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Le Nouvelliste

Covid-19 : des contentieux à ne pas amplifier avant les jours sombres…

March 31, 2020, midnight

La nation est en péril. Le Covid-19 gagne du terrain en Haïti. Le président Jovenel Moïse devrait être celui qui donne le ton, qui rassemble et qui guide le pays à un moment où le spectre de la crise sanitaire que  provoquera le Covid-19 se précise. Les prochaines semaines « seront plus sombres », a prévenu, lundi, la ministre de la Santé publique et de la Population, Gréta Roy Clément. Pour le moment, le chef de l’État peine à imprimer, à inspirer confiance, à se défaire de son passif.  Il reste, pour beaucoup d’Haïtiens, ce président aux multiples promesses non tenues, ce chef au leadership contesté, au bilan économique et financier désastreux, aux velléités autoritaires à fleur de peau.                       Sorti victorieux du « peyi lòk » de ses adversaires politiques, le président Moïse a, depuis, distillé la peur, fait fuir et imposé un « ret trankil » dans le camp d’en face. Il a, avec toutes les cartes en main et sans Parlement, essayé de se rabibocher avec quelques associations du secteur privé. Mais ses piques, souvent inutiles, ses écarts du genre « l’Etat c’est moi » ou les menaces d’accidents contre ceux qui se mettent en travers de sa route, n’ont encouragé ni flamme ni passion. Ils ne sont pas nombreux ceux qui veulent se jeter dans les bras du président Jovenel Moïse qui a coupé presque tous les ponts avec ses opposants politiques à cause de sa manière de choisir le Premier ministre Joseph Jouthe. Le Premier ministre Jouthe, personnage haut en couleur, adepte d’une communication crue, marquée par des éléments de langage parfois regrettables, est au-devant de la scène. Il agit. Il fait et dit, avec sa casquette de chef de gouvernement et celle, très lourde, de ministre de la Planification.  Pour le moment, grâce à la crise sanitaire, cet exécutif, l’attelage Moïse/Jouthe bénéficie d’un sursis fragile qui pourrait vite exploser si le pays se met à compter des morts, quand le dénuement sera encore plus patent, quand sur les lèvres reviendront les critiques acerbes d’avant le Covid-19 et même plus. Rien ne garantit que les opposants, les déçus, les tièdes, les énervés ne se chercheront pas de coupables si on a en Haïti un scénario à l’italienne sur les bras. Si chez nous on voit des cadavres abandonnés sur la voie publique, si l’on entend les « anmwe » au fin fond des corridors, des bourgs, des ghettos où l’on vit entassés comme des sardines sans huile. Face aux effets déflagrateurs du Covid-19, capable d’aggraver toutes nos crises, sanitaire, alimentaire, économique, financière, des tons risquent de changer. Ni les discours décalés de la réalité, ni les faux-semblants, ni les commandes de dernière minute pour un système sanitaire longtemps à l’agonie ne masqueront les conséquences des inconséquences. Les riches, les élites plus que les pauvres, devront rougir de honte face à ce dénuement. Les riches, plus que les pauvres, devront pourtant se mettre en ordre de combat. Les équipements, les cerveaux devront être mobilisés, les emprunts sans intérêt sont à faire à l’Etat par les grandes fortunes d’ici. L’argent des autres, du Blanc, ne coulera pas à flots assez vite pour nous aider. Les anciens, les sages des quartiers devront convaincre les gangs d’observer une trêve. Pour permettre aux familles de s’arranger comme elles le pourront.                 Il y aura d’autres fronts, loin des hôpitaux. L’approvisionnement en eau, nourriture, médicaments, propane, essence devra être assuré. La protection des dépôts, des magasins de provisions alimentaires, des banques, des installations stratégiques devra être assurée par les forces de l’ordre.                                                                  Bien entendu, en temps de crise, les pirates s’arrangeront pour faire de l’argent. Ils résisteront difficilement à l’appât du gain. Des tensions entre Musseau et l’avenue de la République ne sont pas du domaine de l’impossible. Cela dit, il ne faut pas croire que tous les contentieux politiques et sociaux sont vidés. Des ponts doivent être jetés entre les factions politiques. Un vrai dialogue social est à initier au plus vite pour mobiliser les forces vives du pays dans la campagne contre le Covid-19 qui sera long. D’autant qu’il y aura un pendant et un après Covid-19 à gérer. Roberson Alphonse