Le Nouvelliste
La confusion des valeurs érigée en norme sociale.
Feb. 3, 2020, midnight
Il est arrivé le moment fatidique, crucial, où nous devons écrire l’histoire de la période de l’après-février 86, de l’expliquer, de l’analyser, de la regarder en face, sans nous nous entredéchirer de nouveau, pour que nous puissions arrêter de creuser l’abîme et en sortir. Jamais, dans notre histoire de peuple, la crédibilité des institutions, et de ceux qui en sont responsables, n’a été aussi corrodée, avilie, ruinée. Nous avons, certes, connu diverses périodes de décadence, de renaissance, de rupture, de continuité, d’ordre, de désordre, mais, jamais l’effondrement des valeurs n’a été si profond, si déchirant, si angoissant… Nous pouvons l’appeler comme nous voulons, «dernière transition», «changement de système» ; l’essentiel, il nous faut arrêter de creuser, pour marquer la rupture avec un certain ordre de choses, pour travailler inlassablement à la renaissance de cette Nation. Il ne suffira pas de faire de vieux compromis ou réaménagements politiques pour brûler quelques têtes, de faire des procès bâclés pour sacrifier quelques boucs émissaires car la société haïtienne, pour une large part, est traversée par une faille profonde sur laquelle il faut jeter un pont, s’il peut s’avérer difficile de la combler au plus vite. On peut aisément la faire remonter à l’assassinat lâche, crapuleux, en 1806, de l’Empereur Jean Jacques Dessalines car, depuis cette abomination, nous traînons la mauvaise conscience d’une Nation dégénérée, corrompue, trahie par ses élites. L’enchaînement des fautes politiques, pour nous du Rassemblement des démocrates, nationaux, progressistes (RDNP), ne suffit pas, à lui seul, à expliquer cet effondrement presque total du pays. Il y a un effondrement plus grand, plus profond, celui de toutes les valeurs qui a frappé la population entière. Cet effondrement des valeurs - qui devraient intégrer le patrimoine immatériel de la Nation - se répercute dans cette crise sociopolitique actuelle donnant tous les signes d’une crise spirituelle profonde au sein de la société. Cette crise actuelle constitue la résultante évidente de cette perte graduelle et progressive des relations, des comportements, des attitudes, des jugements de valeur, qui devraient construire, soutenir, maintenir l’équilibre de la Nation, de la société. Ces valeurs qui se transmettent par la voie de l’éducation au sein de la famille, première cellule de la société. Il paraît aberrant que nous puissions, pendant plus de deux siècles, demeurer engagés, sans issue, dans des dérives, des perversions, des abominations, des apatridies, des impérities. Engagés dans «l’effort dans le mal», pour parodier Anténor Firmin. Comment expliquer qu’un peuple, descendant des guerriers de lumière du monde antiesclavagiste, puissent accepter l’inacceptable condition de leur inhumanité; que des rejetons d’hommes valeureux, dignes, fiers puissent se vautrer dans la lâcheté, la misère, la vilenie, la corruption; que des filles et fils de Bâtisseurs de Nation puissent sombrer dans la mendicité, l’oisiveté, la déchéance au lieu de s’accrocher à la noblesse de leur origine? Qu’est-ce qui a pu nous rendre si vains, si méprisables, aux yeux de nos éternels contempteurs, si ce n’est cet effondrement des valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité qui devraient constituer le ciment de notre société, enrichir, ennoblir notre Nation? Il nous faut admettre que cette société est plongée dans la plus grande confusion des valeurs, des sentiments, érigée en norme sociale, et qui nous vaut de nous écarter des objectivités sociales de la vérité et de la morale. Les «bandits légaux» imposent leur autorité bien plus que les soi-disant responsables de l’État. La compétence et l’honnêteté tremblent face à l’intrépidité de la médiocrité et de la crapulerie. La voyoucratie et l’impudicité sont le seul tremplin à la gloire et à la reconnaissance sociale. Le mauvais sort fait à un criminel soulève plus d’indignation des défenseurs de droits humains que les martyres subis, dans leur chair, dans leur âme, par les habitants des fiefs de bandits armés. Les citoyennes et citoyens honnêtes s’écartent de la politique pour faire place nette aux plus intrépides des trafiquants, des dilapidateurs de fonds publics, des voleurs, des criminels, des récidivistes. Le bien commun est approprié et partagé, sans gêne, par un petit groupe d’ayant-droit. L’espace public est confisqué en vertu de la raison du plus fort… Nous, guerriers de lumière du RDNP, n’entendons pas baisser les bras et voulons ainsi rassembler tous les nationaux, démocrates, progressistes, en vue de constituer cette masse de citoyennes et citoyens décidés de résister, de s’opposer face à l’intolérable, de refuser le mensonge et l’arbitraire d’une fatalité prétendue. Nous voulons rassembler ceux qui sont décidés de jouer le rôle de veille, d’encadrement pour mener la grande croisade dans la perspective du grand sursaut national, dans la direction du chemin, des chantiers du renouveau et de l’espérance. C’est ce défi noble que nous vous invitons à lever, citoyennes et citoyens de bonne volonté et de bon commerce. Ensemble, ensemble, ensemble, jusqu’à la victoire finale. Met men, pran desten nou anmen. Eric Jean Baptiste Secrétaire Général , RDNP