Le Nouvelliste
Covid-19 : la propagation communautaire s’accélère et beaucoup de gens refusent de se faire tester, déplore le Dr Lauré Adrien
May 8, 2020, midnight
Le coronavirus continue de gagner du terrain en Haïti. La transmission locale prend une proportion inquiétante. « Plus que jamais, la population doit prendre conscience du danger réel qui nous menace et jouer son rôle dans la prévention de la propagation du coronavirus. Nous avons raté pour toutes sortes de raisons des opportunités. Des départements qui pourraient être facilement isolés parce qu’ils n’avaient pas encore de cas confirmé n’ont pas pu l’être », a avancé le Dr Lauré Adrien, citant à titre d’exemples des départements comme le Sud, le Nord-Ouest .... « Ce qui risque de nous obliger à mener le combat sur tous les fronts alors que les moyens ne sont pas énormes. On aurait pu concentrer nos actions institutionnelles sur des départements déjà touchés tout en menant l’action de prévention communautaire au niveau national ; les départements non encore touchés seraient moins lourds à gérer », a indiqué le coprésident de la commission multisectorielle qui gère la pandémie de Covid-19. Malheureusement, a ajouté le directeur général du ministère de la Santé publique, « nous constatons que la population ne répond pas encore aux discours. Sans verser dans la tendance de vouloir culpabiliser (responsabiliser) la victime. D’ailleurs dans ce cas, la victime ne sera-t-elle pas nous tous ? On doit continuer à inciter la population à jouer sa partition. Bien sûr, il nous faut nous poser la question fondamentale : qu’est-ce qui explique ce comportement de la population même devant le danger annoncé et en connaissance de ce qui se passe ailleurs ... ? Quelle que puisse être la réponse nous ne pouvons pas l’attendre avant d’agir », a affirmé le Dr Adrien. Par peur d’être stigmatisés, beaucoup de gens refusent de se faire tester… « Beaucoup de personnes ne veulent pas se faire tester ou auraient préféré se faire tester dans l’anonymat ou plutôt dans la discrétion absolue. Tout ceci encore une fois à cause de la stigmatisation », a dénoncé le directeur général du ministère de la Santé. Cependant, « nous devons aussi admettre qu’il n’y a pas assez de postes de prélèvement. On y travaille. L’idée est d’ouvrir des centres de prélèvement dans des zones spécifiques », a recommandé le Dr Lauré Adrien. Selon le Dr Adrien, la population peut appeler le centre d’appel sur le Covid-19 au numéro 2020 et s’il y a nécessité pour un test, le concerné peut être dirigé vers une structure aménagée à cette fin. « Bientôt on aura la possibilité de faire des tests dans d’autres structures autres que le Laboratoire national et les centres Gheskio », a annoncé le Dr Adrien, soulignant que le gouvernement commence à recevoir le matériel qui va permettre de déconcentrer le dépistage. Pourquoi depuis le 19 mars il y a si peu de tests ? « La stratégie depuis le 19 mars et encore en vigueur c’est de tester seulement les personnes avec un intérêt épidémiologique (investigation). Il faut comprendre deux choses : il fallait trouver le cas qui répondait aux critères de dépistage, faire le test et selon le résultat rechercher les contacts, les mettre en quarantaine et éventuellement les tester », a fait savoir le Dr Lauré Adrien. Selon le responsable du ministère de la Santé, le gouvernement agit ainsi « parce que épidémiologiquement c’est ce qui était logique de faire à la phase où nous étions (sommes) et avec les moyens dont nous disposions. Ensuite, il y avait le problème de la disponibilité des tests fiables, les tests PCR. Beaucoup de pays n’en disposaient pas encore quand nous avons reçu d’abord une centaine, puis un millier de l’OPS/ OMS ». « Il y a, et cela beaucoup de ceux qui opinent sur la question ne le savent peut-être pas, la capacité technique du pays à réaliser les tests PCR. À ma connaissance, seuls deux sites avaient déjà les appareils capables de les réaliser et de ces deux sites, au début, seul un offrait les tests. Ce n’est que par la suite que les deux, c'est-à-dire Gheskio et le Laboratoire national, ont commencé à offrir en même temps les tests », a précisé le Dr Adrien dans cette interview accordée au Nouvelliste. Selon le DG du ministère de la Santé publique, « le constat est qu’il n’y a peut-être pas de solution universelle face à cette pandémie. Même avec tout ce qu’on a appris de l’expérience des autres pays, il faut toujours être à l’écoute, faire preuve d’humilité et s’ouvrir à toute collaboration utile, adapter sa stratégie de lutte ». Plus d’un mois après, la population ne s’adapte toujours pas La population continue de vaquer à ses activités comme s’il n’y avait pas de Covid-19, comme si le virus n’avait pas encore tué 12 personnes et contaminé 146 autres. « Nous faisons la sensibilisation depuis des mois pour un résultat loin d’être satisfaisant. On a comme l’impression que l’épidémie nous a laissé le temps de nous préparer. Paradoxalement, plus on a cette impression de ‘’plus de peur que mal », plus les méthodes pour porter la population à respecter les mesures de prévention seront sans effet ... On ne saurait logiquement avoir peur de quelque chose dont on ne croit pas l’existence, d’autant plus qu’on ne constate pas encore ces effets catastrophiques », a souligné le Dr Lauré Adrien. Cependant, la réalité inquiète les autorités sanitaires. « Nous assistons à une augmentation des cas positifs et des départements jusque-là épargnés commencent à enregistrer des cas confirmés. Le moment est donc plus que jamais arrivé pour cette union sacrée contre un ennemi commun, connu et invisible, si de notre côté nous nous jouons notre partition », a exhorté le Dr Lauré Adrien.