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Le Nouvelliste

La malnutrition, les PVVIH et les enfants : ce que risque Haïti face à la Covid-19

May 22, 2020, midnight

La malnutrition est un état caractérisé par les carences, les excès ou les déséquilibres dans l’apport énergétique et/ou nutritionnel d’une personne. De cette définition, le Dr Jean Gabriel Balan, dans une entrevue exclusive accordée au quotidien Le Nouvelliste, note qu'il en découle deux groupes d'affections : la dénutrition, d'un côté, et, de l'autre côté, le surpoids, l'obésité et les maladies non transmissibles liées à l'alimentation. S'agissant du surpoids, de l'obésité et des maladies non transmissibles, les données épidémiologiques ont établi les impacts néfastes de la Covid-19 sur cette catégorie, notamment dans les pays développés. Face à la menace imminente du grand nombre d'Haïtiens qui risquent de se retrouver en situation d'insécurité alimentaire, les cas de malnutrition aiguë par carence (dénutrition) qui vont inextricablement suivre la même courbe sont en passe de devenir l'un des groupes les plus à risque dans le cadre de cette pandémie. "Quand le corps est attaqué par une infection comme la Covid-19, l'organisme produit des anticorps pour se défendre. Cela explique pourquoi certaines infections attaquent le plus souvent ceux qui ont un système immunitaire faible. Avec la malnutrition par insuffisance d'apport, le corps va se retrouver dans l'impossibilité de produire les protéines dont il a besoin pour se défendre, et la Covid-19 pourra faire beaucoup de dégâts dans ce cas", relate le Dr Jean Gabriel Balan, pédiatre, expert en nutrition et en pathologies infectieuses. "D'une relation de cause à effet, la Covid-19 aura de graves impacts sur les dénutris", estime le Dr Balan qui a dirigé des travaux sur le sujet. Par ailleurs, il admet que nous aurons du mal à répondre convenablement aux dégâts causés par la Covid-19 sur les dénutris. Le médecin croit que "les programmes de lutte contre la malnutrition ne peuvent être élaborés du jour au lendemain". Dans la même veine, Dr Balan souligne la problématique de la disponibilité des données liées au fait que les "pays développés" n'ont pas beaucoup de cas de malnutrition par insuffisance d'apport et, par conséquent, il y a peu de données sur l'impact de la Covid-19 sur cette catégorie. Cependant, puisque la dénutrition attaque généralement le système de défense de l'organisme, il n'y a pas l'ombre d'un doute sur le fait que les malnutris par carence constituent un groupe à risque. Les PVVIH doublement affectées par cette pandémie Les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) qui ne prennent par leurs médicaments représentent un groupe à risque de premier plan face à la pandémie Covid-19 parce que "le VIH tend à entraîner une immunodéficience empêchant à l'organisme de se défendre normalement face au SARS-COV-2." Dr Jean Gabriel Balan, professeur de pédiatrie à la faculté de médecine de l'UEH, souligne un autre aspect qui précipite les PVVIH qui ne sont pas sous traitement dans une catégorie de personnes à haut risque. Cela s'explique par le fait que "la malnutrition et le VIH sont des jumeaux siamois", selon le professeur qui, en septembre 2010, avait dirigé une étude sur "l'évaluation de l'état nutritionnel chez les PVVIH". Plus loin, il affirme que la malnutrition par insuffisance d'apport aggrave la situation sanitaire des PVVIH, ce qui risque d'arriver en ce temps d'insécurité alimentaire. "Une personne dénutrie ne pourra pas produire suffisamment d'éléments de défense pour résister au VIH." Sous un autre angle, "une fois le VIH commence à se multiplier rapidement dans l'organisme, il sera très difficile pour cette personne de produire les anticorps nécessaires à sa défense. Augmentation du métabolisme, complications intestinales et les facteurs psychologiques ont tendance à garder les PVVIH dans un état de dénutrition sévère", rappelle le Dr Balan. "PVVIH et insécurité alimentaire au temps du coronavirus risquent de déboucher sur un cocktail explosif." Pour y remédier, le professeur, mentor clinique I-Tech qui gère une partie des données en santé du pays, exhorte les PVVIH à prendre leurs médicaments. Il demande également aux autorités de mettre en place des programmes ciblés au bénéfice de cette catégorie. Des mesures drastiques pour protéger les enfants Environ 65 500 enfants de moins de 5 ans en 2019 souffraient de malnutrition aiguë dans les zones touchées par la sécheresse. Aux grands maux les grands remèdes, le pédiatre propose aux autorités d'élaborer des messages de sensibilisation à l'attention des femmes enceintes pour "un allaitement maternel exclusif des enfants de moins de 6 mois durant cette période." En agissant de la sorte, le nouveau-né aura beaucoup de vitamines pouvant l'aider en ce temps de famine qui pointe à l'horizon. Instructeur clinique au service de pédiatrie de l'HUEH, Dr Balan propose également de renforcer les unités de nutrition dans les services de pédiatrie. Il conseille aux adultes de consommer les vitamines A, D et C. L'instructeur clinique recommande à la population de manger beaucoup de fruits et de légumes en vue d'amoindrir les effets dévastateurs du virus qui profite souvent d'un organisme avec un système immunitaire faible. "Les mesures de prévention sont capitales, il faut indubitablement les appliquer. Cependant, il est difficile d'arrêter la progression du virus à ce stade. Avec le temps, on peut s'adapter et la Covid-19 pourra prendre une forme moins sévère qu'avant, mais la maladie est là et cause des dégâts. Il est temps de nous préparer mentalement et d'utiliser les moyens qui sont à notre disposition pour éviter la catastrophe annoncée", déclare, de manière péremptoire, le professeur Jean Gabriel Balan.