Le Nouvelliste
Les commémorations qu’il ne faudrait pas manquer en 2020
Jan. 7, 2020, midnight
Le siècle a 20 ans. Beaucoup d’entre nous ne les ont pas vus passer, mais ils ont particulièrement changé la face du monde. Des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis au tremblement de terre de 2010 en Haïti en passant par la crise des réfugiés en Europe, le développement des réseaux sociaux nous a mis au cœur de l’action, du débat, et très proches des blessures du monde et des nôtres. Nous entrons, en Haïti, plus démunis et plus incertains que jamais, dans la nouvelle décennie. Les rendez-vous les plus sûrs sont, a priori, ceux que nous prenons avec nous-mêmes, en tant qu’individus, éléments utiles (peut-être) de la communauté à laquelle nous appartenons, pour le meilleur et pour le progrès. Le risque de tomber dans les clichés et les redites serait très grand si nous devions parler des 20 dernières années, de celles d’avant ; nous nous accorderions sur une faillite collective spectaculaire, une réalité impossible à cerner, la montée en puissance de contradictions qui semblent insurmontables, un décharnement systématique et continue des institutions républicaines. Les défis qui se posent à nous sont colossaux et nous paralysent. Celui de la préservation et de la transmission de la mémoire est particulièrement préoccupant. Il y a eu trop d’occasions manquées de convoquer l’histoire, de la mettre au service du présent, de la faire vivre pour mieux éclairer nos chemins quotidiens, nous aider à faire des choix. On ne se rappelle ni de promesses ni de discours d’orientations qui auraient été faites au début des années 2000. Nous cheminons inquiets dans ce siècle où les « eldorados » - où les pays que nous croyions des terres d’accueil possibles- sont occupés à ériger des murs. Nous pouvons encore, heureusement, « kase randevou » pour des commémorations, avec des mots, des regrets et des espoirs qui nous rassemblent. 1er, 2, 12 janvier 2020 Le 1er janvier marquera les 216 ans de notre Indépendance; le 2 le Jour des Aïeux. Le 12 janvier nous commémorerons les 10 ans du séisme de 2010, ces 35 secondes qui ont changé le cours de nos vies et mis à nue nos fragilités structurelles, environnementales et politiques. « Près de trois cent mille personnes ont été assassinées par la vulnérabilité exacerbée de nos espaces de vie (…) l’hommage idéal serait de permettre à ces compatriotes d’accéder, même à titre posthume, à la citoyenneté intégrale » a écrit l’écrivain Jean-Euphèle Milcé en 2011. Ces dix années ont passé très vite, et nous trainerons, le reste de notre vie, pour toujours dans notre histoire de peuple, le deuil de ces frères, sœurs, amis compatriotes. Notre conversation avec eux ce 12 janvier, comportera, une fois de plus, plus de questions que de réponses. 350 ans de la fondation de la ville du Cap-Haïtien 2020 ramène les 350 de la ville du Cap-Haïtien, fondée en 1670 par une douzaine d’aventuriers sous le commandement de Pierre Lelong sous le nom de « Cap Français ». Elle était la capitale de la colonie de Saint-Domingue avant 1804. Le Cap-Haïtien, la deuxième ville de la République, est au centre de son histoire. À son entrée se trouve le site de Vertières où eut lieu la bataille décisive pour l’indépendance d’Haïti. Elle abrite un patrimoine historique important. 20 ans de l’assassinat de Jean Léopold Dominique Le 3 avril 2020 marquera les 20 ans de l’assassinat de Jean Léopold Dominique et de Jean-Claude Louissaint dans la cour de Radio Haïti Inter à Delmas. Jamais silence n’aura été plus long. Jamais nous n’aurons expérimenté l’impunité, l’omerta de manière aussi honteuse. Trouverons-nous les mots pour commémorer ces deux assassinats ? 100 ans de la composition de la musique « Haïti Chérie » En 1920, Louis Achille Othello Bayard a composé la chanson « Haïti Chérie », l’auteur compositeur y fait une déclaration d’amour fracassante à son pays natal alors qu’il habite en Allemagne. « Haïti Chérie » fait depuis partie de la mémoire collective haïtienne. « Haïti Chérie » demeure la chanson en langue créole la plus populaire de tous les temps et l’expression « Haïti chérie » est passée dans le langage courant des Haïtiens de l’intérieur et de l’extérieur pour exprimer l’amour du pays, la joie de la retrouver, la nostalgie quand on en est éloigné . 100 ans de l’assassinat de Benoît Batraville Benoît Batraville, appelé aussi Ti Benwa, naquit en 1877, à Mirebalais. Opposant à l’occupation américaine d’Haïti commencée en 1915, il a été désigné comme successeur de Charlemagne Péralte à la tête des Cacos suite à l’assassinat de ce dernier. Il était déterminé et implacable contre l’occupant. Le haut commissaire américain John H. Russel a écrit à son sujet dans son journal personnel le 28 novembre 1919 : « Je crois extrêmement désirable en ce moment de capturer ou d’éliminer cet homme, car il est plus agressif dans ses méthodes que tous les autres » Le 20 mai 1920, à Barrière Roche, tout près de Lascahobas, Benoît Batraville est assassiné par les Américains qui avaient torturé des paysans pour les forcer à dévoiler le lieu de son refuge. Il a été enterré au cimetière de Mirebalais. L’occupant américain a capturé et tué cette année 1920 beaucoup de rebelles Cacos parmi lesquels : Timé Fortuné, Mérélis François, Dorvilin Majar, Legrand Fontrus, Esaj Estinfil, Sil Estima, Déodel Moraille, Béranger Pacaste, Raymond Saint-Pierre, Maril Dufoute, Rinvil Bainvil, Ariza Joseph, Déus Zuli, Viljan Nicolas, Saintelma Joseph, Prévost Saint-Louis, entre autres. Centenaire de la naissance du poète Paul Laraque Paul Laraque est né à Jérémie le 21 septembre 1920. Il a été militaire et a souhaité être « la conscience » des Forces armées d’Haïti qui le mit à la retraite après la grève des étudiants de 1960. Il fait partie de la première génération d’écrivains haïtiens d’expression créole avec Emile Roumer, Franck Fouché, Félix Morisseau Leroy. Laraque choisit l’exil en 1961 et fut déchu de sa nationalité haïtienne par François Duvalier en 1964. Revenu en Haïti après le départ de Baby Doc en 1986, il repart s’installer à New York en 1991 où il meurt en 2007. Paul Laraque a obtenu en 1979 le Prix Casa de las Americas pour son double recueil de poèmes « Les armes quotidiennes/poésie quotidienne » ce qui a fait de lui le premier lauréat de langue française de ce prix Deux cents ans de la naissance du président Nord Alexis La monarchie dirigée par le roi Henri Christophe était à son déclin, le Roi devait se suicider dans quelques semaines. Le 2 août 1820, naissait Pierre Nord Alexis. Politique aguerri, ancien ministre de la Guerre, il devint président de la République le 21 décembre 1902 en assautant, avec ses troupes, la Chambre des députés, forçant les pères conscrits à le déclarer président à vie. Le président à vie (Tonton Nò), confronté à des difficultés budgétaires, refuse de recourir aux emprunts et fit imprimer des billets à tour de bras. Il obtint des résultats mitigés en adoptant cette politique; d’aucuns ont admis que c’était la solution la plus lucide. Admirateur de la monarchie du Nord, manifestement mégalomane, le président Alexis fit ériger des monuments en hommage à Henri 1er et se déclara lui-même roi en janvier 1908. Le pays fait alors face à d’énormes problèmes économiques, le Sud connaît une situation de famine qui déclenche des émeutes violentes et une nouvelle « révolution » menée par le général François Antoine Simon. Tonton Nò est chassé du pouvoir le 2 décembre 1908. Il mourut à la Jamaïque le 1er mai 1910. 300 ans de la fondation de Plaisance C’est l’écrivain-chercheur auteur du «Dictionnaire géographique et administratif d’Haïti» Semexant Rouzier, qui nous apprend que les premiers établissements de la ville de Plaisance remontent à 1720. Elle tire son nom de la nature des localités et de l’agrément qu’on éprouvait en y parvenant par des mauvais chemins. Elle est sous le patronage de Saint-Michel dont la fête est célébrée le 29 septembre 200 ans du suicide du Roi Henri Christophe Le 8 octobre 1820, le Roi Henri Christophe se suicidait dans son palais, la Citadelle Laferrière, la plus grande forteresse de la Caraïbe dont la construction dura 14 années. La Citadelle fait partie du Parc national historique Citadelle-Sans Souci-Ramier, classé patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO en1982. Henri Christophe est l’un des héros de la Guerre de l’indépendance d'Haïti. Autoproclamé roi en 1807 il instaure pendant son règne une politique de travail forcé et tire les revenus du Royaume de l’agriculture. Appelé le Roi bâtisseur, sa mythologie a traversé les années et les territoires. En 1931, l’avocat et historien haïtien Vergniaud Leconte lui a consacré une biographie très documentée, avec 18 photographies hors texte, plus de 450 pages, ayant pour titre « Henri Christophe dans l’histoire d’Haïti ». Le roi Henri 1er a également inspiré l’écrivain cubain Alejo Carpentier qui a publié le roman « Le Royaume de ce monde » en 1949 ; le poète et dramaturge de Sainte Lucie, Derek Walcott, Prix Nobel de littérature 1992, qui a publié en 1949 une pièce de théâtre intitulé « Henri Christophe, a chronicle in seven scenes ». Le grand poète, dramaturge et homme politique Aimé Césaire a publié en 1963 la pièce de théâtre « La tragédie du Roi Christophe »