas daigné me répondre. Je ne suis qu’un bavard d’écrivain… mais je suis loin d’être le seul à poser la question. La macoutisation de la police est indispensable à la tentation autoritaire de Jovenel Moïse. Le pays entier le sait. Je réitère ma question : Monsieur le directeur général, serez-vous le complice de cette volonté de nous ramener trente ans en arrière ?