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Le Nouvelliste

GRAHN : ambitieux projet de la diaspora ; construction d'une Haïti nouvelle ! (1)

June 8, 2020, midnight

L’intégration de la diaspora est devenue, pour les pays d’origine, un moyen pragmatique de contribution au développement local, générant circulation de capitaux, programmes de développement et apports en expérience. Le lien migration-développement est devenu une vision positive des diasporas à travers le monde. Haïti ne saurait être une exception de cette nouvelle donne. Ce processus, au contraire, est à notre portée, dans la mesure où les distances géographiques n’empêchent plus le maintien collectif du noyau culturel et identitaire avec la société d’origine. L’accès à internet, la démocratisation du transport aérien banalisent le transport et la communication, depuis la fin du XXe siècle. Outre notre volonté, aucun obstacle ne peut nuire à cette communion des forces du dedans et du dehors pour rescaper Haïti. En 2010, après le tremblement de terre, un groupe d’Haïtiens de la diaspora ont fait le triple constat d’une population vulnérable, un pays dévasté et l’aide internationale aliénante plutôt qu’émancipatrice... Pour que le pays et la population se portent mieux, les ressources humaines haïtiennes de l’intérieur comme celles d’outre-mer doivent collaborer et s’impliquer, se disent-ils. Sous le leadership de Samuel Pierre, professeur d’Université à Montréal, le Groupe de Réflexion et d’Action pour une Haïti Nouvelle (GRAHN) fut créé. Ce premier Think Thank haïtien issu de la diaspora s’inscrit dans la logique du long terme avec le bien commun comme toile de fond. Il faut rebâtir Haïti, briser le cercle vicieux du sous-développement. Deux cents bénévoles, en majorité des Haïtiens, présenteront en septembre 2010, neuf mois plus tard, un plan d’action de 650 pages ! Un appel au konbit, « Construction d’une Haïti nouvelle », réalisé avec soin, et caractérisé par une approche rigoureuse. Il présente la vision de GRAHN-MONDE, une organisation tentaculaire, œuvrant en Haïti, et aujourd’hui intégré dans 6 pays à travers le monde (Canada, France, Haïti, Sénégal, Suisse, USA). Cependant, aucune ambition de pouvoir : « GRAHN est un cadeau, une force de pensée a Haïti », dit Samuel Pierre. GRAHN envisage une approche nouvelle d’intégration et d’implication de la diaspora, par le développement humain, sur le terrain. Aujourd’hui, aucun pays ne peut se développer sans un flux permanent de compétences. Les Etats-Unis d’Amérique est le plus grand importateur de cerveaux. Haïti assiste impuissante à la fuite de ses cerveaux, 85 % de ses diplômés post secondaires sont à l’extérieur. Quelle ironie ! Le mouvement GRAHN vise à renverser la tendance "en formant des citoyens, des leaders et des innovateurs capables de promouvoir le développement local, régional et national". Quelles sont les œuvres du GRAHN ? D’abord, l’Institut des Sciences et des Technologies et des Etudes Avancées d’Haïti (ISTEAH) créé en 2013. Il a pour objectif de rehausser le niveau scientifique en Haïti. Actuellement 350 élèves dont 25 % en études de doctorat le fréquentent, et 50% des places y sont réservées pour les femmes, afin de favoriser l’équité des genres. Il est présent dans six villes et offre 7 différents programmes de sciences (Génie Informatique, Mathématiques, Informatique, Statistiques, Physique, Chimie, Biologie). Pour alimenter l’ISTEAH, un travail de recrutement s’opère à la base, dans les écoles fondamentales et secondaires, les élèves sont ciblés recrutés, orientés et guidés selon leurs aptitudes. Parmi ces institutions partenaires, citons : Ste-Rose de Lima, Sacré Cœur, Petit Séminaire Saint-Martial, collège Cats Pressoir et St-Louis de Gonzague. Malgré les difficultés inhérentes aux infrastructures et à l’instabilité politique, six villes sont desservies : Cap-Haïtien, Milot, Hinche, Saint-Marc, Port-au-Prince, Jacmel et les Cayes. Les programmes sont dispensés par des professeurs chevronnés, originaires du Canada, du Congo, des Etats-Unis, d’Haïti, de la République démocratique du Congo et du Tchad. Les cours sont dispensés en ligne. Le domaine technologique est privilégié. Le développement est conditionné à un taux de qualification élevée des ressources humaines. Le monde moderne a introduit le concept d’économie de la connaissance. Tous les pays émergents ont été soutenus par des systèmes nationaux d’innovation, garantis par la production de cerveaux à travers leur système d’éducation nationale. Pourquoi ? Parce que l’essentiel des échanges mondiaux se réalise, depuis 2000, sur des produits d’une grande teneur technologique. Et ce qui se faisait par l’ouvrier bon marché, peu qualifié est de plus en plus fabriqué par des robots.   La diaspora peut aider le pays à effectuer le rattrapage technologique par rapport à nos voisins caribéens. Les établissements d’enseignement supérieur et de recherche du GRAHN sont les éléments constitutifs fondamentaux, par leur incidence sur la création des savoirs, mais ne sont qu’un des nombreux volets de leur programme que je continuerai à vous présenter, à la prochaine chronique. Investir en Haïti comme certains le souhaitent demande non seulement la stabilité politique et les lois cadres qui garantissent les investissements, mais également un accès accru au savoir. Or l’investissement en éducation ne peut s’opérer que sur le long terme. L’avenir d’Haïti, c’est donc maintenant !