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Le Nouvelliste

Le Rwanda face au coronavirus: ce qu'Haïti peut apprendre

March 13, 2020, midnight

Le Rwanda a une croissance annuelle de plus de 6 %, il occupe la première place en termes de Progrès de développement humain sur les 20 dernières années, son PIB par habitant est d'environ 200 € par an, autrement dit, sur le plan économique, Haïti n'est pas sur la même longueur d'onde que le Rwanda. Cependant, d'un point de vue épidémiologique, notamment par rapport à la pandémie Covid-19, s'il y a un pays qui doit intéresser les autorités sanitaires haïtiennes, c'est bien le Rwanda. L'analyse de l'introduction et de la transmission de n'importe quelle maladie infectieuse, qu'elle soit au stade d'épidémie ou de pandémie, est strictement liée à la taille de sa population. Encore mieux, cela renvoie à la notion de densité, puis l'aménagement du territoire et enfin la culture de cette population. Environ 12 millions d'habitants répartis sur 26 338 km2, qu'il s'agit de la taille ou de la densité, Haïti partage avec le Rwanda certains points communs. Le Rwanda n'a aucun cas de coronavirus pour le moment. Et pourtant, le pays entier semble mobilisé pour mener la guerre contre ce virus qui effraie le monde. Dès l'apparition du premier cas de coronavirus en Afrique, les autorités sanitaires ont été claires et intransigeantes sur le fait que les mesures hygiéniques sont une responsabilité de l'État. À croire qu'il ne suffit pas de quelques pubs dans les médias pour inciter les gens à se laver les mains encore moins provoquer un changement de comportement. Le pays doit passer de la parole aux actes. Presque tous les pays du monde étaient en train de faire un virage vers plus d'investissement dans les maladies non transmissibles avant l'apparition du Covid-19. Haïti, de son côté, était en proie aux mêmes parasitoses, infections bactériennes et virales. La grande cause: absence de règles hygiéno-diététiques dans un endroit et péril oro-fécal dans un autre. Ce n'est pas le choléra qui viendra prouver le contraire. Alors, comme le Rwanda, Haïti fait face à une population dense, des inégalités et une promiscuité qui pourront empêcher les autorités de freiner la propagation de cette maladie. Tout comme le Rwanda, les mesures de prévention doivent être une responsabilité d'État, qui doit veiller à leur application, avant d'être un engagement citoyen. Si certaines mesures étaient déjà en application au Rwanda, elles le sont dix fois plus avec la menace de Covid-19. Aucun citoyen ne peut avoir accès à un supermarché, aux transports en commun, une banque commerciale, une institution publique ou privée, un restaurant, etc. sans préalablement se laver les mains. Un lavabo mobile est disponible partout où deux ou trois personnes peuvent se rassembler ou à défaut un désinfectant pour les mains. «Des instructions ont également été envoyées à tous les bureaux publics, entreprises et bâtiments commerciaux pour garantir que du savon et des désinfectants pour les mains soient disponibles à tout moment», a révélé une circulaire du ministère de la Santé publique au Rwanda. «Afin de protéger la vie des gens, nous rappelons aux responsables des activités qui rassemblent de nombreuses personnes telles que les églises, les hôtels, les discothèques, les bars et les restaurants de mettre en place des mesures d'hygiène strictes et des assainisseurs afin de protéger les gens contre le coronavirus», ont annoncé les autorités sanitaires du Rwanda qui comprennent qu'en matière de santé publique, la négligence d'un individu peut entraîner le malheur d'une population. Par ailleurs, la ville de Kigali a annoncé une suspension généralisée des événements de divertissement, des rassemblements et des expositions à partir du 8 mars comme mesure contre la propagation du coronavirus. Plus que de simples mesures, les autorités étatiques ont mis un dispositif de contrôle strict permettant de vérifier l'application des mesures hygiéniques imposables à toutes les couches du pays. La période d'incubation relativement longue du coronavirus remet en cause l'efficacité de la première barrière mise en place au niveau des aéroports. Et comme le Covid-19 est une pandémie, une personne peut facilement passer au travers du contrôle symptomatique et des restrictions géographiques alors qu'elle a été potentiellement en contact avec une personne atteinte du Covid-19. C'est la faiblesse de cette première barrière dans la surveillance épidémiologique qui explique pourquoi la sensibilisation et la responsabilité de l'État sont les meilleures armes que le pays puisse avoir pour faire face à ce virus. Comme le gouvernement rwandais, le gouvernement haïtien doit prendre le contrôle des mesures préventives. Cela ne doit en aucun cas laisser au bon vouloir des individus. Avec plus de 10 millions d'habitants maladroitement répartis sur 27 750 km2, la bidonvillisation, le péril oro-fécal, la promiscuité, les tares associées, Haïti doit bien jouer la carte de la sensibilisation. Qu'à cela ne tienne, dans le cas d'un problème de santé globale, l'individu n'existe presque plus, les mesures préventives doivent être imposables à tout un chacun. Les autorités doivent tracer la voie et s'assurer que tout le monde va dans la même direction. Claudy Junior Pierre Kigali, Rwanda