Le Nouvelliste
Le documentaire « Haïti, mon amour » rend hommage au peuple haïtien pour les dix ans du séisme
Jan. 31, 2020, midnight
Dans le documentaire « Haïti, mon amour », d’une durée de 52 minutes, mis en ligne sur la plateforme Spicee, François-Xavier Freland, correspondant de presse à l’époque, et l’un des tout premiers reporters arrivés sur le terrain, tisse un fil conducteur montrant où en est Haïti une décennie plus tard, tente tant bien que mal de répondre à la question « pourquoi on en est arrivé là », sans oublier bien sûr la corruption, entre autres. « J’ai redécouvert un pays que j’aime tout simplement […] J’ai découvert une violence qu’il n’y avait pas il y a dix ans la peur de se promener dans quelques endroits. Il y a une pression qu’il n’y avait pas il y a dix ans […] Il y a dix ans, on entendait "aidez-nous" aujourd’hui on entend qu’est-ce que vous faites là […] J’ai ressenti une méfiance vis-à-vis des Occidentaux », raconte le réalisateur ayant mis les pieds en Haïti pour la première fois en janvier 2010. « Je suis tombé sur un pays au lendemain du tremblement de terre certes complètement meurtri, mais aussi avec une grande foi humaine, une grande générosité, une grande gentillesse. Ce n’est pas un cliché, c’est une réalité », s'étonne l’ex-correspondant de RFI et de France 24 à Caracas complètement sous le charme de l’extraordinaire ciel bleu – cette lumière presque divine, comme il le dit – de Port-au-Prince. « À Port-au-Prince quand on filme, on ne peut pas rater les images. Tout est beau. Même la mort est presque parfois esthétisée », déclare l’auteur qui, de toute évidence, ne fait aucunement référence à la mort « absurde » du personnage principal de son documentaire, Liest Elie, ancien employé de la DGI, qui l’a tant marqué durant ces dix dernières années. Liest Élie, mort d’une septicémie, aurait pu être sauvé avec de meilleurs soins au moment où on l’a retiré des décombres, soutient François-Xavier Freland, qui a eu la délicate attention, par respect pour sa personne et par pudeur pour sa famille, de ne pas introduire son visage dans le film. Un visage qui l’a pourtant hanté. À peine débarqué en Haïti, le chasseur d’images s’est retrouvé en train de filmer Liest Élie, prisonnier des décombres, sans savoir qu’il n’allait utiliser ces images dans aucun de ses reportages. « Je me suis dit, un jour ou l’autre, que je rendrai hommage à cet homme […], une manière [aussi] de rendre hommage à tout un peuple », nous confie le réalisateur qui avoue que sa démarche recèle peut-être une carte personnelle. « C’est un événement qui m’a beaucoup marqué. J’en parle beaucoup dans le film. Je rappelle mes souvenirs, les répliques, les cris de la population qui redoute un tsunami… Je crois que la société haïtienne – ceux qui ont vécu le tremblement de terre – se souviendra leur vie durant d’un événement pareil », fait savoir François-Xavier Freland, se remémorant comment l’image des cadavres étalés en pleines rues lui rappelait celle des camps de concentration. « Cet amoncellement de cadavres était extrêmement choquant […] Je n’avais jamais vu ça. […] Certains de mes confrères ont vu des psys après », poursuit le réalisateur qui dit avoir toujours misé, dans ses reportages en Haïti, sur la vie plutôt que sur la mort. Au moyen de ses propres archives, des témoignages de la femme du défunt et aussi d’anciens collègues et proches du héros « posthume », des éclairages d’acteurs de la société civile, de séquences différentes tournées dans des endroits différents, le réalisateur a voulu montrer aux téléspectateurs francophones une autre Haïti qui n’est pas que tragédie. C’est sa façon à lui de rendre hommage au peuple haïtien et d’exhorter les gens à ne pas oublier ce qui s’est passé. François-Xavier Freland, qui n’est pas à son coup d'essai, a réalisé ce film avec des moyens modestes. Il l’a entièrement filmé et monté et a choisi personnellement la musique du film. En bon amant du konpa, il a rythmé son oeuvre de quelques notes musicales créées par Nemours Jean-Baptiste, pour s’assurer, précise-t-il, de sa dynamique, sa chaleur et son envie. A l'attention de tous ceux qui souhaitent voir le documentaire, il est encore en accès libre sur le site de Spicee ici : https://www.spicee.com/fr/program-guest/haiti-mon-amour-1463