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Le Nouvelliste

Curieux propos d’un homme traqué

Oct. 15, 2019, midnight

Dans l’allocution du président Jovenel Moïse et ses réponses aux questions des journalistes, quelques offenses au bon sens, quelques propos extrêmement réactionnaires, quelques mensonges et omissions. L’effet immédiat de sa prise de parole, la fin de l’accalmie dans les rues. Des gens meurent et le président se tait alors que sa fonction exige qu’il se prononce. Quand il parle, les effets de ses propos sont de reconstituer les conditions pour que d’autres meurent. Quand un président ne peut ni parler ni se taire, il préside à quoi ?Deux offenses à la dignité humaine.La première est conjoncturelle. Le plus grave, c’est la mort. Dans sa première phrase, le président a parlé des personnes hospitalisées et des pertes de biens. Il n’a pas mentionné les morts, renouvelant l’impression que ces morts ne le touchent pas, et que d’autres décès, d’autres exécutions ne changeront rien à sa position de s’accrocher au pouvoir.La deuxième est historique. En voulant jouer au professeur de philosophie historique, Jovenel Moïse nous fait savoir que, selon lui, le 7 février 1986 n’a servi à rien. Cela ne sert à rien quand un peuple chasse un dictateur et retrouve le droit à la parole et celui de choisir ses dirigeants ! Et pourquoi pas 1804 ? Pourquoi pas 1946 ? Le 7 février 1986 est une date historique. Ce n’est pas parce qu’une bande de néo-duvaliéristes, PHTK et consorts, veut en détruire les acquis qu’on doit la banaliser. Justement, Martelly/Moïse/PHTK, c’est cette volonté de revenir aux méthodes et aux pratiques de l’avant 7 février 1986 : l’Etat est à nous, notre bien, notre jouet, nous en faisons ce que nous voulons. Justement, c’est au nom des acquis du 7 février que le peuple est dans les rues et demande la fin du règne PHTK. Et Jean-Claude Duvalier, sans vouloir le défendre, a posé au moins un acte digne d’un homme politique dans sa vie. Conspué, ne pouvant plus diriger, il a démissionné. Quand un dirigeant politique ne peut plus diriger, a perdu toute influence et toute crédibilité, son devoir est de démissionner.Une offense à l’intelligence : Jovenel Moïse, ennemi du système.Depuis la chute de Jean-Claude Duvalier a-t-on vu pareil degré de corruption chez des dirigeants politiques ? Les fortunes personnelles de tel parlementaire PHTK, de tel dignitaire PHTK n’ont-elles pas augmenté dans des proportions incroyables ? Des membres et amis du pouvoir n’ont-ils pas été indexés dans des affaires de corruption ? Jovenel Moïse lui-même ? Le système, c’est cette corruption en accord avec une partie du secteur des affaires. Le système, c’est, pour ceux qui détiennent le pouvoir politique, de laisser faire et de s’enrichir. Le système, c’est ce partage honteux de l’argent de la République par le Parlement et la Présidence qui a été la marque des propositions de lois budgétaires du pouvoir PKTK.Jovenel Moïse a soudain découvert l’existence de l’injustice sociale, des inégalités. Volte-face d’un néolibéral primaire, ou coup d’épée dans l’eau. La ruse ne trompe personne. Le PHTK c’est l’étalement des richesses acquises dans les conditions idéales pour le prolongement de ce système d’injustice sociale. Quand on est le poulain de Michel Martelly et de ceux qui réclament le droit d’exploiter les travailleurs en toute tranquillité, il faut avoir perdu ses esprits ou nous prendre pour des imbéciles pour vouloir se présenter comme ennemi du « système ».Ce système, monsieur le Président, le peuple vous considère comme son représentant. Et votre départ qu’il réclame, il le considère comme la nécessité concrète et symbolique qui permettra le long chemin de la sortie. Si vous êtes serviteur du peuple et voulez contribuer à la lutte contre le système, vous n’avez plus qu’un geste à faire.