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Le Nouvelliste

LE PARADOXE HAÏTIEN

Feb. 10, 2020, midnight

Par Hérold Jean-François La surprenante réalité haïtienne qui nous vaut la survie d’un Président au summum de son impopularité et qui s’impose même apparemment comme le maître des lieux est tout simplement déroutant… Entre février 2019 et la mi-janvier 2020, on aura rarement vu un Chef de l’État aussi faible, absent dans l’espace médiatico-politique et dont le territoire dominé se résumait entre sa résidence à Pèlerin 5 et le Palais national, parcours non sans embûches, quand l’on a connu les péripéties du cortège présidentiel au niveau du Champ de Mars, où les unités de l’USGPN ont dû intervenir avec force pour déblayer la voie publique ou pour disperser des manifestants antigouvernementaux qui lançaient des pierres contre les véhicules du cortège du Président Jovenel Moïse. Entre le 7 et le 18 février 2019, au premier épisode du « pays lock », Jovenel Moïse est virtuellement renversé. Aucune manifestation de l’existence de l’Exécutif haïtien à travers une note de presse, une mesure quelconque qui indiquait à la nation que oui, il y a bien un pilote à bord. C’est le bordel dans les rues de la capitale, désertées par les marchandes, les camionnettes, les taxis, les vendeurs ambulants. Même la Police est aux abonnés absents. Les taxi-motos suppléent pour transporter les imprudents et tous ceux-là qui ont une urgence professionnelle ou le chagrin d’être cloîtrés… Barricades ici et là, les rues sont « blanches » comme nous le disons dans notre succulente langue créole. On a été surpris de constater la capacité de résistance, les « Blancs » diraient « résilience » du petit peuple qui survit au jour le jour dans la rue sous différentes formes. Comment un chauffeur de Tap-Tap, un chauffeur de taxi qui dépend de la recette du jour ; une marchande déguisée dont la survie est liée à la vente de son menu commerce ; un taxi-moto dont la fortune est assurée par les embouteillages et les encombrements de la circulation et une demande en hausse pour une course rapide ; un vendeur de « Pap padap » ; un portefaix, toutes ces petites gens qui ne gagnent aucun argent si le Consortium « La Rue S.A », la plus grande communauté d’affaires en Haïti, est en mode congé forcé ? Comment ont-ils pu survivre à onze jours fermés consécutivement ? La résistance haïtienne n’a pas de bornes, mais on entendra malgré tout certains nous raconter que la participation des gens aux manifestations est monnayée, payée à coup de mille gourdes. Or nous savons tous que Bill Gates ou Carlos Slim ne financent pas les manifestations antigouvernementales en Haïti. Et si tel était le cas, dans le prochain classement Forbes des multi milliardaires et millionnaires, ils auraient été déclassés. La prolifération des manifestations en Haïti en 2019 et les millions de participants à ces mouvements dans tout le pays ont battu tous les records de la période de transition. Cela aurait vraiment érodé le portefeuille de ces messieurs… Tous ceux-là qui, intéressés, mesurent le patriotisme haïtien à leur aune, doivent nous expliquer cette attitude d’abnégation de tous ceux-là qui survivent dans l’espace de la rue en pratiquant ce que nous appelons la débrouillardise. L’opposition haïtienne en 2019, a suffoqué le Président et le pouvoir exécutif. Elle a par ses multiples actions, fait reculer Jovenel Moïse qui, par pragmatisme ou par résignation, a renoncé à commémorer maintes fêtes nationales ou dates de mémoire, dans les lieux dédiés. Heureusement que le Musée du Panthéon National Haïtien (MUPANHA) lui offrait un pis-aller ce qui lui a valu toutes sortes de dérisions même de la part de personnalités de l’ancien régime qui ont modelé cet espace… Quand on voyait ce flux de manifestants dans les rues de nos villes, quand toutes couches confondues, des groupes de notre société ont défilé dans les rues pour répudier Jovenel Moïse, quand, leaders politiques, PetroChallengers, artistes et professionnels de groupes différents ont grossi les rangs des manifestations, on ne donnait pas cher de la peau du Président de la République qui s’est accroché à son pouvoir dont on ne sait plus ce qu’il symbolisait. Pendant ce temps, le pouvoir a perdu le contrôle du territoire, et les bandits occupent l’espace jusqu’à date avec toutes les restrictions que cela impose au libre mouvement du citoyen, à la libre circulation des personnes, des biens et des marchandises. Les rues et les avenues de la République deviennent de plus des endroits a risques, le kidnapping est revenu dans nos réalités après un assez long temps de pause. En même temps, les réalités économiques sont devenues encore plus compliquées, l’inflation est en train de galoper, elle dépasse les 20%, notre Gourde «fè bèk atè» au point que le pouvoir avait dû rapidement admettre l’erreur de sortir du confort du dollar comme valeur refuge, la décote oscillait dans les 25% et plus dépendamment des transactions et des proportions négociées. Et le défaut de trésorerie entrainerait en septembre 2019, une situation que l’on vit plutôt, en général depuis plus d’une vingtaine d’années, entre décembre et janvier, la rareté de carburants... Cet environnement de perte de confiance dans l’administration de Jovenel Moïse déjà affectée par des contradictions internes qui ont débouché sur la séparation d’avec le Premier ministre Jean-Henry Céant, en ouvrant la voie à une situation de légitimité amoindrie, entrera le pays dans un blocage sur longue durée. Entre septembre 2019, juste une semaine après la réouverture officielle des classes dans des conditions d’incertitude où la rentrée a été assez partielle, et novembre 2019, Haïti a vécu une nouvelle édition de « pays lock ». Ici, c’est la faillite de l’économie. Notre pays est en ruine, rien ne fonctionne et nous paierons pendant longtemps une note salée, avant une reprise de l’économie pour retrouver les chiffres d’avant cette période où la croissance n’était déjà pas au rendez-vous. En fin d’année catastrophique de 2019, de nombreuses entreprises pour survivre ont réduit leur personnel, diminué le nombre de jours de fonctionnement ou envoyer des collaborateurs en congé sans solde. D’autres ont fermé leurs portes et déposé leur bilan de faillite. D’autres qui n’ont pas de meilleures situations restent ouvertes en attendant le miracle d’une reprise de l’économie qui paraît de plus en plus incertaine… Le 28 janvier 2020, le rapport du Fonds Monétaire International sur Haïti n’augure rien de bon. Les experts du FMI ont repris les constats alarmants de notre économie en 2019 et ne se sont pas montrés très optimistes pour la nouvelle année. L’année fiscale, au 30 septembre s’est terminée avec un déficit des recettes estimé à 3.8% du produit intérieur brut. La dette publique a augmenté de 7% par rapport à l’année 2018 où elle était évaluée à 40% du PIB. En 2019 elle est alors passée à 47%, selon le FMI. Avec des taux d’intérêts usuraires, un accès au crédit de plus en plus fermé, l’investissement qui pourrait améliorer la croissance économique dans le pays n’arrivera pas, une redynamisation de l’économie par la création de petites et moyennes industries, des dons et/ou des investissements étrangers directs ne sont pas à l’horizon avec une telle détérioration du climat sécuritaire et des prêteurs de moins en moins solvables. Les taux pratiqués dans le système économique haïtien sont décourageants et affectent directement le pouvoir d’achat de ceux qui étaient déjà éligibles au crédit. Comme indicateur, on peut référer au taux de près de 70% sur les cartes de crédit qui défraient la chronique et qui scandalisent l’opinion publique… LA RÉDEMPTION DE JOVENEL MOÏSE Malgré un passif aussi lourd et dévastateur à son actif, le pouvoir de Jovenel Moïse qui n’existait pas en 2019, a subsisté jusqu’à parvenir au cap fatidique du 13 janvier 2020 attendu avec la dernière impatience par le Bureau de la présidence et ses multiples alliés… Le 13 janvier 2020, la Chambre des Députés a épuisé son mandat et 1/3 à 2/3 des Sénateurs, suivant où l’on se tient ou suivant une lecture honnête, malhonnête ou confuse de la Constitution amendée et de la Loi électorale, devaient s’en aller du Grand Corps. L’opinion publique n’a aucun consensus sur la grille de lecture appropriée. Seul l’intérêt des uns et des autres prime. Le Président Jovenel Moïse, le principal intéressé par ce dossier, s’est imposé inconstitutionnellement, comme interprète de la Constitution. Or, selon l’article 150 de la Loi-Mère, «  Le Président de la République n’a d’autres pouvoirs que ceux que lui attribue la Constitution.» Dans son article 128, la Constitution dispose par ailleurs : « L’interprétation des lois par voie d’autorité n’appartient qu’au Pouvoir Législatif, elle est donnée dans la forme d’une loi ». Le 13 janvier 2020, poussant l’audace à l’extrême, dans un tweet lancé à 12 :02 minutes, le Président de la République, dit avoir constaté la fin de la 50ème législature, la Chambre des Députés devant être renouvelée totalement ainsi que la fin du mandat de 2/3 des Sénateurs. Ce tweet, dans la réalité n’aurait dû être suivi d’aucun effet. Nous venons de voir que le Président n'a pas de pouvoir spécial selon l'article 150 de la Constitution. Il en découle, qu'interpréter les lois ne fait pas partie des prérogatives du Chef de l’État. Par ailleurs, le tweet du Président ne devait engager que sa seule personne. Le tweet qui est très utilisé comme moyen de communication par les dirigeants du monde, ne saurait et n'est pas un document administratif officiel. Jovenel Moïse, au regard de la tradition du présidentialisme haïtien fort, a voulu mettre le pays devant le fait accompli. Une fois son tweet lancé, les fanatiques, agents et supporteurs du pouvoir envahissent les réseaux sociaux pour jubiler et passer les Sénateurs en question en dérision. Le Président haïtien attendait son heure, celle de la revanche, car ses opposants au Sénat de la République lui ont fait voir de toutes les couleurs. Malgré qu’ils aient été en minorité, ils ont utilisé de toutes leurs prérogatives pour se mettre en face du pouvoir. Pendant une année longue, le Chef de l’État a dû adopter un profil bas, boire son orgueil pour accepter la réalité du jeu des rapports de forces qui, en maintes occasions, n’était pas de son côté. A maintes reprises, il a dû accepter d’être un chef sans aucun pouvoir. Mais ne dit-on pas que « la vengeance est un plat qui se mange froid » ou que « la patience est amère, mais son fruit est doux..» DES STRATÉGIES DE L'OPPOSITION HAÏTIENNE... Les luttes politiques en Haïti ou ailleurs prennent les mêmes contours. D’un point à l’autre de la planète, l’on retrouve les mêmes méthodes. Manifestations de rue, barricades enflammées, bris de vitres de véhicules, casse des façades de magasins, pillages et mises à sac de cibles identifiées comme ennemies de la lutte des groupes qui revendiquent etc. Si vous vouliez une illustration, les dégâts causés par les « gilets jaunes » à Paris, sur les Champs Élysées et autres centres commerciaux de la capitale française, vous avez là de bonnes références. Restaurants bourgeois, magasins de luxe, véhicules de police, aucun égard pour rien ! A Port-au-Prince et dans d’autres villes du pays, même philosophie, même topo. Le comble en Haïti, c’est la paralysie des activités scolaires considérée dans le lot des dommages collatéraux. Nos enfants sont restés à la maison pendant tout le premier trimestre, quasiment. Dans le débat sur la question, l’opposition ne gagne pas la bataille d'image. On la rend responsable de cette situation qui ne peut pas ne pas donner mauvaise conscience...Les tenants du pouvoir, très actifs sur les réseaux, ont tout fait pour formater une image négative des leaders de l'opposition para rapport au dossier de l'école affectée par la situation de blocage du pays. La paralysie des activités tant au niveau de l’administration publique que des opérations commerciales et économiques a eu également des conséquences sur l’image de l’opposition. En fait, «personne» n’aime Jovenel Moïse et ne croit pas que son maintien au pouvoir soit une chose positive pour le pays. Mais restreindre le mouvement de la population, paralyser les activités qui, à terme produit du chômage, des renvois et des pertes d’emploi, voire des fermetures d’entreprise avec une menace de faillite sur d’autres, ce sont autant de facteurs et d’aspects qui donnent un petit pincement au cœur contre les responsables de cette situation. Tout le monde n’est pas un PetroChallenger qui demande des comptes pour le gaspillage et le détournement des fonds du Programme Petrocaribe. On veut bien être solidaire, mais quand cela nous affecte directement, on ne peut pas ne pas manquer de faire le regardant… Autre point défavorable à l’opposition, ce sont certaines de ses têtes, parmi les plus représentatives. On les identifie comme les anciens démons qui ont été l’objet des chasses d’hier et qui se profilent comme l’alternative de pouvoir de demain…Cela ne rassure pas. Bref, cela fait carrément peur de projeter nos lendemains dans le miroir des blocages d’hier avec les « anwo pa monte anba pa desann, nan mitan rete rèd ». On ne veut pas revenir à cela et tout ce qui symbolise une telle perspective refroidit les velléités de plus d’un à adhérer au mouvement pour l’assaut final. Jovenel Moïse, est le bénéficiaire de toutes ces réticences sans qu’on puisse conclure qu’il ait pour autant le soutien de ces groupes refroidis par la nature des anciens tenants du pouvoir… A part ces facteurs internes, Le Chef de l’État bénéficie du support discret mais actif de groupes de pays ou d’organisations de l’international. A coups de trahisons sur d’anciennes alliances aussi vieilles que la nation, Jovenel Moïse n’a pas d’état d’âme. Ce qui lui importe, c’est d’avoir le support du « Blanc », advienne que pourra. Préserver son mandat, c’est le plus important. L’opposition pourrait mettre le pays à feu et          à sang, sur les cendres de la République, Jovenel Moïse continuerait à réclamer le respect de son mandat. Il se considère comme le seul élu dont le mandat est sacré. Pour cause, ses représentants au forum sans avenir tenu récemment à la Nonciature apostolique ont été cassants et inébranlables. Pas question d’envisager aucune réduction du mandat du Président. A propos, le Chef de l'État recourt à la langue de bois. Son mandat importe peu, ce qui l'est, ce sont les réformes à entreprendre. Quelles sont-elles et quand elles commencent? Seul le Président peut répondre. A Baconnois, Le Chef de l'État a demandé de manière induite aux paysannes d'enfouir loin la clé du pouvoir. Cela fait directement allusion à la vieille tradition des marchandes, les «madan sara» qui cachent la petite bourse en tissu contenant leur argent, dans leur soutien-gorge... « Pa manyen manda Prezidan an » et ce ne sont pas les coups de colère de ceux-là qui laissent la table de discussion qui vont rien changer dans ces négociations perte de temps qui ont échoué mais que la Présidence voudrait voir reprendre pour continuer à gagner du temps… Il est temps que les forces politiques haïtiennes conscientes de leur faiblesse, se ressaisissent pour revigorer et prendre en main l’avenir de la nation en remettant à sa place, ladite communauté internationale pour ouvrir une nouvelle ère de la récupération de notre souveraineté et de notre autonomie. La société civile haïtienne doit sortir de sa passivité pour forcer les décideurs politiques à respecter les prescrits de la Constitution quant aux échéances électorales et le renouvellement de nos institutions. Pendant trop longtemps, sur trop longue durée, dans la passivité la plus totale, la société haïtienne a accepté la nonchalance de nos chefs d’État qui ont violé la Constitution et les lois en refusant d’assumer leurs responsabilités. Cette inaction nous a fait déboucher régulièrement sur le fait accompli de la fin du mandat de parlementaires, sans que les élections pour le renouvellement des chambres législatives, aient été tenues dans le délai. Et ce sont ces mêmes Présidents défaillants qui jubilent et s’empressent de constater ce qu’ils appellent, « la caducité du parlement », un acte prémédité et une prime anormale à des chefs défaillants qui bénéficient de leurs fautes... La Constitution a été votée le 29 mars 1987 cela fera bientôt 33 ans. Nous avons laissé les successifs gouvernements épuiser leur mandat quand il n’y avait pas de crise politique sans qu’ils aient pris les moyens de mettre en place un ensemble d’organes qui devaient garantir l’institutionnalisation de l’État. Le Conseil Électoral Permanent n’a jamais vu le jour malgré l’amendement de la Constitution en 2011 qui rendait sa formation moins compliquée. La Commission de facilitation remplacée par la Cour constitutionnelle dans l’amendement de la Constitution attend de voir le jour. Toutes les assemblées qui devaient garantir la participation des collectivités locales dans la gestion du pouvoir en vue d’une décentralisation effective n’ont jamais été constituées. Nous avons laissé faire, sans aucune vigilance citoyenne, pour constituer des groupes de pression et forcer le pouvoir à sortir de la routine du « lesegrennen » traditionnel. Les chambres législatives qui ont la mission d’interpréter les lois ont évolué dans la paresse et la corruption entretenue par l’Exécutif sans adopter des lois interprétatives qui écartent la République des voies de l’improvisation quant à certaines dispositions confuses d’articles de la Constitution. Les Sénateurs et Députés ont été incapables même dans leur intérêt de faire une loi interprétative des articles 95 et 95-3 sur le mandat des Sénateurs et sur le renouvellement du Sénat par tiers tous les deux ans. Un tel travail aurait enlevé les confusions d’interprétations les unes plus intéressées que les autres… Les Haïtiennes et Haïtiens ont besoin de réinventer Haïti pour que notre pays cesse d’être cet enfer qu’il est devenu et que chacun de nous, pour la plupart, veut fuir à la première occasion, ce qui projette les Haïtiens dans une réalité d’exil forcé en quête de mieux être sur toute la planète…Nous sommes devenus les parias du monde de Santo Domingo aux Antilles, de l’Amérique centrale à l’Amérique du Sud en passant par l’Amérique du Nord et l’on parle aujourd’hui d’une filière qui conduit nos compatriotes jusqu’en Turquie où ils se font escroquer par des réseaux mafieux en Haïti et là-bas… Après 216 années d’existence. Haïti a besoin d’être revisité pour un nouveau départ sur des pistes plus sures. Nous avons besoin d’établir une nouvelle République sur les normes qui font la force de ces nations. Nous avons tout fait de travers. Nous avons tout perverti, nous avons évolué à l’envers, à contre courant des normes. La démocratie représentative est un système élitiste, nous avons fait autrement en envoyant dans nos institutions les moins qualifiés. Or nous savons que ceux qui n’étaient pas prédestinés au pouvoir ou qui y sont arrivés par toutes sortes d’effractions, par la force des armes, par des coups fourrés, des coups d’État aux fraudes électorales etc. sont ceux-là qui s’y accrochent le plus et qui en descendent le plus difficilement. Les parvenus du pouvoir ne veulent pas lâcher prise. Ici, la société où cela arrive, doit se préparer à des commotions, à des purges, à la guerre civile, à l’extermination des adversaires comme on en a de multiples illustrations dans les pages de notre histoire agitée et tumultueuse… Le système politique est basé sur des normes, la reddition de compte entre autres, nous combattons cela. Le renouvellement des institutions garantit la permanence de l’État, nous nous arrangeons à chaque fois pour créer des vides institutionnels pour revenir à un présidentialisme au plein pouvoir sans contrepoids. La recherche d’un mandat quelconque est lié à un programme, un projet à mettre en application durant le temps du mandat, à chaque fois, des aspirants à gouverner arrivent sans aucun projet et ils obtiennent le vote populaire avec ou sans effraction. Nous oublions en Haïti comme le dit Paul-Henri Trollé « Atticus », que « gouverner est une ambition dont il faut avoir les talents.» (Livre au même titre, édition Odile Jacob, mai 2019). Et toutes les fois que nos institutions passent à côté de leur mission, toutes les fois que dans nos institutions siègent des femmes et des hommes qui n’assument pas pleinement leurs responsabilités en se prononçant valablement dans le débat au moment des crises, quand la confusion s’installe et que  l’incertitude plane, le règne de la rue qui dit le dernier mot a devant lui de belles années encore…Tandis que les expressions d’autoritarisme trouveront encore le terreau favorable pour tenter de se reproduire et de renaître. Les garde-fous sont des institutions fortes capables de contenir les débordements traditionnels du pouvoir exécutif dans un pays comme le nôtre traversée par un long héritage de pouvoir autoritaire et dictatorial. C’est en oeuvrant pour consacrer pleinement l’indépendance des autres pouvoirs que nous arriverons à neutraliser chacun dans son rôle et ses prérogatives, sans chercher à influencer les autres. Cela arrivera aussi, quand nous enverrons dans les Chambres législatives des femmes et des hommes intègres qui défendront jalousement l’espace du Pouvoir législatif. Il en va de même des juges, des magistrats et tous autres intervenant du système judiciaire qui agiront avec intégrité et honneur pour mettre fin à la tradition de domestication de notre justice peuplée de créatures de la Présidence. Il faudra que les tenants de ces instances indépendantes rompent avec la peur et les menaces du pouvoir autoritaire pour qu’à tout bout de champ, en violation de maintes disposition de nos Codes, notamment, l’article 9 du Code civil, l’article 146 du Code pénal, l’article 464 du Code de procédure criminelle sur la compétence des juges et des tribunaux, en consacrant les dénis de justice pour lesquels ils sont passibles de poursuites… Quelles que soient nos réserves, quand le devoir nous interpelle, quand la patrie menacée compte sur nous pour placer le mot du droit sans défaillir, nous devons rompre avec la peur, pour ne pas faire le choix de passer à côté au lieu de s’assumer, advienne que pourra…