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Le Nouvelliste

Taipei : l’histoire au menu du premier jour…

Oct. 21, 2019, midnight

Samedi 5 octobre, 6 heures du matin. Le pilote d’Eva Air annonce l’atterrissage à Taipei, la capitale de la République de Chine. Aussi exténuante que fut la traversée vers l’île sœur de Taïwan, 19 heures depuis Port-au-Prince en passant par New York, elle n’entame en rien l’envie d’humer la ville. Le temps de passer les contrôles de santé et de l’immigration, sans visa mais avec un billet retour en poche, un soleil doré s’est levé sur un paysage bucolique, une végétation dense, quasi tropicale sur le chemin du Grand Hôtel, une  majestueuse pièce de l’architecture chinoise. Le rouge éclatant de l’hôtel autant que son architecture attirent comme de puissants aimants depuis l’autoroute. Sur des kilomètres à la ronde, il est impossible de rater la toiture et les immenses colonnades de ce « must see » au pays de Chiang Kai-shek, militaire, nationaliste qui a dirigé et forgé Taïwan entre 1928 et 1975. Les touristes, à peine descendus de leurs autobus, se bousculent, dans une charmante cacophonie linguistique pour un non-Asiatique afin de prendre un « selfie », d’écrire une page de leur histoire  personnelle, en ce lieu mythique, entre les dorures du plafond de l’hôtel et ce gros bouquet d’orchidées rose fuchsia posé dans le hall, en face du lobby. Le check-in est rapide d’autant que je suis attendu en invité de Taïwan. Le premier déjeuner est copieux et vite expédié. Un « domi poul » est vite interrompu par le hurlement du téléphone. Pas de répit. Le fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères, hôte d’un groupe de journalistes de près d’une vingtaine de pays dans le monde, donne le là d’un programme chargé pour s’imprégner de l’histoire, de la gastronomie, de la culture de Taïwan qui mise gros sur l’amitié avec d’autres États face à Pékin. L’histoire au menu du premier jour… La visite du Da Dao Cheng et le muséum 207 offrent une immersion, à pied, dans une ancienne rue marchande de la ville. L’humidité, la chaleur, les premières sueurs dégoulinent, tombent dans un petit tourbillon de touristes dont beaucoup d’Occidentaux. Autour du Da Dao Cheng, un temple où l’on prie pour trouver l’amour, l’âme sœur, le bonheur, toutes les utopies comme tous les besoins, l’odeur de l’encens brûlé, du thé, du poivre broyé se répand. Palper Taipei est aussi visuel qu’olfactif. Quelques blocs plus loin, la guide touristique s’arrête, branche son petit speaker portatif et conte l’histoire d’un vieux commerce d’ananas, l’un des produits, à côté du thé qui, jadis, avait fait la fortune du pays avant le saut industriel et technologique de Taïwan capable, en dépit des temps difficiles, d'exporter pour plus de 300 milliards de dollars oui trois cents milliards de dollars (Haïti peine à exporter pour un milliard de dollars l’an) en a et importé pour quasiment autant. Il y a l’arrêt à ce premier musée, « le musée 207 ». Le fonctionnement  est financé exclusivement par une femme, une mécène habité par le souci de préserver, de valoriser le patrimoine bâti, les us, les coutumes, le  mode de vie des gens d’ici. Les anciens, ainsi, ne sont jamais morts. Le musée, qui se visite gratuitement, conserve des bouts du passé, les techniques de fabrication de médicaments, de glace pour lutter contre la chaleur. Une nouvelle vie est insuflée aux vieux objets, aux anciennes maisons. Le souci de transmission des savoirs, des connaissances est permanent, surprenant et blessant pour un Port-au-Princien qui vit dans  une capitale presque sans mémoire, orpheline d’envie, de volonté  de préserver d’anciens quartiers, de collecter, conserver, chérir et d’exposer des vieux trésors, ne serait-ce que dans un musée privé. La vie des vieux résidents de Port-au-Prince qui aura 300 ans dans quelques décennies ne passionnait que feu Georges Corvington. Peu de gens veulent laisser des traces, peu de gens sont décidés à construire l’attachement à la ville à travers et par son histoire. Triste. De retour de cette escapade pleine de si, une évidence s’impose. Cette rue de Taipei, l'odeur des commerces, ses habitants, entourés de gratte-ciels, racontent quelque chose qui n’a pas prix, l’authentique simplicité d’un peuple qui semble n’avoir jamais coupé le pont entre le passé et le présent. À moins d’une quinzaine de minutes plus à l’est de la ville, s'impose autre incontournable, le musée Chiang Kai-shek, un jardin propice à la méditation et un complexe imposant, comme le musée du palais qui raconte bien plus que le temps de la rupture avec Pékin, l’histoire des différentes dynasties chinoises. Au musée de Chiang Kai-Chek, les photos de ce dernier avec des homologues prestigieux dont les présidents américains Roosevelt, Johnson entre autres, des lettres, des vêtements, les véhicules de cet homme d’État sont croqués par des yeux avides de savoir.   Parmi ces photos, figurent celles de Chiang Kai-chek recevant, avec un sourire, un respect et une profonde révérence le certificat du premier président élu de Zhou Zhong-yue, de l’Assemblée nationale, le 20 mai 1948. Il a semblé être en pleine conscience qu’il fallait aménager sa place dans l’histoire. Un jour à la fois, une œuvre d’intérêt collectif à la fois…. Plus au nord, un autre jour, c’est la synergie parfaite entre les pouvoirs publics, des entreprises et universités pour mettre la recherche, le développement technologie au service de la création de richesses que les Tawainais appellent leur Silicone Valley...