Le Nouvelliste
Coronavirus: des idées pour un plan de contingence...
April 13, 2020, midnight
Il est clair qu’aucun pays n’était préparé à faire face au nouveau coronavirus. Dans les pays aux gros moyens, des hôpitaux sont débordés et des ruptures de stock de médicaments les menacent. Les masques et même les tests sont en manque. Le nombre de morts a doublé en une semaine dans le monde et on tourne à 1 mort toutes les 15 secondes. Face à cette menace grandissante, des pays comme Haïti doivent se préparer au pire… Se préparer à la grande vague nécessite un plan de contingence sanitaire national adapté à cette crise sans précédent et à notre réalité. Ce plan est en fait : qui fait quoi, quand et comment, du dépistage à la guérison totale ou la mort, en passant par la prise en charge des malades. Comme pour préparer une saison cyclonique, des professionnels de la santé et de la gestion des risques et des désastres préparent des plans de contingence pour le secteur médical. La prise en charge des blessés du cyclone et des malades « normaux » doit être préparée. Encore plus pour un risque sanitaire comme l’épidémie de choléra ou le Covid-19. Ce dernier est déjà dans nos murs, le plan doit être préparé d'urgence avant une vague catastrophique de malades. Quelques idées sans prétentions Comme tout plan de contingence, il faut commencer par l’analyse du risque: menace x vulnérabilité. La menace est déjà là, c’est le virus. Maintenant, il faut regarder notre vulnérabilité. Quels sont les groupes les plus vulnérables? Combien sont-ils? Quels sont les facteurs aggravants? Une bonne partie de la population ne croit pas aux propos des autorités. Voilà un facteur aggravant! Si l’on doit penser au pire scénario, - n’ayons pas peur de le dire - tout Haïti est vulnérable. Ce n’est pas un risque d’inondation qui ne peut affecter que des zones géographiques particulières. On ne peut que compter sur ceux-là qui vont respecter les gestes barrières, dont le confinement. Si l’on se pose les bonnes questions, on devrait arriver à estimer le nombre d’Haïtiens susceptibles d’être touchés par le coronavirus. Une fois le nombre de malades potentiel estimé, il faudrait regarder nos besoins en personnel soignant, en lits d’hôpitaux, en respirateurs, en médicaments, etc. Des besoins nationaux, départementaux et communaux. Ce document doit être monté d'urgence et contenir de vrais numéros de téléphone - il paraît que le 43433333 ne marche pas toujours - à contacter pour les cas suspects dans toutes les sections communales. Les diagnostics doivent suivre rapidement pour que des dispositions soient prises (quarantaine, prise en charge médicale...). Une fois les besoins connus pour un scénario choisi (le pire est souhaitable), il faut trouver les moyens. Qu’est-ce qu’on fait? Si on n'a pas assez de personnel soignant, doit-on faire appel aux étudiants en médecine et élèves infirmiers? Peut-on leur fournir une formation expresse pour les tâches concernant l’entrée de l’algorithme de la prise en charge des malades? Cela pourrait aider les professionnels à se concentrer sur les soins. Si on n’a pas assez d’argent, il faut dépenser intelligemment. Par exemple, il y a quelques millions de dollars qui sont partis pour une commande de masques qui vont arriver on ne sait quand. Il serait peut-être mieux de mettre les couturiers haïtiens au travail pour la fabrication de masques en tissu et d’économiser pour commander des médicaments et des matériels de réanimation. Nous ne pourrons pas tout faire. Il faut faire des choix. De plus, le confinement paraît très difficile; des masques en tissu fabriqués localement offriraient une disponibilité et une accessibilité relatives. Tout le monde pourrait en porter et limiter la propagation du virus. Ce plan de contingence spécial devrait aussi prévoir la sécurisation des convois de médicaments, de masques… d’un département à un autre, de peur que des bandits les détournent. Dans les hôpitaux qui prennent en charge les cas du Covid-19, on est bien d’accord que les visites des familles des malades devraient être interdites. Il faudrait éviter également que des gens se massent devant ces hôpitaux dans l’espoir de voir leurs malades. Quand on a quelques malades, on ne voit pas le problème. Quand on commence à avoir des centaines de cas de Covid-19 dans un hôpital avec des familles qui font pression dehors pour les voir, cela peut vite dégénérer avec le risque de contaminations supplémentaires. Il faut en même temps prévoir des canaux de communication efficaces pour que les familles prennent les nouvelles de leurs proches. Les morts aussi devraient être inclus dans le plan de contingence. Si les familles prennent en charge les morts dans un « pire scénario », les pompes funèbres d’une petite commune seront saturées de morts en attente de funérailles. L’État devrait-il prendre en charge les morts, organiser des obsèques collectives et les enterrer dans la dignité sans attroupements?