Le Nouvelliste
Haïti : « Nous avons l’impression d’être dans le chaos total »
Jan. 20, 2021, midnight
« La profonde crise que traverse la société haïtienne depuis quelques décennies atteint aujourd’hui des dimensions inimaginables. Nous avons l’impression d’être dans le chaos total ; au fond d’un gouffre d’où aucune issue n’est visible à l’horizon », ont constaté les prêtres jésuites qui, dans une déclaration de prise de position, condamnent le climat d’insécurité qui semble n’ébranler personne, du moins les autorités. Pour les prêtres jésuites, « notre pays se convertit en un pays à risque où l’insécurité prend des dimensions incroyables : multiplication des gangs armés, kidnapping, meurtres... » « Tout ceci se réalise souvent avec la complicité des plus hautes autorités de l’État, dans l’indifférence et parfois l’impuissance de la Police nationale d’Haïti », ont déploré les pères Jean Denis Saint-Félix, supérieur des jésuites d’Haïti, Jean-Marie Louis, Rogério da Silva, Kawas François et Kénel Sénatus, signataires de la déclaration. Ils dénoncent une velléité de la part de l’exécutif d'instaurer un régime dictatorial dans le pays. « Nous vivons sous la menace constante d’un retour à la dictature avec un exécutif qui gouverne à coups de décrets et souvent au mépris de la Constitution. Plus récemment, l’exécutif publie une suite de décrets ; pratique qui n’est nullement reconnue par la Constitution et fait partie de méthodes dictatoriales rappelant la triste période de la dictature des Duvalier », ont déploré les religieux, ajoutant : « Cette triste situation nous interpelle comme hommes et femmes, chrétiens et chrétiennes et encore davantage comme religieux jésuites. Ce cri de l’apôtre Paul résonne actuellement plus que jamais dans nos esprits et dans nos cœurs et nous pousse à l’action : Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile.» Les jésuites disent assister avec « douleur à l’effondrement des institutions publiques, notamment les institutions représentatives, la banalisation des valeurs fondamentales qui rendent possible le vivre-ensemble et la perte des repères éthiques qui se traduit dans le non-respect pur et simple de l’autre ». « Nous assistons à une accumulation de déficits commerciaux et budgétaires durant ces dernières années, au détournement des fonds publics et à l’institutionnalisation de la corruption », ont souligné les hommes de Dieu. Pour sortir de cette crise, les prêtres invitent « les militants sociaux et politiques, les nombreuses organisations de la diaspora haïtienne à ne pas perdre courage et à continuer la lutte pour renverser cette situation insupportable ». Ils exhortent « les principaux acteurs tant nationaux qu’internationaux à prendre les décisions appropriées, dans le strict respect des principes démocratiques fondamentaux, pour aider à sauver ce pays ». Les jésuites d’Haïti ne sont pas les seuls à alerter sur la crise qui secoue le pays. La Conférence épiscopale d’Haïti (CEH) ne cesse de dénoncer et d’attirer l’attention sur la gravité de la crise à laquelle fait face le pays. Dans une note conjointe, les organisations religieuses du secteur protestant, quant à elles, invitent le président Jovenel Moïse à quitter le pouvoir le 7 février 2021.