Le Nouvelliste
Quelle est la fiabilité des médicaments vendus dans les rues en Haïti?
Aug. 21, 2020, midnight
La présomption de contrefaçon qui plane sur les médicaments en Haïti n'est pas nouvelle. Les notes du MSPP pour annoncer qu'il faut éviter la consommation d'un médicament ou un autre sont plutôt récurrentes. Une ancienne directrice de pharmacie au ministère de la Santé publique et de la Population avait révélé qu'il y a une ville en République dominicaine qui fabrique des médicaments uniquement pour Haïti. Le pays n'a jamais su vérifier la qualité de tous les médicaments en vente sur le marché. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) est arrivée à la triste conclusion « qu'un médicament sur 10 dans les pays à revenu faible et intermédiaire est contrefait ». Dans cette nouvelle étude publiée de concert avec des professeurs à l'Université Colorado Denver et Université Autonome de Barcelone, ce groupe de chercheurs a examiné un total de 258 paquets contenant des antimicrobiens achetés dans 28 marchés publics parmi les plus fréquentés de l'aire métropolitaine. Le constat, un retentissement de ce qu'on entendait chaque jour: « Une grande proportion des produits vendus sur les marchés ne contenait pas le médicament étiqueté et /ou contenait un médicament dégradé. En plus du fait que les antimicrobiens sur ordonnance peuvent être achetés sur les marchés de rue, la présente étude de terrain a révélé que la plupart d'entre eux (y compris les antimicrobiens «Watch» selon l'AWaRe classification) étaient de qualité inférieure, ce qui contribue à l'épidémie actuelle de résistance aux antimicrobiens », a révélé cette étude menée, entre autres, par des chercheurs de la Faculté de médecine et de pharmacie de l'Université d'Etat d'Haïti. Selon leurs emballages, ces médicaments analysés dans le cadre de cette étude seraient manufacturés majoritairement en Inde (75%), Chine (7%), Kenya, USA, Haïti, France, Canada et Honduras. « Trois antimicrobiens sur 11(amoxicilline, métronidazole et cotrimoxazole) présentaient une bonne correspondance spectrale pour plus de 95% de leurs comprimés/gélules. Cependant, pour 6 antimicrobiens (tétracycline, érythromycine, cloxacilline, azithromycine, clarithromycine et l'association amoxicilline + acide clavulanique), aucun de leurs comprimés/capsule n'a montré une correspondance spectrale suffisante avec le médicament authentique », ont constaté les scientifiques qui ont réalisé cette recherche. Donc, la difficulté de contrôler de manière systématique la qualité des médicaments en vente en Haïti met la vie du consommateur en danger. Des médicaments vendus n'ont ni la dose ni la molécule indiquées sur l'étiquette. Quand la molécule est fausse, le consommateur ne sait pas ce qu'il prend exactement, sa vie est en danger. En plus, la consommation des antibiotiques sans la bonne indication favorise une résistance vis-à-vis de ce médicament qui risque de ne plus pouvoir soigner comme avant. Ce phénomène mieux connu sous le nom de résistance aux antibiotiques entraîne une prolongation des hospitalisations, appauvrit les familles en augmentant les dépenses médicales et entraîne une hausse de mortalité. L'OMS considère la résistance aux antibiotiques comme l’une des plus graves menaces pesant sur la santé mondiale, la sécurité alimentaire et le développement. Ont pris part à cette recherche Théodule Jean-Baptiste, John Carpenter, Kevin Dahl, Wellington Derameau, Rosemela Veillard, Osselyn Pierre Ludens, John Redford Jacquet, Albert Figueras. Ces chercheurs sont affectés aux Laboratoires de la Faculté de médecine et de pharmacie de l'UEH (Labmes), au Groupe haïtien de recherche, d'innovation et de créativité (GHRIC), à l'Université de Colorado aux États-Unis, à l'Université Autonome de Barcelone et à KBI Biopharma aux États-Unis. Ils souhaitent une utilisation rationnelle des antibiotiques dans le pays. Ceci demanderait, entre autres, que les autorités renforcent les mesures pour limiter l'accès aux antibiotiques seulement aux professionnels qualifiés et l'éducation de la population pour décourager l'utilisation abusive de ce groupe de médicaments.