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Le Nouvelliste

La vérité sur le dossier de la décharge dite de Mouchinette

June 18, 2020, midnight

Une lettre datée du 19 mai 2020 adressée par le représentant de la Banque Interaméricaine de Développement (BID) au Président de la République, est venue étaler aux yeux de l’opinion publique les conséquences regrettables de l’incurie, de la mauvaise foi et du peu de respect pour la règle de droit qui ont caractérisés le comportement de certains fonctionnaires de l’état haïtien chargés de la mise en oeuvre du projet ô combien important de construction d’une décharge pour la gestion intégrée des déchets solides sur le site de Mouchinette, commune de Limonade. Le litige qui a entravé la poursuite des travaux provient d’une confusion quant à la localisation effective du site de Mouchinette. Les travaux pour la réalisation du projet ont été entrepris illégalement sur des terrains agricoles appartenant depuis plus d’un siècle à la famille Nazon, connue dans la région et dans le pays pour leur implication dans l’agro-industrie. Par erreur ou par mauvaise foi des agents de l’état haïtien ont extrait une superficie d’environ vingtcinq (25) carreaux de la propriété privée des Nazon, située sur l’Habitation Desforges et non sur le site de Mouchinette. Dès le début des travaux (dessouchage et terrassements) sur l’espace cidessus mentionné, les propriétaires sont intervenus sans succès tant auprès de l’état pour signaler cette erreur grossière et faire arrêter les travaux. Ils ont été traités par le mépris le plus total, en dépit du fait que le Maire de Limonade leur ait indiqué par écrit qu’il y avait erreur sur la localisation des terrains mis à disposition pour le projet. Face à cette tentative avérée de spoliation par les pouvoirs publics associés à la BID, les propriétaires ont saisi les tribunaux compétents depuis le mois de mai 2017. Les représentants de l’état ont réagi en multipliant les incidents de procédure et les recours en appel et en Cassation à chaque fois qu’un jugement ne sortait pas en leur faveur. Ils espéraient peut-être ainsi décourager les propriétaires à qui toutes ces procédures coûtaient cher en frais de justice et en honoraires d’avocats tant au Cap-Haïtien qu’à Port-au-Prince. Ils pensaient aussi peut-être que l’usage abusif de la puissance publique finirait par intimider les victimes de la spoliation et qu’ils abandonneraient la cause. Sachant qu’ils n’avaient aucune chance d’obtenir gain de cause devant un tribunal sérieux, certains élus locaux, ont tenté de mobiliser des habitants de la zone qui sont venus proférer des menaces au point de forcer la plupart des membres de la famille Nazon à quitter la zone et à se mettre à couvert pour avoir la vie sauve. Soit dit en passant que cette famille a vu deux de ses fils assassinés dans des circonstances similaires. Ces mêmes élus locaux ont mené une campagne permanente de désinformation pour induire l’opinion publique en erreur. Ils n’ont pas hésité à faire déverser des tonnes d’immondices sur les puits forés dans le cadre des investissements consentis par les Nazon et leurs associés pour démarrer une exploitation agricole de produits bio. La manoeuvre désespérée du pouvoir consistant à publier dans le journal officiel Le Moniteur un arrêté déclarant d’utilité publique les propriétés spoliées, n’a aucune chance de satisfaire les exigences de la BID, si tant est qu’il s’agit de reprendre les travaux déjà commencés illégalement sur la propriété privée des Nazon. Premièrement cet arrêté persiste dans l’erreur en situant le projet à Mouchinette alors que les travaux ont commencé illégalement à Desforges. Il y a lieu de se demander si l’on parle du même et des mêmes terrains. Deuxièmement, pendant tout le combat judiciaire qui a opposé les Nazon à l’état, les avocats de celui-ci ont toujours prétendu que les terrains appartenaient à son domaine privé. Ils ont été jusqu’à saisir le tribunal correctionnel en accusant les propriétaires d’usage de faux. Le fait par le pouvoir de prendre un arrêté de déclaration d’utilité publique, constitue une reconnaissance de l’authenticité du droit de propriété des Nazon. Troisièmement, cet acte est apparemment pris pour satisfaire les exigences de la BID qui demande à l’état d’apporter la preuve que le litige sur la propriété des terrains est réglé par une décision de justice finale non appelable, c’est-à-dire ayant acquis l’autorité de la chose jugée. Or dans le cas qui nous intéresse aucune décision sur le fond de l’affaire n’a été rendue à ce jour. Quatrièmement, si nous partons du principe que l’état en déclarant d’utilité publique les terrains ayant fait l’objet d’une tentative de spoliation de sa part, reconnait les droits de propriété des Nazon, les actes posés jusqu’ici par ses représentants, l’ont été dans l’illégalité la plus totale. Ce faisant l’état a causé des préjudices moraux, matériels et financiers graves aux propriétaires. Ces actes ont même mis en danger la vie de ces derniers. Il est inimaginable d’un point de vue juridique que cet arrêté puisse absoudre les violations flagrantes des droits des Nazon. Cinquièmement, l’article 36-1 de la constitution reconnait le droit régalien de l’état d’exproprier pour cause d’utilité publique, moyennant le paiement ou la consignation ordonnée par justice aux ordres de qui de droit, d’une juste et préalable indemnité fixée à dire d’expert. Or dans le cas présent l’état a délibérément violé cet article de la constitution de manière persistante depuis l’année 2017. Ce serait vider cette disposition constitutionnelle de son sens, si on permettait à l’état de prendre un arrêté de déclaration d’utilité publique a posteriori, après avoir bafoué les droits des propriétaires. Le comportement dictatorial des représentants de l’état qui pendant trois longues années se sont comportés comme s’ils étaient au-dessus de la constitution et des lois de la république, retire à l’état le droit de prétendre à la jouissance de son droit régalien d’expropriation. Sixièmement, cette manoeuvre désespérée de dernière minute ne permettra pas á l’état de satisfaire aux exigences de la BID, parce les propriétaires ont l’intention d’attaquer la légalité et la constitutionnalité de l’arrêté paru dans le journal officiel du 9 mars 2020, par devant la juridiction compétente. La question de l’insécurité foncière a causé trop de dégâts dans notre pays pour qu’on laisse passer comme une lettre à la poste, un acte pareil de la part de l’état. Ce n’est pas en persistant dans l’erreur à cause d’un orgueil mal placé ou pour des raisons inavouables que le problème sera résolu et qu’il convaincra la BID de revenir sur sa décision. L’arrêté est susceptible de recours et les propriétaires vont utiliser toutes les options dont ils disposent pour que force reste à la loi. Si les dirigeants sont de bonne foi, ils pourraient encore tenter de sauver le projet et faire bénéficier le Nord des fonds non remboursables qui ont été mis à sa disposition depuis le mois de novembre 2018, en envoyant un signal clair quant à leur volonté de respecter la constitution et les lois en général et le droit de propriété en particulier. Il leur suffirait de proposer à la BID un autre terrain situé à proximité dans la région sur les immenses étendues de terres impropres à la culture appartenant à l’état, avec des impacts sur l’environnement beaucoup moins négatifs plus faciles à être atténués. Les Nazon et leurs associés espèrent que le bon droit prévaudra et qu’ils pourront dans un avenir proche redémarrer leur exploitation agricole en toute sérénité. Port-au-Prince, le 9 juin 2020 Signataires : Héritiers Nazon et associés d’Agrinord S. A.