Le Nouvelliste
Les actions à l'origine du succès de Taïwan dans la lutte contre l'épidémie de coronavirus
April 6, 2020, midnight
Dix nouveaux cas de Covid-19 ont été confirmés à Taïwan le jeudi 2 avril dernier portant le total des gens atteints du coronavirus dans le pays à 339 depuis le début de l’épidémie l’année dernière, a communiqué le Central Epidemic Command Center (CECC). Si l’on tient compte de la vitesse à laquelle le nouveau coronavirus se propage et des liens commerciaux et de transport étroits de Taïwan avec la Chine continentale, la façon dont les autorités de cette île d'environ 24 millions d’habitants se sont battues pour endiguer le virus relève tout simplement de l’exploit. À cet effet, l’ambassade de Taïwan à Port-au-Prince a bien voulu partager avec Le Nouvelliste quelques-unes des stratégies mises en place par Taipei pour contenir le coronavirus. Taïwan a un système de santé de classe mondiale, avec une couverture universelle. Toutefois l’élément déterminant du succès de la réponse de Taïwan au virus découle des leçons apprises de l'épidémie de syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) de 2003. À cette époque, Taïwan figurait parmi les territoires les plus touchés avec plus de 150 000 personnes mises en quarantaine, dont 181 personnes sont mortes. Cette expérience a permis aux Taïwanais de réagir plus rapidement à l'épidémie actuelle de coronavirus et de prendre le danger plus au sérieux que dans d'autres régions du monde, tant au niveau gouvernemental qu'au niveau sociétal. Les contrôles aux frontières et le port de masques faciaux sont devenus rapidement routiniers dès le début du mois de janvier sur presque toute l’étendue de l’île. Mais les politiques et les actions mises en place vont au-delà du contrôle des frontières. En effet, Taïwan a rapidement produit et mis en œuvre une liste d'au moins 124 actions – allant de l’augmentation de la production nationale de masques faciaux pour garantir l'approvisionnement local au déploiement des tests de dépistage dans toute l'île et à l’imposition de lourdes sanctions pour diffusion de désinformation sur le virus et pour violation de la quarantaine à domicile – au cours des cinq dernières semaines pour protéger la santé de sa population. « Les résidents de Wuhan interdits d'entrée dès janvier ; obligation pour les voyageurs en provenance de Chine de faire une déclaration de santé avant d'entrer ; un couple condamné à une amende de 10 000 USD pour avoir enfreint la règle de quarantaine à domicile de 14 jours ; les voyageurs entrant à Taïwan doivent remplir un formulaire de déclaration de santé précis sous peine d’être condamnés à une amende pouvant aller jusqu'à 5 000 dollars américains ; tous les hôpitaux, cliniques et pharmacies ont accès aux antécédents de voyage des patients ; les professionnels de la santé interdits de voyage à l'étranger ; 4 millions de masques chirurgicaux produits par jour, dont 1,4 million alloués aux hôpitaux et au personnel médical, 2,6 millions restants pour les ventes aux consommateurs ; des soldats se sont mobilisés sur des lignes de production dans des usines de masques locales » figurent parmi les actions les plus emblématiques adoptées par Taipei pendant que d'autres pays débattaient encore de l'opportunité de faire pareil. La réponse rapide et transparente de Taïwan – avec des responsables médicaux tenant des briefings quotidiens sur la question – est présentée par CNN à la fois comme instructives pour d'autres pays et aussi comme un exemple de la façon dont les démocraties peuvent encore freiner les épidémies. Taïwan a en effet évité le type de verrouillage strict qui a caractérisé la réponse en Chine et dans de nombreux autres pays. L'efficacité des actions de Taïwan pour prévenir une épidémie à grande échelle comme le Covid-19 s’appuie notamment sur un mécanisme d'intervention en santé publique pour favoriser des actions rapides en cas de crise (mis en place après l’expérience du SRAS en 2003), des équipes de fonctionnaires bien formées et expérimentées ainsi que l’activation des structures de gestion des urgences pour faire face à la nouvelle épidémie. Pour Taïwan, le plus dur est passé. À un point tel qu’après des semaines d'interdiction d'exporter des masques faciaux pour assurer l'approvisionnement intérieur, le gouvernement de Taïwan a annoncé mercredi qu'il donnerait 10 millions de masques aux États-Unis, à l'Italie, à l'Espagne et à neuf autres pays européens, ainsi que les petites nations qui entretiennent des relations diplomatiques avec l'île. Haïti fgure parmi ces petites nations s’apprêtant à recevoir l’aide de Taïwan dans les prochains jours. « Sur une plus grande échelle, nous sommes disposés à réajuster les priorités de la coopération bilatérale selon les besoins de la partie haïtienne et nous sommes dans l’attente de la proposition du gouvernement haïtien afin de la traiter officiellement », a confié notre source à l’ambassade de Taïwan à Port-au-Prince. Cependant, le succès de Taïwan dans la lutte contre l'épidémie de coronavirus a été largement éclipsé par l'aggravation de la crise en Europe et aux États-Unis. La raison pour laquelle les pays occidentaux n'ont pas suivi l'exemple de Taïwan en janvier et février pendant qu'il était encore temps reste incertaine. De nombreux observateurs penchent pour l'idée que Taïwan n'est pas membre de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Jusqu’en 2016, Taïwan avait le statut d'observateur auprès de l'OMS. Avec l'élection du président Tsai Ing-wen, du Parti progressiste démocratique traditionnellement indépendantiste, la donne a changé, avec Pékin intensifiant davantage la pression sur Taipei via notamment l’hameçonnage de ses quelques alliés diplomatiques restants et l'organisation de démonstrations de force militaire.