Le Nouvelliste
L’apprentissage à distance en Haïti au temps de Covid-19
May 12, 2020, midnight
En Haïti, le système scolaire, financé à 80% par les parents, a de fortes chances d’être parmi les secteurs les plus touchés par la Covid-19. Si la distanciation sociale reste l’une des mesures de prévention prônées dans ce contexte de coronavirus, les responsables des écoles un peu partout à travers le monde ont dû recourir à l’enseignement à distance comme méthode d’apprentissage pouvant garantir aux élèves de boucler l’année scolaire. La 5e édition du Sommet de la FinTech, organisée le 30 avril dernier par le Group Croissance et ses partenaires, en tenant compte des facilités offertes par la technologie, a consacré un panel à l’éducation invitant des spécialistes de ce secteur à répondre à la question suivante : « Est-ce que l’enseignement à distance garantit l’apprentissage ? ». En réponse à cette pertinente question, Daniel Marcelin de la Fondation haïtienne d’enseignement privé (FONHEP) a retracé les grandes lignes d’un programme expérimenté dans les années 2000 par sa structure, supporté par l’USAID, supervisé par le MENFP et conçu par des éducateurs spécialisés. Entre 2002 et 2006, la FONHEP, à travers ce programme, a touché près de 140 000 élèves de la 2e à la 6e année fondamentale à travers les 10 départements géographiques du pays. Après plusieurs évaluations faites par l’unité de docimologie d’alors, les résultats, dans l’ensemble, se sont révélés plutôt encourageants, a confié Daniel Marcelin. M. Marcelin propose au ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP) de diffuser massivement à travers tout le pays de mai à août l’ensemble des 468 émissions préenregistrées d’une durée de 30 minutes en moyenne réalisées dans le cadre du programme susmentionné. Toutefois, a mis en garde Daniel Marcelin, l’enseignement à distance ne saurait remplacer l’enseignement classique. Alternative en période de crise permettant une utilisation efficace du temps scolaire, l’enseignement à distance, comme l’a rappelé ce dernier, offre un accès équitable à un enseignement de qualité à tous les enfants, peu importe leur localisation, leurs conditions familiales ou matérielles. A ce propos, le collège Catts Pressoir fait figure de pionnier pour avoir pensé à l’utilisation de l’enseignement à distance depuis 1994. Guy Étienne, responsable de cet établissement scolaire de la capitale qui n’a cessé de se démarquer du lot au fil des ans, a étalé les principales avancées de son institution en la matière avec l’utilisation depuis ces 5 dernières années d’ouvrages numériques notamment. Plus récemment, avec le « lòk » politique, Catts Pressoir a procédé au lancement d’une plateforme éducative qui permet aux professeurs de dispenser des cours à distance avec possibilité de donner des devoirs en ligne, de les corriger puis de les rendre aux élèves avec des notes et commentaires. « Actuellement, le collège Catts Pressoir est en phase de générer des bulletins numériques », a annoncé Guy Etienne, soulignant que cette plateforme est ouverte aux lycées de Saint-Jean du Sud et d’Arniquet dont les élèves ont la possibilité de suivre les mêmes cours que ceux du collège Catts Pressoir. Pour le professeur Étienne, ce type d’enseignement, tout en développant l’autonomisation chez les jeunes, requiert un certain niveau de stratégie pédagogique et didactique. Par ailleurs, Nesmy Manigat, ancien ministre de l’Éducation nationale, en effectuant un survol plus global du secteur éducatif, a placé en première ligne la formation et le soutien aux enseignants et directeurs d’école. Seul 1% des 3,5 millions d’élèves qui apprennent réellement à partir du numérique, selon lui, se retrouvent parmi les 3% qui terminent leur scolarité jusqu’au secondaire sans redoubler. « Si l’État décidait de prendre en charge les 3,5 millions d’élèves, les salaires des 200 000 personnels éducatifs payés, avec le scénario du salaire minimum (12.000 gourdes mensuelles), équivaudrait à la moitié de ses recettes mensuelles actuelles. Mobiliser un enseignant qualifié coûtera au moins 5 fois plus », a énuméré Nesmy Manigat dans sa présentation « Préparer l’école de la nouvelle normalité ». Selon les calculs de Nesmy Manigat, l’implémentation du Pacte pour l’éducation et de l’école de la réussite passera par une relance économique permettant de mobiliser 8% du PIB pour l’éducation ou 30% du budget, le transfert du pouvoir central vers un pouvoir local et la mise en place de conseils municipaux d’éducation. Parmi les éléments à prioriser dans le cadre de ce pacte, l’ancien ministre a évoqué entre autres la décision de passage automatique hors examen officiel, le démarrage du plan de formation des maitres, la finalisation et la publication des politiques et directives pour la formation à distance, principalement le numérique à l’école ainsi que le cap qui doit être mis sur la nouvelle politique nationale d’alimentation scolaire basée sur les produits locaux.