Le Nouvelliste
Décès de Serge Gilles : parcours d’un militant de gauche
Feb. 5, 2021, midnight
Sénateur élu en 1990 pour deux ans, ancien candidat à la présidentielle de 2006, Serge gilles a consacré une cinquantaine d’années de sa vie comme militant de gauche dans la lutte pour l’émergence d’une nouvelle société en Haïti. Né à Maïssade en 1936, le jeune Serge fit ses études primaires et secondaires à Hinche et les classes terminales au lycée Alexandre Pétion à Port-au-Prince. Après une courte carrière comme professeur d’éducation physique dans les différents établissements d’enseignements secondaires à Hinche, il prit l’initiative de fonder un collège pour répondre à la carence de centres d’enseignements secondaires dans le Plateau central. Bénéficiant d’une bourse du gouvernement français en 1961, après la grève des étudiants en 1960 où François Duvalier renforça son pouvoir et entreprit de faire la chasse à ses opposants, il partit pour la France dans le but de parfaire ses connaissances pour mieux servir son pays. Baigné dans la multitude de cultures à Paris, Serge Gilles, en sa qualité d’étudiant boursier, rencontra des camarades du lycée Pétion et participa à toutes les activités en France en particulier, et en Europe en général, susceptibles d’ouvrir la voie à la lutte contre la dictature de Papa Doc. Des étudiants français, latino-américains et ceux d’autres continents qui partageaient des idéaux de gauche se retrouvèrent dans le giron de Serge Gilles. Bouleversé par les informations en provenance d’Haïti et fasciné par le triomphe de la révolution cubaine, Serge Gilles, en compagnie d’autres étudiants qui nourissaient le désir de se rendre à Cuba et attiré par les prouesses de Che Guevara, quitta la France pour se rendre à Cuba sous un nom d’emprunt en 1966. Deux ans de vie à Cuba pour apprendre la révolution afin de libérer Haïti des griffes de François Duvalier. Il se rendait à Cuba pour apprendre les principes et les méthodes de la lutte révolutionnaire, le maniement des armes. Tous les espoirs étaient permis dans l’esprit de Serge Gilles qui se retrouve à Cuba en compagnie de Che Guevara dans le pays de Fidel Castro. Dans ses mémoires, Serge Gilles expliqua qu’il admirait Che Gevara pour son sens de dépassement, la profondeur de ses idées, l’ampleur de ses connaissances, sa proximité avec les camarades représentait pour eux l’avenir. Après l’avoir côtoyé pendant un certain temps, il prit congé d’eux et c’est Fidel Castro qui annonça que Che était allé ouvrir d’autres terrains de lutte en Amérique latine. « Au moment où de nombreux camarades caressaient l’idée d’aller rejoindre le Che dans les montagnes, il est assassiné en Bolivie », mentionna Serge Gilles dans ses mémoires. Après avoir vécu deux ans à Cuba, Serge Gilles décida de rentrer en Haïti en faisant escale à Montréal. Il fut arrêté, jugé et emprisonné à Montréal pour possession d’explosifs et autres objets interdits. Expulsé après un an de détention, Serge Gilles retourna miraculeusement en France et y resta jusqu’en 1986. Dans l’euphorie du retour des exilés politiques, après la fin de la dictature de Jean-Claude Duvalier, Serge Gilles retourna au bercail. Il ne tarda pas à lancer un parti politique qu’il avait déjà fondé avec d’autres militants à l’étranger. Il s’agit de l’Inyon Fòs patryotik ak demokratik Ayisien (IFOPADA). Des divergences avec d’autres militants poussèrent Serge Gilles à quitter cette formation politique pour créer le Panpra (Parti national progressiste révolutionnaire haïtien). Avec ce nouveau parti, Serge Gilles prit part avec d’autres partis de gauche à une série d’initiatives et d’activités politiques de 1987 à 1990. Le PANPRA se retrouva au sein du Groupe 57 qui s'était opposé au décret du 22 juin 1987 du Conseil national de gouvernement qui plaça le Conseil électoral provisoire sous la tutelle du ministère de l’Intérieur et de la Défense nationale. C’est ce Groupe 57 qui fit choix de Gérard Gourgues comme candidat à la présidence du Front national de Concertation. Dans une coalition avec le MNP28 et le Mouvement pour l’instauration de la démocratie en Haïti (MIDH), l’Alliance nationale pour la Démocratie et le progrès (ANDP) vit le jour en 1989. En 1990, cette coalition qualifiée de contre nature (droite et gauche) se lança aux élections du 16 décembre 1990 avec Marc Louis Bazin comme candidat à la présidence. Jean-Bertrand Aristide sortit vainqueur de la présidentielle. En 1999, avec la crise politique qui éclata avec la fin du mandat de la 46e législature, le PAMPRA s’affirme au sein de l’Espace de Concertation. En 2005, le PANPRA et le KONAKOM, en tant que deux membres de l’International socialisme, acceptèrent de créer la Fusion des sociaux démocrates et Serge Gilles devient candidat son candidat à la présidence. N’ayant pas obtenu pas gain de cause, le leader Serge Gilles prit sa retraite après cette défaite électorale en 2006. Depuis, Serge Gilles ne prend plus de position publique jusqu’à sa mort le lundi 1er février 2021 après une courte maladie. lbonneau@lenouvelliste.com