Le Nouvelliste
Changement de Constitution : Jovenel Moïse fait un auto-coup d’État, selon Me Sonet Saint-Louis, professeur de droit constitutionnel
Sept. 22, 2020, midnight
Le professeur Sonet Saint-Louis, qui était sur le plateau de l’émission « Haiti, Sa K ap Kwit », lundi soir sur la chaine 20, rappelle que la procédure d’amendement d’une Constitution doit être faite de manière rigoureuse et doit refléter la volonté populaire, les exigences de précision et de clarté. C’est un moment important, crucial dans la vie d’un pays, affirme le juriste qui ne se positionne pas, à l’instar de plusieurs secteurs de la vie nationale, en faveur d’une nouvelle Constitution. Avec son positionnement sur le référendum, « le président n’a pas seulement violé la Constitution, mais il a aussi fait un auto-coup d’État », dénonce le juriste. Pour ce dernier, un président en fonction ne peut pas dénoncer la Constitution. « S’il le fait, c’est un crime de haute trahison », soutient celui qui fustige le comportement du chef de l’État par rapport à la Constitution. « On ne peut pas être élu sous l’empire d’une Constitution qu’on harcèle. Le serment du président de la République est un serment constitutionnel . Il a juré, non seulement de respecter fidèlement la constitution, mais aussi de la faire respecter » entend rappeler le professeur de droit constitutionnel. Me Sonet Saint-Louis rappelle que c’est la Constitution qui définit les attributions du président de la République. Selon lui, il n’existe aucune condition objective permettant au président de convoquer une assemblée constituante. « S’il veut persister dans cette voie, il doit céder le pouvoir… », précise le professeur, qui estime que Jovenel Moïse prend le risque et joue gros, en décidant de changer la Constitution tout seul. « Il peut triompher, tout dépend des forces internes et externes qui le soutiennent. S’il parvient à triompher et impose une nouvelle Constitution, organiser les élections à partir de cette nouvelle Constitution, il passera dans l’histoire comme un grand président qui a imposé sa volonté à la nation. Mais s’il échoue dans ses tentatives, il perdra le pouvoir, il sera traduit en justice pour crime de haute trahison, y compris tous ceux qui l’ont soutenu dans ses démarches », avance le professeur de droit, qui croit que nous sommes en face d’une épreuve de force dans le pays. Par ailleurs, Sonet Saint-Louis soutient que l’arrêté nommant les membres du Conseil électoral provisoire avec ce mandat peut être attaqué en « inconstitutionnalité » devant la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif, puisqu’un arrêté est un acte règlementaire. Il affirme également attendre la réaction des juges de la Cour de cassation, considérés comme les gardiens impartiaux de la règle de droit, dans cette affaire. « Ils sont là pour assurer l’autorité de la Constitution ». Si la Cour de Cassation, assurant la gouvernance du pouvoir judiciaire, accepte le serment des membres de ce nouveau Conseil électoral provisoire, c’est une cour aussi anéantie. Elle sera plongée dans la déchéance totale », prévient-il. La prestation de serment n'a pas eu lieu mais le président Jovenel Moïse a quand même investi les nouveaux conseillers électoraux dans leurs fonctions. « Pendant longtemps, rappelle le professeur, nous avons confié le pouvoir à des crétins, des nuls, des médiocres et des âmes animales. C’est la raison pour laquelle nous sommes arrivés-là… », soutient-il. Si le président Jovenel Moïse se permet de le faire, la société haïtienne n'a jamais été traversée par aucun sentiment démocratique, estime Me Saint-Louis. « Haïti est administrée par des élites sauvages. C’est pour cela que j’ai dit, même si une Constitution venait du ciel, elle ne serait pas applicable en Haïti, parce que nous avons des élites haïtiennes incapables d’évoluer dans une société dominée par les règles de droit, le respect de la loi, c’est d’abord une question d’éducation. Pour appliquer la loi (la Constitution), il faut apprendre à l’aimer et le vouloir… », soutient-il par ailleurs. Pour Me Saint-Louis, il faut rééduquer les élites haïtiennes sur la base du patriotisme, de l’honnêteté, l’intégrité et la solidarité. Il faut aussi éduquer le peuple à l’école de la démocratie, de l’État de droit et de la bonne gouvernance, croit le professeur, soutenant qu’il faut poser le problème de manière scientifique, pour éviter de replonger dans les mêmes problèmes, même avec une nouvelle Constitution.