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Le Nouvelliste

Qui doit démanteler les gangs armés ?

Nov. 7, 2019, midnight

On se met à souhaiter, à travers les mouvements populaires de ces derniers temps, que l’actuel président soit le dernier du «système» et que ce soit la «dernière transition». Il nous faut vite préciser, en termes clairs, que l’idée serait que le pays fasse le passage d’une société archaïque, chaotique, vers une société démocratique, tournée vers la modernité, vers la bonne gouvernance, avec tous ses corollaires obligés. Une précision de taille, au motif que la modernisation du système politique suppose des périodes répétées de «transition» pour bien assurer le respect d’un principe fondamental : l’alternance au pouvoir des partis politiques. Le passage d’une société vers une autre constitue, effectivement, une transition autant que le changement de personnel politique au niveau de toutes les sphères de pouvoir de l’État, à travers la tenue périodique d’élections partielles ou générales. Cette «dernière transition», tant souhaitée - objet de nos préoccupations et de nos réflexions - présente cette particularité de devoir changer l’État et, en même temps, tout le personnel appelé à gérer ce nouvel État. Généralement, toute période de transition constitue le désordre d’un certain ordre normal et régulier de l’État, dans la mesure où celle-là charrie très souvent de vives tensions, de chaudes passions partisanes, idéologiques, animant tout le mouvement ou toute la dynamique d’orientation politique du pays. Ce désordre est symbolisé, par cette dispersion des citoyens en diverses fractions partisanes, et cet ordre, par le regroupement de tous les citoyennes et citoyens, dans la permanence et dans la continuité de l’État, dans le respect des valeurs républicaines. Là où le Rassemblement des démocrates, nationaux, progressistes (RDNP) fonde ses légitimes et grandes inquiétudes, dans la réalisation du processus souhaité de transition vers un nouveau système, vers une nouvelle société, c’est dans cette incapacité de l’État de maintenir, d’assurer l’ordre républicain, de restaurer son autorité comme seul détenteur du monopole de la violence. Les éventuels responsables de la gouvernance de transition peuvent-ils prétendre remplir leur mission sans que soient préalablement démantelés tous les gangs armés fonctionnant à travers tout le territoire national ? Ces «bandits», pour la plupart, «légaux» vont-ils, d’eux-mêmes, quitter leur position, mettre bas les armes, cesser leurs actions criminelles, illégales au détriment de l’État et de la Nation ? Notre inquiétude est d’autant plus justifiée et fondée qu’elle repose sur une analyse objective de la situation de la Police nationale d’Haïti, (PNH), seule force constituée et disponible, habilitée à faire face aux réactions éventuelles et possibles des «bandits légaux», des chefs de gang armé, pour maintenir le statu quo. La résolution de la question des gangs armés peut-elle se faire de manière pacifique, sans cet affrontement, prévisible mais redouté, entre «bandits légaux» et agents de la PNH ? Durant les mouvements violents réclamant la démission de l’actuel président, le changement de «système» et la tenue d’une «transition» politique, la confiance de la population dans cette institution a été froissée à dessein, ou mieux, entamée pour servir les besoins de la cause. La PNH est vilipendée par les acteurs de l’opposition radicale, par les organisations des droits de l’homme, par les manifestants eux-mêmes. Le nouveau directeur intérimaire de la PNH, salué favorablement au départ, fait désormais l’objet de vives critiques et est reproché de politiser l’institution, de l’instrumentaliser au bénéfice du pouvoir en place. Quelle autre force pourra mettre en déroute les gangs armés ? Dans tout processus de transition, supposant le démembrement et le remembrement de l’État, il y a des institutions qui doivent être protégées, même le temps d’un certain retour à l’ordre républicain. D’ailleurs, il doit s’avérer, nécessaires, la disponibilité, l’efficacité, le dévouement des agents de la PNH, quand il faut restaurer l’autorité de l’État, durant la gouvernance de la «dernière transition». Les agents de la PNH, dont l’effectif est déjà bien en dessous du ratio, par rapport à la population, a dû répondre aux sollicitations exténuantes, dangereuses, éreintantes sans qu’ils soient exempts des privations relatives à la tenue récurrente de ces manifestations de rues. Le mouvement a traversé les agents de cette institution qui en a profité pour réveiller une vieille revendication de se regrouper en syndicat. Un grand sujet, donc, de débat quand on mesure le niveau de culture, d’expérience des membres de ce corps, et quand il faut, parallèlement, considérer leur grande frustration relative à leur traitement salarial, au déficit d’avantages sociaux… C’est fort de toutes ces considérations que le RDNP appelle, les uns et les autres, à faire preuve d’abnégation, de responsabilité, d’un certain sens de l’État, pour ne pas hypothéquer l’avenir de la Nation. Même machiavéliquement, la fin peut ne pas pouvoir, dans ces conditions extrêmes, justifier les moyens. Citoyennes et citoyens soucieux de l’avenir de la Nation, du progrès de la société : Ensemble, ensemble, ensemble, jusqu’à la victoire finale. Met men, pran desten nou an men.