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Le Nouvelliste

Les 12 personnalités de 2020

Dec. 29, 2020, midnight

Rogavil Boisguéné Les institutions indépendantes instituées par la Constitution de 1987 sont de plus en plus rares à être indépendantes, autonomes et fonctionnelles. La Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif fait partie de la courte liste de ces organes qui sont en capacité et qui font leur travail. Sous la présidence de Rogavil Boisguéné, sans être en opposition à l’exécutif, comme certains semblent le croire, la Cour des comptes a joué son rôle d’institution de contrôle. Sa liberté et le courage de ses membres ont courroucé les chefs qui, par décret, ont modifié la loi qui régit depuis des années le fonctionnement de cette institution. Comme une mise en garde aux autres institutions indépendantes, la brimade infligée à la Cour a refroidi d’autres velléités. De plus en plus, les institutions indépendantes s’alignent sur les besoins et désirs de l’exécutif haïtien. Dr Patrick Dely L'année 2020 a été marquée de bout en bout par la Covid-19. Des premières rumeurs d'une pandémie mortelle partant de Chine vers le reste du monde au diagnostic des deux (2) premiers cas en Haïti, le 19 mars 2020, des professionnels de la santé ont été mobilisés à tous les niveaux de la chaîne de soins. Le Dr Patrick Dely, directeur de l'épidémiologie, des laboratoires et de la recherche au ministère de la Santé publique et de la Population, se distingue par son expérience, son expertise et sa technicité. Travaillant dans l'ombre, le chef de l'épidémiologie en Haïti, qui a occupé également le poste de Coordonateur de la cellule scientifique de la gestion de la crise Covid-19 en Haïti, a été au centre de tous les mécanismes de réponse. Bulletin journalier d'information, recommandations de la cellule scientifique, plan de préparation et de réponse du MSPP, surveillance frontalière, le Dr Patrick Dely a été le dénominateur commun de toutes ces initiatives qui ont permis au pays de gérer relativement bien cette pandémie qui semble ne pas avoir encore dit son dernier mot. Darline Desca La grande dame de la musique haïtienne en 2020 est incontestablement Darline Desca. La chanteuse a tout fait pour reconstruire son image, changer son répertoire, se positionner sur le créneau charme. Darline Desca a su mettre à profit les difficiles conditions de la pandémie pour travailler un spectacle et livrer l’une des performances live remarquées pendant la période. Avec Roody Roodboy en duo, sur scène pendant les spectacles, sur les réseaux sociaux ou dans la vraie vie, Madame Desca est vraie et affronte les difficultés les yeux ouverts. Elle prend aussi le temps de raconter son parcours et ses choix, ce qui lui a offert une première place en cette année particulière. Monferrier Dorval Le bâtonnier de l’ordre des avocats de Port-au-Prince Monferrier Dorval a été exécuté chez lui, le 28 août 2020. Depuis, l’enquête n’avance pas en dépit des démarches de barreaux du monde entier et des pressions de ses pairs avocats en Haïti. Le gouvernement n’a pas donné suite aux offres de coopération internationale et ne pousse pas pour que la police et la justice haïtiennes fassent leur travail. Emblématique, le cas Dorval rejoint la longue liste des enquêtes qui se poursuivent sans suite et le bâtonnier côtoie les innombrables victimes de massacres et d’actes d’insécurité qui endeuillent le pays sans que justice soit rendue. Jean Baden Dubois Le gouverneur de la Banque de la République d’Haïti (BRH) a eu la lourde tâche de défendre la gourde en 2020. Pour la première fois de l’histoire depuis un siècle, la monnaie nationale a été au plus bas face au dollar américain, près de 125 gourdes pour un dollar, avant de passer à 60 gourdes pour un dollar, après la plus forte appréciation de l’histoire de la gourde sur une très courte période. Dans la même année, la BRH a tenté de dompter les marchés formel et informel des changes, de pénaliser les banques privées et d’aider le ministère du Commerce et de l’Industrie à imposer l’affichage des prix en gourdes. La tâche est d’autant plus difficile que la réalité du marché s’oppose aux désirs des autorités. La banque centrale ne pourra pas seule résoudre, avec des mesures réglementaires, les problèmes de l’économie haïtienne. 2020 l’a prouvé, si cela était nécessaire. Jean Baden Dubois et la BRH ne pourront pas seuls sauver la gourde ni l’économie nationale ; sans des études sérieuses préalables pour cerner toutes les réalités de chaque secteur et sans la coopération générale des acteurs de la machine gouvernementale et étatique. On risque de passer des grands déséquilibres à des impacts négatifs sur des secteurs importants de l’économie sans produire des gains durables pour le pouvoir d’achat des plus vulnérables. D’autant que l’économie haïtienne enchaîne ses plus mauvaises performances depuis les années du coup d’État (1991-1994). Enposib Comme Darline Desca, Enposib, avec un succès populaire extraordinaire, s’est imposé en 2020. Il faut dire que la bande à Medjy ne s’est pas reposée pendant le confinement et a pris la route aussitôt que les bals ont repris en province. Contrairement aux autres groupes qui se sont économisés, Enposib a même lancé un nouveau CD et un clip vidéo en 2020. Le public ne s’est pas fait prier pour dérouler le tapis rouge partout où le groupe était à l’affiche. Succès plus foules ont parsemé les prestations de Enposib, groupe phare en cette année 2020 vraiment impossible. Si depuis 2010 le compas espérait l’émergence d’un groupe jeune, avec Enposib, la porte est ouverte. Que le groupe écrive de belles pages dans l’histoire du compas direct ! Dr Paul Farmer Le Dr Paul Farmer, médecin, anthropologue et professeur à l’université Harvard, est l’homme derrière l’organisation non gouvernementale Zanmi Lasante (Partners in Health). Implantée en Haïti et dans plusieurs pays similaires au nôtre. Après avoir pris naissance à Cange, dans le Plateau central, Zanmi Lasante a su grandir, s’étendre et être à la pointe des soins de santé de qualité dans ses domaines de prédilection. En plus des nombreux prix et distinctions décrochés par le Dr Farmer lui-même, l’ONG a su mener l’hôpital universitaire de Mirebalais aux premiers rangs mondiaux de la formation universitaire pour médecins et a été la première réponse en Haïti pour la Covid-19. Le personnel de santé de Mirebalais a su donner l’exemple à tout le monde médical du pays pendant la pandémie et délivrer des soins adéquats aux patients. Aujourd’hui encore le Dr Paul Farmer et ses équipes sont aux aguets pour la réponse Covid. Eric Jean-Baptiste Leader politique, chef du Rassemblement des démocrates nationaux progressistes (RDNP), parti de feu Leslie et de Mirlande Manigat, homme d’affaires, candidat malheureux à la présidence, Eric Jean Baptiste s’est forgé une stature de leader modéré en 2020. Profitant de la pandémie de Covid-19, il s’est engagé dans une campagne massive de prévention visant toutes les couches de la population et dans tous les départements. Distribuant conseils, masques et gallons de gel, avant les pouvoirs publics, Eric Jean Baptiste a été à la pointe de la bataille contre le coronavirus. Il s’est aussi impliqué dans le financement de divers projets d’intérêt public, dont l’Ecole de droit de Jacmel. Plus que la politique, il est devenu un acteur du social. Me Samuel Madistin Le secteur des droits humains a été très sollicité en 2020. Ce qui n’est pas un bon signe pour la santé démocratique du pays. Pour enquêter sur les massacres, pour dénoncer les dysfonctionnements de la justice, pour interpréter les décrets et arrêtés pris par l’exécutif en violation des lois en vigueur, pour indexer les autorités en contravention avec les limitations de leurs fonctions, il n’y a pas mieux qu’un rapport d’un organisme de défense des droits humains. Un organisme peut se tromper, plusieurs finissent par dessiner les contours de la vérité quand on croise leurs informations. Sur le terrain, si plusieurs institutions se démarquent, cette année la Fondation Je Klere (FJKL), dirigée par maître Samuel Madistin, a émergé du lot. Victime de violence policière, son cabinet a été incendié, objet de menaces de toutes sortes, la fondation conduite par l’ancien député, ancien sénateur et ancien candidat à la présidence continue de tracer son chemin. Madistin met tout son talent d’avocat au service des droits humains et la passion de sa flamme éclaire le débat d’une lumière nouvelle. Jovenel Moïse En difficulté en 2019, le président Jovenel Moïse a su faire le dos rond, attendre des jours meilleurs, remonter la pente, diviser ses opposants et passer à l’attaque. Le président a géré sans trop d’erreurs la crise de la Covid-19 en 2020, il a repris la main au niveau politique, promis sans rien donner de consistant à la classe politique, il a attaqué de nouveaux acteurs économiques et a mis en branle une redistribution des cartes dans des secteurs lucratifs de l’économie. Sans trop se soucier de ce qui ne marche pas, le président met tout son poids sur deux grands projets : l’électrification de tout le territoire et la construction de routes. Tout en multipliant les décrets « liberticides et autoritaires », le président semble conduire la communauté internationale à accepter son agenda de changement de constitution et d’élections générales le plus tard possible en 2021. Pour le moment personne ne peut dire jusqu’à quand durera la baraka de Jovenel Moïse, il se contente d’agir et de compter les mois qui passent en préparant sa succession. Le déficit de démocratisation est son talon d’Achilles. Avec le Venezuela, Haïti partage le pire bilan dans les Amériques. Naomi Osaka Athlète féminine de l’année aux États-Unis d’Amérique, adulée au Japon, sportive la mieux rémunérée au monde, Naomi Osaka n’a pas coupé pour autant ses liens avec Haïti. Elle est même revenue en 2020, auréolée de toute sa gloire, se ressourcer au pays des ancêtres de son père et elle continue de vanter nos plages, la douceur de vivre en Haïti, son amour de la cuisine haïtienne. Naomi Osaka affiche sa part d’Haïti sur les réseaux sociaux où elle est suivie par des millions de followers. Elle fait la meilleure des publicités pour la destination Haïti. Pour ne pas être seulement une people de passage, Naomi Osaka participe à maintenir en vie un centre d’apprentissage du tennis dans le Sud-Est d’Haïti. Espérons que toutes les célébrités qui ont une once de sang haïtien dans leurs veines feront autant qu’elle avec la nouvelle décennie qui s’ouvre.  Carel Pèdre 2020 a été l’année du virtuel et des médias en ligne. Une personnalité de la radio a su faire la transition en douceur mais avec professionnalisme : Carel Pèdre. Depuis 2010, il est le premier visage des réseaux sociaux en Haïti, le premier qui a mis ses émissions sur le net, le premier qui a cherché à transformer son statut de personnalité de la radio en icone du net. En 2020, avec sa promotion efficace pour attirer le public et sa plateforme de diffusion des live, Carel Pèdre a sauvé la mise pour la musique haïtienne et ouvert la voie à d’autres chapitres du monde culturel qui ont eu recours à la diffusion sur le net en général et à partir des réseaux sociaux en particulier. En 2020, Carel Pèdre a été le premier à lancer la mode des live (gratuits et payants) pour permettre à nos artistes de rester en contact avec le monde et avec leurs fans. En 2010, il avait été le premier à mettre le monde au courant de la réalité du séisme du 12 janviergrâce à sa présence sur Twitter inconnu à l’époque du plus grand nombre. Dix ans plus tard, Carel Pèdre continue d’innover et de changer la face des médias en Haïti. Frantz Duval