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Le Nouvelliste

Jovenel Moïse, « trois ans après, c’est l’échec pur et simple sur le plan économique », selon l’économiste Enomy Germain

Feb. 12, 2020, midnight

« Suite aux nombreuses promesses faites à la nation, des engagements par-ci, par-là, les conditions de vie de la population haïtienne ne se sont pas améliorées. Concernant la croissance économique, l’emploi, la stabilisation de la conjoncture et l’équilibre extérieur, les résultats ne sont pas reluisants. Au contraire, la situation a empiré », a constaté Enomy Germain. Après trois ans au pouvoir, Haïti enregistre une croissance économique d’échec. De 2017 à 2019, le pays a enregistré en moyenne une croissance économique de « 0.2% ». Une économie haïtienne croissant à ce rythme est « une croissance insuffisante » qui va en inadéquation par rapport à la croissance de la population. Il s’agit d’un échec, à ce niveau, analyse-t-il, soulignant que l’inflation a aussi augmenté de 6 points en passant à 20,3 %.   Selon l’économiste, durant les trois ans de Jovenel Moïse au pouvoir, la gourde haïtienne a perdu 38% de sa valeur. Elle n’est plus une « réserve de valeur » depuis quelque temps, ce qui pousse les gens à épargner en dollars, comme pour évoquer une « dollarisation de l’économie haïtienne ». « Aujourd’hui, plus de 60% des dépôts du système bancaire se font en dollars américains. C’est une économie dollarisée de fait… », avance-t-il. S'agissant de l'emploi en Haïti, aucune institution n’est en mesure d'avancer véritablement de chiffres, puisque l'économie nationale fonctionne majoritairement dans le secteur informel. Aucune information sur la conjoncture économique. Une réalité qui n’arrange pas les investisseurs qui voudraient investir dans le pays, croit Enomy Germain, insistant sur le fait qu’en 2017, 1,3 million d’Haïtiens se retrouvaient en situation d’insécurité alimentaire, alors qu'en 2019, 3,7 millions sont concernés par cette réalité.  Encore un constat d’échec, d’après lui. « Trois milliards de déficit commercial, de 2017 à aujourd’hui… » Par ailleurs, l’économiste révèle qu’Haïti enregistre près de trois milliards de dollars de déficit commercial, de 2017 à aujourd’hui. « Le niveau de valeur de l’importation est évalué entre 4 et 5 milliards de dollars américains tandis que le niveau de celle de l’exportation est estimé à moins d’un milliard ». Il s’agit d’un énorme déficit puisqu'il s'agit d’une économie ayant un PIB estimé à 8 milliards de dollars.  Une réalité qui met le pays sur une pente difficile à l’extérieur, s'inquiète-t-il. Plus loin, Enomy Germain évoque les mauvaises décisions du pouvoir : « Caravane du changement avec son lot de dépenses. Tentative de l’Etat haïtien de libeller toutes les transactions en gourdes (provoquant une dépréciation de la gourde). Tentative d’augmentation des prix pétroliers sur le marché. Absence d’un gouvernement légitime… », a-t-il entre autres énuméré. S’il est vrai que les mauvaises décisions du chef de l’État ont contribué à la déchéance de l’économie nationale, il est aussi vrai qu’il existe  des éléments externes qui ont amené à l'aggravation de la situation. En ce sens, Enomy Germain souligne le fait, depuis plusieurs décennies, que nous avons une « économie de rente, une économie exclusive » profitable à des institutions. Pour s’excuser des faibles rendements au pouvoir, Jovenel Moïse impute souvent, dans ses multiples interventions publiques, la responsabilité à ce qu’il appelle le « système ». S’il est vrai que l’économiste admet, effectivement, que le mode d’organisation institutionnelle global est imperméable au changement, donc aux résultats, il souligne qu’il s’agit d’un « président qui avait pris le pouvoir avec ces informations en main…». Pour les deux ans restants, le président peut seulement arrêter l’hémorragie, en prenant de bonnes décisions. « On ne peut pas faire de l’économie avec la situation sécuritaire volatile que nous avons en ce moment », soutient M. Germain, se référant au phénomène du kidnapping qui prévaut. Voilà un autre élément qui, pour lui, aura de lourdes conséquences, à l’instar des semaines de « peyi lòk » sur l’économie nationale, puisqu’il est en train, en plus de décapitaliser des gens de la classe moyenne, de paralyser différents secteurs de l’économie.