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Le Nouvelliste

La dialectique des armes

Dec. 5, 2019, midnight

De 1986 à nos jours, on ne compte plus le nombre de processus de désarmement enclenché sous diverses administrations. Certains ont porté fruit, même pour un instant, alors que d’autres, simplement, ont été des opérations cosmétiques. Jusqu’à celui lancé par l’actuelle administration, tous ont été, dans la réalité objective, de grandes farces, à la Molière, pour amuser la galerie. Si, hier, les colts chantaient la mort, la nuit tombée, aujourd’hui, les armes de guerre servent à opérer, en plein jour, à visière levée, des vols spectaculaires, des kidnappings en série, des affrontements entre chefs de gang et agents de la Police nationale d’Haïti (PNH). Ce qui nous porte, au Rassemblement des démocrates, nationaux, progressistes, (RDNP), de poser - pour parvenir à «changer de système»,  à assurer cette prétendue «dernière transition» - comme impérieuse, fondamentale, la nécessité d’une règlementation de la vente de munitions , de la circulation, de la détention,du commerce  et de l’utilisation d’armes à feu dans le pays. Il est normal que dans un pays, en conflit larvé ou ouvert, les crimes organisés, les gangs armés, pullulent, que la dialectique des armes s’impose comme seul moyen de survie, comme seule fantaisie de l’esprit pour saouler la peur d’une mort violente, comme seul recours pour tromper un vif sentiment de mal-être, d’insécurité. Cette logique d’une course folle à l’armement, en Haïti, puise ses fondements dans les guerres séculaires de suprématie de clans politiques et économiques, s’appuyant sur l’indigence, sur la vulnérabilité des éléments des classes défavorisées, utilisés comme des nègres, comme des fusibles, voire, comme chair à canon. Divers témoignages publics rapportent que nombre d’élus, anciens et actuels,  de hauts fonctionnaires publics, de commerçants, de trafiquants, des entrepreneurs, de racketeurs, financent et soutiennent les gangs armés, qui, pour assurer leur pouvoir politique, qui, pour sécuriser leurs activités commerciales, légales ou illicites. La réalité d’une mauvaise circulation, détention, utilisation d’armes à feu, s’avère, de nos jours, à travers tout le pays, plus que patente, et envoie des signes évidents d’un malaise social, d’une crise socio-politique. Ce phénomène s’observe dans cette frénésie des propriétaires de commerce de bombarder la devanture de leur entreprise d’agents de sécurité dont le calibre de l’armement varie en fonction de la dimension ou de l’importance de l’entreprise. Cette réalité est poignante dans les zones contrôlées par des gangs armés puisqu’elle est effroyablement vécue, au quotidien, par leurs habitants, dans leur chair et dans leur âme. Elle est bien plus discrète quand ce sont les possédants, les ayant-droit qui font de leur maison privée, un véritable arsenal. Haïti ne détient pas pour autant le record de pays dans lesquels la détention d’armes se révèle excessive, dans lesquels les disparités dégénèrent en troubles sociaux, en agitations politiques et en lutte armée. A la seule différence, dans les autres pays, les armes illégales sont utilisées par les bandits et/ou les guérilleros, alors que les armes légales sont détenues, uniquement, par les agents de corps constitués de l’État et les personnes autorisées. Sans amalgame ! A ce stade, nous autres du RDNP - Rassemblement des démocrates, nationaux, progressistes - orientons nos réflexions et analyses vers un angle particulier de la circulation excessive, incontrôlée, d’armes à feu dans le pays.  En toute logique, Haïti, fraîchement sortie d’une dictature, ne figure pas, jusqu’ici, parmi les pays, possédant des usines de fabrication, d’assemblage, des magasins de vente, des entreprises d’importation d’armes à feu. Il n’est, non plus, de ceux qui autorisent le port d’armes sans une <<... autorisation expresse et motivée du chef de la police >>, bien que << tout citoyen a  droit   à l'auto-défense armée , dans les limites de son domicile >> ( art 268-1 ). Il y a lieu de savoir laquelle, des institutions de l’État, détient le monopole exclusif de l’importation d’armes de tout calibre dans le pays, laquelle autorise, contrôle leur détention et leurs ventes . Au-delà de l’impérieuse nécessité de démanteler les gangs armés, de lancer, véritablement, un  processus de désarmement, il importe de régler en amont, une fois pour toutes, la question d’armes à feu dans le pays. L’État haïtien, s’il doit «changer de système», faire la «dernière transition», en aucun cas, ne peut assister impuissant à la balkanisation du pouvoir et de l’autorité, voire, à l’exhibition outrageante et arrogante d’armes de guerre, à la parade quotidienne de bandits, comme s’il s’agit de la commémoration de la fête de l’Indépendance nationale. Les acteurs d’une gouvernance de transition, pour marquer la rupture, ne peuvent se passer de prendre toutes les mesures pacifiques ou drastiques pour combattre le trafic illicite, crapuleux, lucratif, d’armes à feu dans le pays. A partir d’un contrôle rigoureux des ports, aéroports, frontières terrestres…  Tâche noble, sérieuse, patriotique qui n’incombe qu’aux nationaux, démocrates et progressistes, et à l’accomplissement de laquelle le RDNP invite les citoyennes et citoyens de bon commerce et de bonne volonté. Ensemble, ensemble, ensemble, jusqu’à la victoire finale. Met men, pran desten nou an men. Eric Jean Baptiste Secrétaire général , RDNP