Le Nouvelliste
Faire face au Covid-19 en Haïti : les propositions du Dr Ronald Laroche
April 7, 2020, midnight
Le coeur de la stratégie qu'il propose repose sur deux paradigmes : 1- sur un alignement de la réponse à apporter à l'épidémie au niveau des structures de soins publiques et privées ; 2- sur un financement de cette réponse selon le volume des soins offerts à la population par les établissements publics et privés impliqués. Certains spécialistes en santé publique ont émis des doutes sur la controverse que peut susciter le "port du masque part tous" dans un contexte où le gouvernement haïtien demande à la population de rester confinée pour contenir la vague de cette pandémie. A défaut d'une communication suffisamment limpide capable d'enrayer l'ambiguïté ambiante sur le sujet, le Dr Ronald Laroche, spécialiste en santé publique, propose le port obligatoire du masque en lieu et place du confinement. «Cette stratégie vient en lieu et place de celle du confinement obligatoire. Si l'objectif en effet est de contrecarrer la transmission du virus par contacts humains, il est plus aisé d'obtenir ce même résultat par le port de masques», a t-il expliqué dans son document de proposition avant de mettre l'emphase sur le fait que "les retombées économiques de cette stratégie seraient considérables car elles permettraient la reprise ou la poursuite normale des activités productives dans le pays." Le port obligatoire du masque doit être néanmoins complémentaire des autres préceptes tels que ne pas se serrer les mains, ne pas tousser ou éternuer ouvertement ou éviter les rassemblement inutiles, selon le président directeur général du groupe DASH. Toujours dans le chapitre de prévention, le professeur d'économie de la santé à l'Université d'État d'Haïti propose de "se désinfecter les mains à l'eau chlorée avec des vaporisateurs. Cette stratégie diffère de celle du lavage des mains car elle implique l'utilisation d'une quantité minimale d'eau et de savon en lieu et place des seaux d'eau." Réponse curative ambulatoire Beaucoup de structures hospitalières doivent être impliquées dans la prise en charge des cas ambulatoires. Cependant, concernant la protection du personnel, le pdj du groupe DASH propose aux autorités sanitaires d'émettre un appel à intérêts et d'ouvrir un registre d'inscription dans les 10 départements. Seules les institutions publiques du MSPP et celles privées régulièrement inscrites auprès de la Direction d'organisation des services de santé du MSPP (DOSS) seront éligibles. Les autorités sanitaires doivent mettre à la disposition des centres hospitaliers impliqués dans la prise en charge ambulatoires un protocole thérapeutique établi, qui comprendrait les examens paracliniques et les médicaments à fournir dans le cadre de cette prise en charge. Aussi, un forfait devrait être accordé à ces structures de première ligne suivant un modèle de financement basé sur les résultats en vue de faire face aux nombreux cas de Covid-19. Cela viendrait, selon le Dr Ronald Laroche, en complémentarité du budget normal de fonctionnement de la structure qui, parallèlement, devrait poursuivre sa mission de fournir les soins en médecine générale à la population. Réponse curative hospitalière Comme pour la prise en charge ambulatoire, pour les éventuels cas suspects qui nécessiteront une hospitalisation, il faut lancer également un appel à intérêts. «Les institutions publiques et les institutions privées retenues seraient équipées de tout le matériel et l'équipement sélectionné par les autorités établies et auraient pour mandat de réunir le personnel adéquat afin de répondre au service à la population durant toute la période de l'épidémie", propose le Dr Laroche, qui a fait ses études de santé publique à Yale University et Harvard University. «Ces institutions feront appel à tout le personnel médical et paramédical éligible mais aussi aux étudiants de toutes les écoles de médecine et d'infirmières ainsi qu'au volontariat pour compléter leur effectif. Les habits de protection du personnel traitant seraient aussi tenus à leur disposition», a fait savoir le spécialiste en économie de la santé, qui souligne que le financement des soins fournis à la population serait fait selon un barème forfaitaire journalier mis à la disposition des institutions publiques et privées impliquées dans la réponse au Covid-19. La bonne gouvernance Pour éviter que le Covid-19 débouche sur un autre scandale de corruption, il faut mettre l'accent sur la bonne gouvernance. «Cette réponse stratégique à la problématique du coronavirus serait gouvernée par le MSPP et ses directions départementales des 10 départements», a avancé le Dr Ronald Laroche en vue d'éviter toute confusion sur la gestion des fonds. «La logistique serait assurée dans chaque département par un comité de gestion composé à parts égales des représentants des structures de soins publiques et privées. Ce comité coordonnerait l'assemblée des prestataires de soins qui serait composée de la totalité des institutions prestataires publiques et privées membres. Des comités sectoriels complémentaires seraient constitués pour accompagner le comité de gestion dans chaque département dans ses différentes fonctions, dont la communication et les suivis statistiques des activités», a conclu le directeur du plus grand système de soins privé du pays. Les fonds alloués aux prestataires publics et privés de soins pour la gestion de l'épidémie de coronavirus devraient être gérés, insiste-t-il, par une institution fiduciaire qui garantirait que les engagements pris par l'Etat seraient respectés. Interrogé sur les institutions fiduciaires crédibles, le Dr Laroche avance les noms de l'OMS/OPS et celui de la banque centrale. Le Dr Laroche conçoit enfin qu'un système d'audit pour les soins fournis devrait être établi et que les paramètres pour ce système seraient disponibles dans le document exhaustif de la réponse sanitaire qu'il propose. Dès lors on se pose la question : pourquoi le Dr Laroche n'a-t-il pas été retenu pour faire partie du Comité scientifique mis en place par le ministère de la Santé publique et de la Population ?