Le Nouvelliste
Des conditions de détention inquiétantes dans les prisons civiles des Cayes et d'Aquin, révèle un rapport
Jan. 30, 2020, midnight
La Commission de recherche et de promotion des droits de l'homme (CRPDH), formée majoritairement d'universitaires et basée à la Faculté de droit et des sciences économiques de Port-au-Prince, vient de publier son troisième rapport sur les conditions de détention dans les prisons civiles du pays. Après le Cap-Haïtien et Fort-Liberté en 2018, la commission s'est intéressée au cours de l'été 2019 aux prisons civiles d'Aquin et des Cayes. La commission vient de rendre public son rapport qui dresse un tableau sombre de ces deux centres de détention. À partir d'entretiens et d'observations réalisés par une trentaine d'étudiants de l'UEH, la commission fait un bilan des problèmes d'alimentation, d'eau, d'hygiène, d'assainissement, de santé, de logement, d'éducation et de l'état psychologique des détenus. Mais aussi sur le plan administratif, la commission a considéré le manque d'équipements, de personnel qualifié, d'infrastructures, le problème logistique, la détention illégale et arbitraire et l'absence de registre. « Les détenus reçoivent un seul repas par jour aux Cayes et à Aquin. Ils se plaignent de la mauvaise qualité de la nourriture. Celle-ci est généralement à moitié cuite, selon les détenus interrogés. Les aliments précuits apportés par des organisations caritatives sont très souvent périmés », rapportent les enquêteurs. Les prisonniers des Cayes et d'Aquin n'ont pas accès à l'eau potable. Ces derniers doivent se contenter de l'eau tirée d'un puits qui capte aussi l'eau de pluie, en cas d'incapacité de se ravitailler en sachets d'eau traitée, à en croire le rapport dont Le Nouvelliste a eu une copie. Les détenus ont révélé aux enquêteurs qu'ils ne se lavent qu'une fois par jour, sans savon et sans se brosser les dents, faute de brosses à dents et dentifrices, pour la grande majorité. Leurs vêtements sont très sales, ont observé les étudiants. Ces problèmes à la base de maladies de la peau sont très récurrentes. Cependant, à la prison d'Aquin, les enquêteurs n'ont pas pu voir une infirmerie. Mais aux Cayes, c'est ce qui devrait être le poste de contrôle des agents de sécurité à l'entrée qui sert d'infimerie avec un seul lit. Le personnel sanitaire se résume à une dame identifiée comme étant une infirmière. Selon ce qu'ont appris les enquêteurs, les cas plus ou moins compliqués ne peuvent être diagnostiqués sur place. Les ruptures de stock de médicaments sont fréquentes. Dans ce cas, on doit attendre longuement l'arrivée de nouvelles cargaisons ou des dons de bienfaiteurs. « La prison civile des Cayes est constituée de douze cellules, dont deux pour les femmes et une pour les enfants, logées dans un vieux bâtiment ne présentant aucune norme pour être une prison. Celle d'Aquin contient cinq cellules. Pour les deux prisons civiles, les détenus vivent dans des espaces très étroits, soit moins d'un mètre carré par détenu, contrairement aux 4,5 réclamés par les normes internationales, très peu aérés, avec des lits défectueux, poussiéreux et envahis par des insectes », peut-on lire dans le rapport. « Aucune d'entre elle ne dispose d'un programme d'éducation ou de formation professionnelle. La réinsertion sociale n'est donc pas prise en compte. D'où un risque de récidive pour les délinquants, une fois libérés », écrivent les rapporteurs. « Sur un échantillon de 65 détenus à la prison civile des Cayes, 53, soit 82%, affirment n'avoir jamais reçu de visite d'un proche et 19 sur 25 à Aquin tiennent la même affirmation. Les détenus témoignent que la présence de proches, même pour une courte durée, aurait été d'un grand réconfort pour eux. Il n'y a pas de téléphone disponible à la prison qui leur permettrait de communiquer avec eux. L'absence de radio ou téléviseur ne les aide pas. Leur secours reste les jeux de cartes et de dominos. 45% des détenus interrogés affirment être accros à la drogue et / ou l'alcool », révèlent les enquêteurs. Au-delà de ces problèmes, les prisons d'Aquin et des Cayes font face à des faiblesses administratives, font savoir les étudiants chercheurs. Il s'agit entre autres du manque d'équipements, d'infrastructures et de moyens logistiques. Par ailleurs, le problème de détention illégale et arbitraire, voire d'absence de dossiers des détenus font rage à Aquin et aux Cayes. L'équipe a pu identifier, à partir de ses entretiens, trois enfants de moins de 13 ans incarcérés, dont 2 pour crime et 1 un pour délit. 6 autres mineurs détenus sans mandat de dépôt ont été répertoriés dans les deux centres. En outre, 42 sur 80 des détenus questionnés sont en situation de détention préventive prolongée. Certains, déjà condamnés, sont encore en prison après avoir purgé leur peine. Le rapport porte la signature de deux étudiants chercheurs Vladimir Destinvil et Jean Relange Lafortune respectivement président et secrétaire général de la commission, du professeur de criminologie Raoul Théogène, qui a fait office d'encadreur et des responsables de la Faculté de droit : Élie Méus, doyen et Charles Domond Point-du-Jour, vice-doyen aux affaires juridiques.