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Le Nouvelliste

Morts et odeur de dictature

Nov. 27, 2019, midnight

La vidéo d’un jeune homme qui se jette dans le vide et  tombe face contre terre. La légende, non encore vérifiée,  parle d’un énième Haïtien préférant la mort au retour forcé au pays. Jovenel Moïse ne dira rien. À moins d’un communiqué d’une ambassade. Charlot Jeudy. Un jeune homme qui exerçait son droit d’aimer les hommes et dirigeait une association de défense des droits des homosexuels vivait sous la menace. On se souvient que la majorité parlementaire PHTK/Jovenel Moïse au Sénat, celle des budgets scélérats, avait perdu le temps de la nation à voter une loi d’extrême droite contre les droits des homosexuels. On se souvient aussi que le principal fomentateur de Jovenel Moïse (fomenter : préparer, entretenir une action néfaste), un certain Michel Martelly n’avait qu’un seul mot à la bouche, masisi, pour « dénigrer » un journaliste qui dénonçait ses exactions. Mais « le Blanc » a déploré. Alors le président répète après les ambassades. Sans honte. Il faut désormais attendre que les ambassades se prononcent sur une affaire haïtienne avant qu’une parodie de chef d’Etat ne trouve quelque chose à dire. Charlot Jeudy avait aussi protesté contre la corruption, la mauvaise gouvernance. « Suivez mon regard », dirait le président du Palais national. Un couple de Français venu en quête d’un enfant à chérir trouve la mort. L’horreur. On ne doit pas mourir ainsi, animé d’une envie de partager la vie, de grandir avec un enfant qu’on aiderait à grandir. L’exécutif promet de diligenter une enquête. Elle sera sans doute menée par les Français et donnera peut-être des résultats. Mais quelle bassesse de la part du président du Palais national et de ses serviteurs que de mettre une hiérarchie dans la liste des morts. Il y a les morts tombés dans les rangs des manifestants et des organisations politiques, tués par des agents de la police et des civils armés. Il y a la terreur que des policiers et des civls armés installent le soir et la nuit dans certains quartiers populaires. Il y a le recours à la méthode fasciste appliquée par le pouvoir dans ces mêmes quartiers populaires et même dans certaines villes qui consiste à tenter de produire du consentement par la terreur. Il y a les citoyens haïtiens victimes de la loi des gangs, bon nombre de ces gangs ayant été en contact avec des figures du pouvoir et du PHTK. Il y a ceux que la misère tue. Faisons attention à ne pas sombrer dans un quelconque réflexe de classe dicté par un besoin de paix et à ne pas laisser la place à un arbitraire aux odeurs de dictature. Loin de moi l’envie de défendre une quelconque entreprise, mais quand l’autorité de l’État est utilisée dans le domaine économique pour combattre un ou des ennemis politiques, cela n’augure rien de bon. Aujourd’hui, c’est telle entreprise. Demain ce peut être telle autre. Surtout quand la politique sécuritaire consiste à s’en prendre de jour, de nuit, par des actions arbitraires, aux classes populaires, la porte est ouverte à une nouvelle forme de macoutisme. Je ne peux pas parler à la place de Charlot Jeudy. Mais il se passerait bien, je veux le croire, des sympathies de Jovenel Moïse. À moins que celui-ci n’accompagne sa lettre de démission  d’une lettre d’excuse envers tous les morts.