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Le Nouvelliste

Le Pénitencier national, une bombe à retardement à cause de la propagation de la Covid-19…

May 21, 2020, midnight

Sur plus d’une quarantaine de prisonniers présentant des signes de fièvre et de grippe à la prison civile de Port-au-Prince au tout début du mois de mai, onze sont positifs à la Covid-19, a appris le journal de sources concordantes. Le journal a aussi appris de ces sources que le RNDDH a écrit en début de semaine au Premier ministre Joseph Jouthe l’appelant à une « intervention immédiate du CSPN  en vue de juguler la propagation de la Covid-19 à la prison civile de Port-au-Prince, où sont incarcérés 3 555 détenus dont 401 condamnés ». « Je vous confirme que la Covid-19 est entrée dans la prison », a indiqué par téléphone à l’AFP Charles Nazaire Noël, le directeur de l’administration pénitentiaire. « Nous avons mené une bataille rude pour éviter cela, mais, malheureusement, c'est arrivé. On ne va pas baisser les bras, on va continuer à renforcer le système d'assainissement de la prison», a ajouté le directeur. La semaine dernière, une cinquantaine de détenus du plus grand centre carcéral du pays ont souffert de fièvre, incitant les autorités sanitaires à établir un diagnostic. Sur l'échantillon de douze prisonniers testés, onze sont atteints de na Covid-19, selon les résultats obtenus le 15 mai mais rendus publics le 21 mai. « J'ai envoyé une correspondance au MSPP (ministère de la Santé, ndlr) pour avoir un dépistage de tous les détenus du Pénitencier national », a annoncé jeudi Charles Nazaire Noël, cité par l’AFP.  « Tout le personnel aussi sera dépisté. Cela ne va pas se faire d'un seul trait mais étape par étape. Mais le MSPP nous a confirmé qu'il n'y avait aucun problème : dans les jours qui viennent, il va commencer par groupes de cinquante », détaille le haut-gradé de la police haïtienne. La propagation du virus dans la prison située au cœur du centre-ville de Port-au-Prince pourrait rapidement aggraver ce bilan. Avec une capacité limitée à 778 places, le « pénitencier », comme il est communément désigné, compte aujourd'hui plus de 3 600 détenus, dont plus des trois quarts sont en attente de jugement depuis plusieurs mois ou années. «  Selon les informations détenues par le RNDDH, à date, à la prison civile de Port-au-Prince, aucune prise en charge des détenus malades n’a été assurée par le MSPP.  Et aucune mesure n’a été adaptée par les autorités étatiques en vue de protéger  tous les détenus de ce centre carcéral, notamment ceux qui ne sont pas malades, les agent-tes de la DAP, le personnel de santé ainsi que tous les autres travailleurs-euses civils qui fréquentent la prison », a poursuivi la correspondance en date du 20 mai. Le journal, entre-temps, a appris que des matériels et équipements sanitaires ont été acheminés à la prison mercredi et jeudi. La frayeur gagne du terrain et la colère aussi. « Nous préférons mourir par balle que de la Covid-19 », menacent certains prisonniers, a appris le journal d’une source de la prison civile de Port-au-Prince. « L’infirmerie est presque dysfonctionnelle. Des infirmières d’une ONG qui y travaillaient ont pratiquement déserté », a expliqué notre source. L’information sur la propagation de la Covid-19 à la prison a circulé sous le manteau autour du 15 mai, a appris le journal. Interrogé mardi sur la situation à la matinale de Magik 9 mardi, le ministre de la Justice, Lucmane Delille, autorité de tutelle de la PNH et la DAP, a indiqué ne pas disposer d’informations à ce sujet. Le 18 mai, en interview avec le journal, Bruno Lemarquis, numéro deux de la BINUH, coordonnateur de OCHA et des agences du système des Nations unies en Haïti, avait confié ses préoccupations au Nouvelliste. « Cette situation est une cocotte-minute, une bombe à retardement », avait opiné le fonctionnaire onusien qui a fait écho des efforts des efforts du ministère de la Justice, de la PNH, de la DAP pour faire face à la situation.   L’inspecteur général Charles Nazaire Noël, interrogé la semaine dernière à la matinale de Magik 9, avait fait part des actions envisagées pour gérer la situation au cas où des prisonniers tomberaient malades de la Covid-19. « Quatre centres de détention vont être transformés en centres de prise en charge des détenus à l’Arcahaie, à Anse-à-Veau, à Fort-Liberté et  à Mirebalais », avait-il annoncé. Cependant, les préparatifs pour mettre à exécution ce plan se sont achoppés contre la colère et le refus de la population de l’Arcahaie. La mairesse de la commune, Rose Mila Petit-Frère, avait déploré le fait de ne pas avoir été mise au courant du projet. La prison est pratiquement au cœur de la ville, avait-elle indiqué, soulignant que des discussions préalables auraient permis de mieux avancer sur ce dossier. Entre-temps, l’initiative des autorités visant à réduire la surpopulation carcérale et libérant certains prisonniers avance lentement. Le gouvernement fait des efforts. Des audiences sont réalisées. À la fin du mois d’avril, 677 détenus ont fait l’objet d’une décision de libération. « C’est un début mais cela représente seulement 4 % de la population  carcérale totale », avait confié au journal Bruno Lemarquis du BINUH. « Il y a un besoin de faire plus d’effort très rapidement », avait-il dit, soulignant que la surpopulation carcérale, de l’ordre aujourd’hui de 343 %, est historique en Haïti. 10 500 personnes sont en condition de surpopulation dans les prisons en Haïti. 74 à 75 % n’ont pas encore été jugées, avait déploré Bruno Lemarquis. « Ce qui se passe à la prison est extrêmement préoccupant. La gestion de la situation n’est évidemment pas facile. Tout le monde essaie de faire de son mieux. Cependant, le temps perdu en hésitation et en inaction peut être aussi fatal que le virus lui-même », a confié une autre source proche de la prison.