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Le Nouvelliste

Georges Michel: « Il faut attendre la prochaine législature si l'on veut amender la Constitution »

Jan. 21, 2020, midnight

Georges Michel, historien et membre de l’Assemblée constituante à l’origine de la Constitution de 1987, a commenté sur Magik9 le projet de Jovenel Moïse de doter le pays d’une nouvelle Constitution. En effet, le président de la République a indiqué la semaine dernière qu’il entend organiser un référendum à la fin de l’année pour adopter une nouvelle loi mère. Selon Georges Michel, c’est inconstitutionnel de changer la Constitution via un référendum. « Le pays a une Constitution qui n’est pas caduque. Celle-ci trace les voies conduisant à son amendement. On aurait dû attendre la dernière session de la dernière législature pour introduire une déclaration de révision votée en Assemblée nationale. C'est à la prochaine législature de travailler là-dessus. Toute initiative qui ne suit pas cette procédure est inconstitutionnelle », a-t-il soutenu.  L’historien a fait remarquer que c'est à partir de la Constitution de 1946 que les constituants ont introduit un article qui interdit le référendum. Plusieurs autres Constitutions dans le futur ont interdit le référendum, dont la charte de 1987. « En Haïti, on se sert des référendums pour établir les dictatures. C’est ce qu’a fait Sténio Vincent en 1935, François Duvalier en 1964 et en 1971, Jean-Claude Duvalier en 1985. Si nous laissons Jovenel Moïse changer cette Constitution par référendum, chaque président pourrait, au cours de leur mandat, changer la Constitution selon ses caprices », exhorte-t-il.  Georges Michel a également blâmé l’opposition à Jovenel Moïse. « Ils ont d’abord invité les gens à gagner les rues pour PetroCaribe, ensuite pour exiger le départ de Jovenel Moïse, pour exiger une table rase et enfin avec l’accord de Marriott ils ont fait part de leur intention de prendre le pouvoir pour une période de 3 ans. Concernant la Constitution, ils ont ouvert la brèche. C'est sans doute pourquoi Réginald Boulos se disait favorable à l'élaboration d'une nouvelle Constitution. Jovenel Moïse les prend au mot. Ce dernier n’a pas le droit de remplacer la Constitution. L’opposition, de son côté, n’avait pas le droit d’écarter la Constitution de 1987», analyse-t-il.  L’historien prévient que le pays pourrait connaître à la fois une crise politique et une crise constitutionnelle. « Cette crise constitutionnelle peut nous faire perdre plus de 15 ans. Le remplacement de cette Constitution apportera plus d’instabilité. La Constitution que nous avons aujourd’hui a beaucoup de garanties. On peut les perdre si on laisse ce projet se matérialiser », estime-t-il.  S’agissant de la Constitution de 1987, Georges Michel, constituant de son état, croit qu’il faut corriger beaucoup de choses. « J’étais le premier à me prononcer en faveur d’un amendement. La Constitution mérite une toilette dans le sens de l’allègement. Elle contient trop de lourdeur. Ce travail intellectuel n’a été fait ni sous Préval, ni sous Martelly, ni sous Moïse. Il y avait trois groupes de travail durant l’administration de Jovenel Moïse. Jerry Tardieu à la Chambre des députés a présenté un projet sans pied ni tête. Il y avait un groupe de travail au Sénat dirigé par Kedlaire Augustin qui a présenté un travail beaucoup plus médiocre. Il y avait une équipe de Jovenel Moïse qui a engagé des consultations et présenté un projet d’amendement comportant des points valables. Vu les circonstances, ce projet n’a pas été présenté au Parlement », révèle-t-il.  Georges Michel a qualifié de « prétexte » l’argument de Jovenel Moïse selon lequel la Constitution actuelle limite les pouvoirs du président de la République. « Il dispose d’assez de pouvoir pour bien faire. Préval et Martelly ont connu la même réalité », fait-il remarquer, indiquant que la Constitution de 1987 a déjà battu un record de longévité.